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Moyen Orient et Monde - Analyse

Syrie : qui réussira à imposer ses lignes rouges ?

Personne n’est en mesure de faire respecter sa pax en Syrie: Washington ne veut pas jouer à l’arbitre et Moscou flotte pour l’instant dans le costume.


Un tank israélien dans la partie du Golan occupée par l’État hébreu. Ammar Awad/Reuters

Personne n’a intérêt à ce qu’éclate un conflit de grande ampleur, mais tout le monde joue avec le feu pour marquer son territoire : voilà comment on pourrait résumer en une phrase la situation actuelle des puissances régionales et internationales en Syrie. Loin d’être terminé, le conflit syrien est plutôt entré dans une nouvelle phase depuis la défaite de l’État islamique, qui avait l’avantage de réunir tout le monde contre lui. En l’absence d’un processus de paix ou d’un accord international entre les puissances concernées, les différends entre les acteurs nationaux, régionaux et internationaux se règlent sur le terrain militaire, où chacun essaye de tester les lignes rouges de ses adversaires. Il en va ainsi de l’opération turque à Afrine, qui menace de s’étendre sur Manbij, malgré la présence des forces spéciales américaines dans la ville, mais aussi des bombardements américains le 8 février contre l’offensive des forces loyalistes à Deir ez-Zor, qui rappelle que Washington n’a pas l’intention de quitter l’Est syrien à court et moyen termes, et enfin de l’escalade militaire qui a opposé Israël à l’autoproclamé « axe de la résistance » au cours de ce week-end. Les trois escalades répondent à une même logique : chaque acteur défend ses intérêts à un moment où les lignes de démarcation ne sont pas encore stabilisées et où aucun compromis général ne parvient à se dessiner. Et pour cause : personne n’est en mesure d’imposer sa pax en Syrie. Washington ne veut pas jouer à l’arbitre. Et Moscou flotte pour l’instant dans le costume. 


(Lire aussi : Attaques israéliennes en Syrie : le Liban va protester à l'ONU contre les violations de son espace aérien)


Trop de lignes rouges

Les Turcs veulent réduire à néant le projet d’autonomie kurde à leur frontière et, pour ce faire, pousser Washington à abandonner son allié. Les Russes, les Iraniens et le régime syrien veulent isoler Washington, le provoquer pour tester son degré d’engagement sur le sol syrien et le contraindre en définitive à partir. Les Américains veulent consolider leur influence dans l’Est syrien pour endiguer à la fois l’expansion iranienne et empêcher la renaissance d’un bastion jihadiste. Les Israéliens veulent, pour leur part, empêcher à tout prix l’établissement des forces iraniennes dans le Sud syrien et le transfert d’armes vers le Hezbollah. En résulte un terrain de 185 000 km² où interviennent directement, même si de façon limitée, cinq des armées les plus puissantes du monde avec tous les risques d’embrasement que cette situation comporte. C’est parce que les lignes rouges définies par les uns et par les autres s’entrecroisent que la menace est à prendre au sérieux. Autrement dit, il y a trop de lignes rouges pour qu’elles puissent toutes être respectées. 

Dans le Sud, Israël continuera probablement d’intervenir à sa guise à chaque fois qu’il considérera que sa sécurité est menacée. Moscou ne peut pas prendre le risque que les interventions israéliennes affaiblissent considérablement son allié, le régime syrien, et remettent tous ses plans en question, et se trouve ainsi obligé de durcir le ton. Téhéran n’a aucune intention de faire profil bas et développe au contraire ses capacités dans le Sud syrien, via les milices chiites qui lui sont obligées, pour être en mesure de faire peser une menace sur l’État hébreu à partir d’un deuxième front. 

Dans le Nord, Ankara peut difficilement accepter le maintien des Kurdes à Manbij et à l’est de l’Euphrate. Tandis que Washington considère au contraire que leur maintien est essentiel à sa politique syrienne. 

À l’Est, Damas et ses parrains russe et iranien ont besoin de remettre la main sur les réserves d’hydrocarbures de la province de Deir ez-Zor, essentielles à la viabilité du régime. Plus jusqu’au-boutistes que Moscou, Damas et Téhéran sont également dans une logique de reconquête complète des territoires, ce qui passe nécessairement par une évacuation des Américains de l’Est syrien. Plus défensif qu’offensif, Washington a toutefois assuré de sa volonté de demeurer en Syrie à moyen terme, en renforçant son allié kurde dans les territoires sous son influence. 


(Lire aussi : Israël ne permettra pas un "ancrage" militaire de l'Iran en Syrie, prévient Netanyahu)


Bombage de torse

Derrière ces trois zones à risques, qui marque une nouvelle phase de l’internationalisation de la guerre civile syrienne, se dégage la possibilité d’un affrontement entre deux alliances. Avec, d’un côté, la Russie, l’Iran et désormais la Turquie, et de l’autre, Israël et les États-Unis, avec le soutien tacite de l’Arabie saoudite. Malgré les contradictions inhérentes à la première alliance et l’impossibilité politique de la deuxième, les convergences d’intérêts entre les acteurs engendrent une bipolarisation quasi naturelle. En d’autres termes, Moscou, Téhéran et Ankara ont tous les trois intérêt à affaiblir Washington en Syrie et à empêcher Israël de se mêler à la danse. A contrario, les États-Unis, Israël et l’Arabie saoudite voient tous les trois d’un très mauvais œil la pérennisation de la présence iranienne en Syrie et souhaitent, à des degrés divers, la contrecarrer. Tous les acteurs semblent conscients que la moindre étincelle peut déclencher un engrenage de violence pouvant aboutir à un conflit mondial. L’heure n’est pourtant pas (encore) à la prudence. Mais plutôt au bombage de torse, personne n’acceptant pour l’instant de courber l’échine. 

On pourrait résumer ce contexte général en paraphrasant Raymond Aron lorsqu’il décrivait la guerre froide : « Paix impossible, guerre improbable. »




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commentaires (4)

La Russie de Poutine est seule maître à bord. Plus rien ne se fera sans son aval. Les kurdes , les syriens , les israéliens sont tenus de les prendre en considération. Le camp des occidentaux formé par l'Amérique et les bensaouds de tout poil sous influence néfaste d'israel ont un rôle minimisé. Quant aux français, leur seul objectif est de faire partie du partage juteux des reconstructions en irak et en syrie . Il ne faut même plus parler du croissant chiite , mais de la pleine lune chiite .

FRIK-A-FRAK

10 h 13, le 13 février 2018

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Commentaires (4)

  • La Russie de Poutine est seule maître à bord. Plus rien ne se fera sans son aval. Les kurdes , les syriens , les israéliens sont tenus de les prendre en considération. Le camp des occidentaux formé par l'Amérique et les bensaouds de tout poil sous influence néfaste d'israel ont un rôle minimisé. Quant aux français, leur seul objectif est de faire partie du partage juteux des reconstructions en irak et en syrie . Il ne faut même plus parler du croissant chiite , mais de la pleine lune chiite .

    FRIK-A-FRAK

    10 h 13, le 13 février 2018

  • LE PLUS FORT... ET C,EST CONNU !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 26, le 13 février 2018

  • LA CONNIVENCE EN VEUT AINSI JUSQU,A LA FIN DES MARCHANDAGES ET DES PARTAGES ! NAIF QUI NE L,A PAS COMPRIS ENCORE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 50, le 13 février 2018

  • je crois qu'il n'y a rien a imposer .. tout est deja partager lol

    Bery tus

    01 h 43, le 13 février 2018

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