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Liban - Décryptage

La nuit de Hadeth qui a renversé la donne...

L’image de Baabda, mardi, pour chasser celle de Hadeth, dans la nuit de mercredi à jeudi derniers. L’entente officialisée des trois pôles du pays pour effacer celle des fiers-à-bras dans la rue, qui avait rappelé les scènes détestables de la guerre civile. Comme convenu dans leur conversation téléphonique, Michel Aoun et Nabih Berry se sont donc retrouvés mardi à Baabda avant d’être rejoints par Saad Hariri. Les sources proches des trois responsables ont qualifié la réunion de très fructueuse, évoquant une entente sur la plupart des dossiers. L’annonce de cette entente se voulait rassurante pour les Libanais qui n’ont toujours pas digéré les incidents de la semaine dernière. Mais que s’est-il donc passé pour que cette rencontre tripartite devienne brusquement possible ? Surtout que le président de la Chambre, qui s’était déclaré très satisfait de l’appel téléphonique du chef de l’État, ne s’était pas privé, dans le même temps, de noter que celui-ci aurait dû avoir lieu au lendemain de la diffusion de la vidéo fuitée dans laquelle le ministre des Affaires étrangères l’avait traité de « baltaji ». Pourquoi a-t-on perdu du temps, semblait insinuer Nabih Berry qui laissait entendre que si le coup de fil avait eu lieu au lendemain de la fuite, il aurait permis d’éviter les incidents de rue de mardi et mercredi.

En fait, jusqu’à mercredi dernier, le président de la Chambre semblait en position de force, ayant montré au ministre Gebran Bassil qu’on ne peut lui adresser de tels qualificatifs sans subir la colère de la rue chiite. Ses partisans avaient ainsi manifesté sur la route de l’aéroport pour protester contre l’injure faite au président de la Chambre, et indirectement pour empêcher les participants au congrès sur l’émigration qui devait se tenir à Abidjan de prendre l’avion. Ils s’étaient aussi déployés autour du siège principal du CPL à Sin el-Fil pour exiger des excuses de la part du ministre Bassil. Nabih Berry semblait donc avoir l’initiative...


(Lire aussi : Retour au calme à Aramoun, après une poussée de fièvre entre partisans du PSP et du Hezbollah)


Mais la soirée de Hadeth, le lendemain, a changé la donne. Ce qui ressemblait à une protestation plus ou moins spontanée s’est transformé en une sorte de vandalisme destiné à terroriser les habitants de Hadeth, en faisant revivre les lignes de démarcation de la guerre civile. Les proches du chef du législatif ont eu beau affirmer que les fauteurs de troubles ne font pas partie de ses partisans, son image de président de la Chambre et de protecteur des institutions s’en est trouvée sérieusement écornée.
Ses proches affirment l’avoir entendu hurler au téléphone pour réclamer le retrait des manifestants, en vain. Le mal était déjà fait. Selon des sources de sécurité, les manifestants qui ont avancé vers Hadeth ce soir-là venaient de Laylaki, un quartier de la banlieue sud considéré comme une sorte de zone de non-droit habitée par des membres de tribus chiites de la Békaa, des trafiquants et des chômeurs infiltrés par divers services de renseignements étrangers. On les appelle en général « les casseurs » et ils sont prêts à provoquer des troubles là où ils passent, attendant l’occasion de montrer leur marginalité. Leur arrivée tonitruante aux abords de Hadeth ressemblait donc à une nouvelle déclaration de guerre, et le président de la Chambre, qui voulait pousser le ministre Bassil à présenter ses excuses ou à se rétracter en montrant sa force populaire, s’est trouvé débordé par des groupes qu’il ne contrôlait pas. Brusquement, il ne s’agissait plus d’un mouvement de protestation farouche contre les propos d’un ministre, mais d’un risque réel d’actes de vandalisme qui pouvait rallumer des frictions inacceptables plus d’un quart de siècle après la fin de la guerre civile. L’armée s’est d’ailleurs immédiatement déployée pour empêcher les manifestants d’atteindre Hadeth et le président de la Chambre a compris que le recours à la rue comporte de grands risques. Il est donc préférable de chercher un compromis acceptable.


(Lire aussi : La nuit de Hadeth qui a renversé la donne..., le décryptage de Scarlett Haddad)


C’est dans ce contexte qu’est arrivé l’appel téléphonique présidentiel qui a déclenché le processus des retrouvailles de Baabda. Dans cette partie serrée et délicate, Nabih Berry s’est retrouvé en difficulté. Il n’était pas en bons termes avec le Premier ministre qu’il avait refusé de recevoir. Il avait déclenché un bras de fer avec le ministre Bassil et il ne pouvait plus recourir à la rue. Il a donc choisi d’accepter la main tendue du chef de l’État et de se réconcilier avec le Premier ministre auquel il n’avait cessé de reprocher son entente avec Baabda. Plus encore, lors de l’attaque dont il a fait l’objet par le PDG de la chaîne al-Jadeed dimanche soir, il a arrêté à la dernière minute ses partisans qui voulaient manifester devant le bâtiment de cette chaîne, pour ne pas rééditer la mauvaise expérience de Hadeth.

