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Moyen Orient et Monde - Portrait

Meral Aksener, la « louve » qui veut battre le sultan Erdogan

Après avoir créé le Bon parti en octobre 2017, l’ex-ministre turque de l’Intérieur semble avoir une chance de s’opposer à Recep Tayyip Erdogan à la présidentielle de 2019.

Meral Aksener répondant aux questions de l’AFP lors d’un entretien à Ankara le 15 décembre 2017. Adem Altan/AFP

On la surnomme « Asena », du nom de la louve de la mythologie turque qui, selon la légende, donne naissance aux premiers Turcs. La comparaison entre Meral Aksener et cet animal particulièrement admiré des Turcs n’est pas fortuite. Son courage face à ses adversaires est bien connu. Quand l’armée organise un énième coup d’État en 1997, Meral Aksener est ministre de l’Intérieur. Elle tient tête aux généraux et refuse de se laisser intimider. Même quand l’un d’entre eux menace de l’empaler sur un pieu. Elle balaie alors la menace d’un revers de main. Une autre explication, bien moins reluisante, est à l’origine de son surnom : son appartenance au Parti d’action nationaliste (MHP), qui entretient des relations très étroites avec les Loups gris, une formation armée ultranationaliste et d’extrême droite. Comme de nombreux membres du MHP, Meral Aksener fait souvent le signe de ralliement du groupe, l’index et l’auriculaire pointés vers le haut, et les autres doigts unis en triangle, comme pour former une tête de loup. 

Mais cette musulmane pratiquante se défend de tout racisme, et n’apprécie pas particulièrement les comparaisons récurrentes avec Marine Le Pen. Elle préfère se dire centriste, comme Emmanuel Macron, dont elle apprécie la volonté d’aller vers les autres, d’être à l’écoute du peuple. « Meral Aksener tente de défier la politique populiste d’Erdogan avec une alternative centriste, alors que Le Pen représente une alternative populiste à la politique centriste en France. Elle tente de modérer un mouvement nationaliste en le déplaçant vers le centre, une stratégie qui pourrait renforcer la politique centriste en Turquie », avance Aykan Erdemir, chercheur à la Fondation pour la défense des démocraties et ancien membre du Parlement turc, qui l’a bien connue. 

Cette historienne de formation se dit capable de rassembler les Turcs. Pour ce faire, elle crée son propre parti le 25 octobre 2017. Iyi Parti, ou le Bon parti, qui se veut nationaliste et laïc, a été créé avec des dissidents du MHP, déçus de la voie prise par Recep Tayyip Erdogan, dont la dérive autoritaire est de plus en plus contestée. « Mais elle a trop tardé », estime Abdullah Bozkurt, ancien rédacteur en chef de la version en anglais du quotidien Zaman, président du Stockholm Center for Freedom et auteur de Turkey Interrupted.
Quand elle se décide à se lancer en politique en 1994, elle a 40 ans et manque d’expérience. Elle monte très vite en grade, cependant, jusqu’à devenir ministre de l’Intérieur en novembre 1996. À l’époque, elle est l’une des rares femmes à avoir un poste élevé en politique, avec Tansu Ciller, Première ministre de 1993 à 1996. À l’époque, les temps sont agités, et elle finit par perdre son poste. Les dix années qui suivent, elle reste au Parlement. Début 2001, elle flirte brièvement avec l’AKP, mais finit par intégrer le MHP en 2007, devenant conseillère du chef du parti, Devlet Bahçeli. Devenue vice-présidente du Parlement, elle devient si populaire que Bahçeli en prend ombrage. « Elle a toujours été équilibrée et accessible. Elle a de très fortes compétences humaines. Contrairement à Erdogan, qui a un tempérament colérique, Aksener a une capacité unique à désamorcer les tensions par l’humour », raconte M. Erdemir, qui l’a côtoyée de près malgré leurs différences politiques.

Popularité croissante
Sa popularité seule ne suffit pas expliquer la fissure au sein du parti, tient à souligner Abdullah Bozkurt, pour lequel les liens unissant Bahçeli et Erdogan lui ont attiré les foudres d’Aksener et de nombreux membres du parti. Le chef du MHP finit par réussir à la marginaliser, au point de lui faire quitter le parti en 2016. Elle serait partie en entraînant 70 % des membres du parti, d’après le journal Le Monde. Elle s’oppose avec virulence au référendum d’avril 2017 sur une présidentialisation des pouvoirs. Sa popularité croissante est révélatrice des divisions du pays. Mais elle représente une menace pour le président Erdogan, qui multiplie les mesures de dissuasion : fermetures de locaux réservés à l’usage de meetings, coupures d’électricité, barrages policiers dissuasifs avant les réunions, menaces… Meral Aksener ne se laisse pas intimider. Jusque-là, pourtant, la « dame de fer », comme la surnomment certains, s’entendait plutôt bien avec le chef de l’État, qui est même témoin au mariage de son fils unique en 2015. « Ironiquement, Erdogan a contribué à la popularité croissante d’Aksener », qui émerge renforcée de sa lutte contre le président turc, qui a de bonnes raisons de s’inquiéter, s’amuse Aykan Erdemir. Quand elle finit par créer le Bon parti, les observateurs n’hésitent pas à affirmer qu’elle semble bien partie pour s’opposer au « sultan » en novembre 2019, à l’occasion de la prochaine présidentielle. Elle a les qualités d’un « candidat fourre-tout qui peut recevoir des votes à la fois de la droite et de la gauche du spectre politique turc », estime M. Erdemir. Pour ce faire, elle a besoin d’amasser le nombre de signatures nécessaire. Et même si elle y arrive, « elle aurait plusieurs défis majeurs, avance Abdullah Bozkurt, comme convaincre un maximum d’électeurs, surtout au cœur du pays ». Le président Erdogan contrôle en outre la commission électorale, composée notamment de juges de la Cour suprême. « Lors du référendum sur la réforme constitutionnelle d’avril 2017, de nombreuses urnes non scellées ont été acceptées par la commission, ce qui viole la loi », rappelle le journaliste, selon lequel il est fort probable que le même scénario se répète. Et un troisième défi, avance-t-il, serait de collecter assez de fonds pour faire campagne, ce qui serait difficile étant donné que la plupart des donateurs sont acquis aux partis traditionnels, surtout l’AKP d’Erdogan. 

D’ici là, rien n’est sûr pour celle qui se dit ouvertement candidate pour 2019. Sa proximité avec les Loups gris fait peur, malgré ses discours soigneusement nuancés. À ses débuts, aussi, l’AKP donnait espoir, avant sa dérive autoritaire…


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commentaires (4)

BON COURAGE ET BONNE CHANCE A LA LOUVE ! BON DEBARRAS DU MINI APPRENTI SULTAN !

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 16, le 26 février 2018

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Commentaires (4)

  • BON COURAGE ET BONNE CHANCE A LA LOUVE ! BON DEBARRAS DU MINI APPRENTI SULTAN !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 16, le 26 février 2018

  • Ce pays na jamais connu la démocratie. Il bascule de la jante militaire fascisante, à l'islamisme politico-raciste.... Les dirigeants politiques changent mais le fond reste le même. Blanc bonnet, bonnet blanc Le temps est resté figé dans l'Osmania..

    Sarkis Serge Tateossian

    09 h 38, le 26 février 2018

  • Pourquoi la comparer a Marine Le Pen? Plutôt a Simone Veil !

    Marie-Hélène

    09 h 23, le 26 février 2018

  • C'est donc le loup , la louve et les agneaux .

    FRIK-A-FRAK

    09 h 03, le 26 février 2018

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