Rechercher
Rechercher

Liban - Diplomatie

La mission saoudienne au Liban est riche en messages

Deux constantes définiraient les liens Beyrouth-Riyad retrouvés : le « partenariat » se substitue à l’amitié unilatérale et la sécurité nationale du royaume est une « ligne rouge ». 

La délégation saoudienne au palais présidentiel... Photo Dalati et Nohra

La visite à Beyrouth de l’émissaire saoudien Nizar Alaoula, annoncée officieusement puis reportée plusieurs fois après l’épisode de la démission forcée du Premier ministre Saad Hariri en novembre dernier, est finalement advenue. Entamée hier, elle doit se poursuivre jusqu’à vendredi. Le conseiller auprès du diwan, accompagné du ministre Walid Boukhari et de l’ambassadeur d’Arabie Walid Yaacoub, serait venu transmettre un double message : l’Arabie, d’abord incertaine sur la question, a choisi de ne pas rompre ses relations avec le Premier ministre Saad Hariri ; elle a choisi en outre de tourner la page de sa démission depuis Riyad, sans toutefois y inclure le président de la République, Michel Aoun, rapportent des milieux proches du royaume wahhabite. C’est donc une visite-éclair, strictement protocolaire, que la délégation a effectuée à Baabda avant de se rendre au Grand Sérail, puis à Meerab.  

Les échanges bilatéraux avec le chef de l’État, certes courtois, n’auront duré que dix minutes. L’émissaire saoudien a affirmé l’appui de son pays à « la stabilité et la souveraineté du Liban », mais sa visite a principalement servi à « informer le chef de l’État qu’il est là pour transmettre au Premier ministre Saad Hariri une invitation officielle à se rendre en Arabie ». Les milieux de Baabda, cités par notre correspondante Hoda Chédid, ont vu d’un bon œil le passage de l’émissaire à Baabda, qui a transmis « une nouvelle lecture saoudienne des rapports bilatéraux ». En revanche, les milieux du ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, cités par notre chroniqueur diplomatique Khalil Fleyhane, se sont chargés d’exprimer le mécontentement dont s’est réservé le palais présidentiel. Le palais Bustros a été en effet exclu de la tournée de l’émissaire saoudien. « Il s’est abstenu délibérément de demander rendez-vous au chef de la diplomatie, vu que ce dernier a joué un rôle crucial auprès des dirigeants européens afin que des pressions soient exercées sur le prince héritier Mohammad ben Salmane pour le retour de Saad Hariri au Liban », estiment ces milieux. Du point de vue saoudien, le chef de l’État, au même titre que le Hezbollah, a profité de l’épisode de la démission « en prétendant exercer des pressions sur les pays européens pour libérer le Premier ministre, alors que cette solidarité feinte aura servi à renforcer le statu quo souhaité par l’Iran ».


(Lire aussi : La distanciation, un élément essentiel pour une normalisation libano-saoudienne)


Au Grand Sérail, M. Hariri a reçu une invitation officielle à se rendre en Arabie, dans le cadre d’un entretien qu’il a qualifié d’« excellent ». Selon nos informations, sa visite devrait avoir lieu en fin de semaine et serait suivie d’une rencontre de mise au point avec le président français Emmanuel Macron à Paris, puis d’une tournée dans le Golfe. « L’objectif principal de l’Arabie est que le Liban soit maître de ses décisions. Elle tient à l’indépendance intégrale du Liban, et nous verrons comment mettre en œuvre notre coopération au niveau des prochains congrès internationaux (à Rome, pour le soutien à l’armée, et à Paris pour l’aide aux investissements, NDLR) », a déclaré M. Hariri lors d’échanges informels avec les journalistes.

Un proche de l’Arabie fait remarquer que le royaume a déjà été sollicité pour verser des contributions financières aux réunions de Paris et de Rome. Le regain d’intérêt saoudien pour le Liban, signalé par la désignation de son nouvel ambassadeur après trois ans d’absence, devrait se traduire aussi dans les aides au Liban.

En même temps, « cet appui saoudien à la stabilité du Liban » obéirait à de nouvelles règles. Le royaume n’aspire plus à « une amitié » avec les acteurs libanais, dont Saad Hariri ferait partie, mais à « un partenariat », c’est-à-dire des rapports « donnant-donnant », explique un expert proche de l’Arabie qui a requis l’anonymat. En outre, « il est interdit que le Liban officiel mette en péril la sécurité nationale saoudienne », ajoute-t-il.


(Lire aussi : Liban : Le retour de la diplomatie saoudienne ?)


À travers Meerab, un message à Baabda  

Pour ce faire, la politique de neutralité serait le seul moyen de l’honorer. Depuis le retour de Saad Hariri à Beyrouth, les Saoudiens prônent une neutralité qui n’a pas pour vocation de saper le compromis de la présidentielle, en confrontant le Hezbollah, mais de préserver un résidu d’opposition, si ce n’est contre l’aventurisme militaire du Hezbollah, du moins contre ses diatribes antisaoudiennes chroniques.

À la question de savoir si cette attitude de neutralité est attendue de la part des trois présidences, une figure libanaise proche du royaume tranche : « Le Liban officiel est représenté par Saad Hariri aux yeux de l’Arabie. » Et d’ajouter que le message saoudien est clair : le chef de l’État est perçu comme « une entité intrinsèque au Hezbollah ».