Dans ce bras de fer politique permanent, où chacun des acteurs veut être l’élément le plus fort, le président de la Chambre a perdu une manche. Non seulement il n’a pas obtenu gain de cause mais, de plus, il a perdu la carte de l’usage de la rue, d’autant que les incidents de Hadeth ont été condamnés par tout le Liban, alors que la communauté internationale a rappelé son attachement à la stabilité du pays. La bonne nouvelle, c’est que le recours à la rue a donné désormais conscience du risque, et la mauvaise nouvelle, c’est que les menaces sécuritaires continuent de peser sur le pays, en dépit de la stabilité qui y règne. Il faut donc chercher des solutions, au lieu de multiplier les conflits. La triste nuit de Hadeth a eu l’effet d’une sonnette d’alarme.


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L’image de Baabda, mardi, pour chasser celle de Hadeth, dans la nuit de mercredi à jeudi derniers. L’entente officialisée des trois pôles du pays pour effacer celle des fiers-à-bras dans la rue, qui avait rappelé les scènes détestables de la guerre civile. Comme convenu dans leur conversation téléphonique, Michel Aoun et Nabih Berry se sont donc retrouvés mardi à Baabda avant...

commentaires (5)

L'insulte de Bassil a provoqué une réaction supérieure à cette insulte en terme de vulgarité. Berry qu'on connaît tous comme n'etant pas un enfant de choeur , loin s'en faut , aurait eu tout à gagner à ne pas permettre à ses partisans de sur-réagir sur la rue . Berry a agît plus comme un chef de bande que comme un fin politicien , ce qu'on croyait être sa qualité 1ere. Ce qui devrait nous donner à réfléchir tous en tant que libanais , et spécialement les chiites , un débordement incontrôlé pourrait aussi advenir , si des chiites venaient à manifester un ras le bol de cette présence du pdt du parlement à la tête de cette institution . J'espère seulement qu'on pourra un jour en finir , mais avec bcp de doigté .

FRIK-A-FRAK

18 h 02, le 08 février 2018

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Commentaires (5)

  • L'insulte de Bassil a provoqué une réaction supérieure à cette insulte en terme de vulgarité. Berry qu'on connaît tous comme n'etant pas un enfant de choeur , loin s'en faut , aurait eu tout à gagner à ne pas permettre à ses partisans de sur-réagir sur la rue . Berry a agît plus comme un chef de bande que comme un fin politicien , ce qu'on croyait être sa qualité 1ere. Ce qui devrait nous donner à réfléchir tous en tant que libanais , et spécialement les chiites , un débordement incontrôlé pourrait aussi advenir , si des chiites venaient à manifester un ras le bol de cette présence du pdt du parlement à la tête de cette institution . J'espère seulement qu'on pourra un jour en finir , mais avec bcp de doigté .

    FRIK-A-FRAK

    18 h 02, le 08 février 2018

  • M Bassil a ete puni en ne pouvant pas s'addresser directement a Abidjan et a du se rendre a Paris tout en faisant semblant qu'il allait malgre tout a Abidjan comme l'on relate les journaux et la Television Le President Aoun a du promettre cela a M Berry pour le calmer et " punir " M Bassil pour ce language M Berry s'est aussi rendu compte que les chretiens ne sont pas disposes a se taire face a la rue de Amal ( toutes les interviewes a la television des manisfestants disaient avoir recu des ordres pour commencer et des ordres pour s'arretter ou pour rester en stand by (il suffit de revoir tous ces clips pour comprendre que c'est bien la direction de Amal qui a donne les ordres , peut etre pas M Berry personaellement) Tout cela pour un mot deplace lance par un jeune ministre qui aurait du, peut etre, rester a l'electricite au lieu de sillonner le monde au frais de l'Etat PAUVRE LIBAN

    LA VERITE

    17 h 28, le 08 février 2018

  • Un ministre venu de la société civile qui insulte vulgairement un président du Parlement doit être expulsé illico de son ministère. Dérapages + dérapages = Expulsion immédiate et définitive.

    Un Libanais

    16 h 47, le 08 février 2018

  • Quel plaisir de vous lire : ...""de noter que celui-ci aurait dû avoir lieu au lendemain de la diffusion de la vidéo fuitée dans laquelle le ministre des Affaires étrangères l’avait traité de « baltaji »."" Tout a été dit ou presque sur le ""mot"", qu’il relève de l’impolitesse ou de la provocation. On peut dire ce qu’on veut, mais il a ""l’excuse de la vulgarité de sa franchise."" J’ai cru que ce mot va terminer dans le sang, mais au pays des miracles entre autres économiques, un coup de téléphone ""magique"" a mis fin à toutes les spéculations…

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    10 h 44, le 08 février 2018

  • UN ARTICLE DE LA TRES CHERE MADAME SCARLETT HADDAD QUI RELATE OBJECTIVEMENT LES FAITS TOUT EN CONDAMNANT LES DERAPAGES DANGEREUX DE BERRY ET MENAGEANT UN PEU BASSILO POUR SON ABJECT VOCABULAIRE ! CA FAIT DEPUIS QUELQUES SEMAINES PLAISIR DE VOUS LIRE MADAME !

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    06 h 33, le 08 février 2018

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