C’est ce message que renverrait d’ailleurs la visite de l’émissaire saoudien à Meerab : en atteste « l’asymétrie de forme » entre les dix minutes qu’il a passées à Baabda et les deux heures qu’il a passées autour d’un dîner avec le chef des Forces libanaises (FL), Samir Geagea, selon ce proche de l’Arabie. Le message d’amitié à l’égard de Samir Geagea, bien qu’avéré, serait toutefois secondaire. Surtout que l’appui de M. Geagea à la candidature de Michel Aoun – qui a donné le coup d’envoi à son élection – lui vaut les reproches « discrets » des Saoudiens, surtout après l’échec du pari sur un recentrage de Michel Aoun.

À l’issue de ses échanges avec la délégation saoudienne en présence du ministre Melhem Riachi et de la députée Sethrida Geagea, le chef des FL a indiqué que « les échanges ont été directs, et ont touché aux principaux problèmes dont souffre le Liban ». Il en a retenu notamment la question du litige sur les frontières maritimes avec Israël, en estimant que la proposition du chef de l’État de recourir à l’arbitrage international – contestée par le président de la Chambre – « est logique et est la seule solution envisageable ». Révélant que ses interlocuteurs étaient de cet avis, il a paru se positionner comme point de liaison entre l’Arabie et le chef de l’État.

On notera enfin que le partenariat recouvré avec Saad Hariri ne devrait pas forcément se traduire par des alliances électorales FL-Futur, selon des sources proches de l’Arabie, celle-ci étant disposée, semble-t-il, à soutenir l’un et l’autre sans ambitionner forcément, du moins à ce stade, de fédérer des candidatures face au Hezbollah.


Lire aussi
Berry accuse certains pays « étrangers » de vouloir torpiller les élections

Chouf-Aley : un message de Riyad à Joumblatt ?

A Davos, Hariri assure que ses relations avec l'Arabie sont "excellentes"


Pour mémoire

Un nouvel ambassadeur saoudien officiellement au Liban, un mois après le dénouement de l'affaire Hariri

La visite à Beyrouth de l’émissaire saoudien Nizar Alaoula, annoncée officieusement puis reportée plusieurs fois après l’épisode de la démission forcée du Premier ministre Saad Hariri en novembre dernier, est finalement advenue. Entamée hier, elle doit se poursuivre jusqu’à vendredi. Le conseiller auprès du diwan, accompagné du ministre Walid Boukhari et de l’ambassadeur...

commentaires (5)

La confiance d’une grande partie des libanais envers les saoudiens a ete fortement ebranlee depuis Novembre dernier. Menacer, Punir, Diviser pour mieux regner n’ont jamais ete des mesures efficaces fort heureusement avec les libanais. L’affront national qui a ete inflige a l’ensemble des libanais prendra du temps a etre oublie.. Essayer de contourner la Presidence de la Republique et le Ministere des Affaires Etrangeres ( qu’on les aime ou pas ) durant cette visite de reprise de contacts est une strategie qui ne portera pas ses fruits, Nous avons une Constitution au Liban, certains pays devraient commencer a le comprendre et a le respecter. Ca critique l’Iran pour favoriser une communaute d’un pays, mais ca n’agit pas mieux... Vivement de nouvelles elus et de nouveaux espoirs de toutes confessions purement libanais et chauvins a la solde de personne.

Cadige William

12 h 14, le 27 février 2018

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • La confiance d’une grande partie des libanais envers les saoudiens a ete fortement ebranlee depuis Novembre dernier. Menacer, Punir, Diviser pour mieux regner n’ont jamais ete des mesures efficaces fort heureusement avec les libanais. L’affront national qui a ete inflige a l’ensemble des libanais prendra du temps a etre oublie.. Essayer de contourner la Presidence de la Republique et le Ministere des Affaires Etrangeres ( qu’on les aime ou pas ) durant cette visite de reprise de contacts est une strategie qui ne portera pas ses fruits, Nous avons une Constitution au Liban, certains pays devraient commencer a le comprendre et a le respecter. Ca critique l’Iran pour favoriser une communaute d’un pays, mais ca n’agit pas mieux... Vivement de nouvelles elus et de nouveaux espoirs de toutes confessions purement libanais et chauvins a la solde de personne.

    Cadige William

    12 h 14, le 27 février 2018

  • ils doivent etre tres "malheureux" les saoudiens . trouvent difficilement a qui se fier ! car ils ont fait face a des allies qui ont soit vire de "bord" -hariri-soit TRES mal calcule leur coup-geagea- d'ou leur TRES GROSSE GAFFE de novembre dernier-IMPARDONNABLE !

    Gaby SIOUFI

    11 h 15, le 27 février 2018

  • Riches en message , mais pauvres en esprit .

    FRIK-A-FRAK

    08 h 22, le 27 février 2018

  • L,ARABIE SAOUDITE UN PARTENAIRE POSITIF POUR LE LIBAN SANS DES VISEES HEGEMONIQUES ET DES ACCESSOIRES MILITARISTES RELIGIEUX !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 17, le 27 février 2018

  • AVANT DERNIER PARAGRAPHE, LIGNE 3 ET ONT TOUCHÉ ETC ...

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 14, le 27 février 2018

Retour en haut