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Moyen Orient et Monde - Opération « Rameau d’olivier »

Erdogan montre les muscles face à Trump sur la question kurde

Si l’escalade verbale persiste entre les États-Unis et la Turquie, le but n’est cependant pas celui d’une confrontation sur le terrain, expliquent des chercheurs.

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s’est rendu hier dans la province frontalière de Hatay, en compagnie du chef de l’armée et du ministre de la Défense, au QG de commandement de l’opération « Rameau d’olivier » contre les forces kurdes à Afrine en Syrie. Turkish Presidential Press Service/AFP

Le ton est monté d’un cran hier entre Washington et Ankara, six jours après le lancement de l’opération turque « Rameau d’olivier » contre les forces kurdes à Afrine, dans le Nord-Ouest syrien. « Ceux qui soutiennent une organisation terroriste risquent de devenir une cible dans cette bataille », a déclaré hier Bekir Bozdag, le vice-Premier ministre turc, lors d’une interview accordée à la chaîne de télévision turque A Haber. Il faisait clairement allusion à l’administration américaine. « Il faut que les États-Unis revoient l’appui militaire fourni en soutien aux terroristes sur le terrain de telle sorte que soit évitée une confrontation avec la Turquie », a-t-il souligné.

La Turquie reproche aux Américains leur soutien aux combattants kurdes des Unités de protection du peuple (YPG), la branche armée du Parti de l’union démocratique (PYD). Washington est notamment allié aux Kurdes dans la lutte contre l’organisation État islamique en Irak et en Syrie depuis 2014, élément source de discorde avec Ankara. Les YPG et le PYD sont liés aux forces du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en Turquie, que le régime du président Recep Tayyip Erdogan considère comme terroriste.


(Lire aussi : Vue d’Idleb, la bataille de Afrine ressemble à une opportunité )


Les déclarations du vice-Premier ministre turc interviennent au lendemain de la conversation téléphonique entre M. Erdogan et le président américain Donald Trump au sujet des opérations militaires turques en Syrie. Alors que Washington s’était contenté d’appeler les Turcs « à la retenue » jusqu’alors, le compte-rendu de l’appel publié par la Maison-Blanche montre un Trump plus résolu à ce sujet. Selon le document, il a « exhorté la Turquie à réduire ses actions militaires et à éviter les pertes civiles et l’augmentation du nombre de personnes déplacées et de réfugiés ». Le dirigeant américain a prié M. Erdogan d’« éviter toute action qui risquerait de provoquer un affrontement entre les forces turques et américaines ». Il a également mis en avant la nécessité pour les deux pays de « concentrer (leurs) efforts (…) sur la défaite de l’EI » et invité son homologue à « une coopération bilatérale plus étroite pour traiter les inquiétudes légitimes de la Turquie » en Syrie.

Ankara s’est pour sa part empressé de réfuter une partie de la version des faits donnée par la Maison-Blanche. Selon des sources officielles turques, « le président Trump n’a pas exprimé d’inquiétude (à propos) d’une escalade de la violence » dans le Nord-Ouest syrien ». « Il a cependant parlé de “la nécessité de limiter la durée de l’opération turque” », ont-elles ajouté. « La discussion des deux dirigeants concernant l’opération “Rameau d’olivier” s’est limitée à un échange de points de vue », ont-elles insisté.

Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, a ainsi estimé hier que le compte-rendu aurait été rédigé avant l’appel entre M. Trump et M. Erdogan, et que « c’est la raison pour laquelle il y a un communiqué qui ne reflète pas entièrement la réalité ». Il a également expliqué que le chef de la diplomatie américaine, Rex Tillerson, lui a suggéré la création d’une « bande de sécurité » de 10 kilomètres de profondeur à la frontière entre la Syrie et la Turquie, pouvant être élargie à 30 kilomètres. « Mais pour pouvoir discuter sincèrement avec les États-Unis d’un sujet sérieux, comme de cette bande de sécurité ou d’autre chose, il faut d’abord rétablir la confiance », a insisté M. Cavusoglu.

Pourtant M. Tillerson, en déplacement à Davos pour le Forum économique mondial, a démenti les propos du chef de la diplomatie turque plus tard dans la journée, lors d’un entretien accordé à des journalistes. « Nous avons discuté d’une série d’options possibles, mais nous n’avons rien suggéré », a-t-il affirmé.


(Lire aussi : "On a fait le sale boulot contre Daech et maintenant on nous laisse tomber")


« Rationalité » turque
Les propos contradictoires rapportés par Washington et Ankara pourraient dégrader un peu plus la relation mauvaise qu’ils entretiennent depuis ces derniers mois, alors que la question kurde est au cœur des débats entre eux. Dans le but de réchauffer les liens avec son allié de l’OTAN, M. Trump avait notamment promis à son homologue turc en novembre dernier que les États-Unis arrêteraient de fournir des armes aux forces kurdes en Syrie. Mais l’annonce le 14 janvier par Washington de la formation d’une nouvelle force frontalière de sécurité composée de 30 000 hommes dont la moitié provient des Forces démocratiques syriennes – dominées par les combattants kurdes – a remis de l’huile sur le feu, accélérant les manœuvres turques contre les Kurdes à la frontière syro-turque.
 « Les Américains ont fait une erreur en sous-estimant la réaction que pouvaient avoir les Turcs » suite à cette initiative, explique Didier Billion, directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et spécialiste de la Turquie, interrogé par L’Orient-Le Jour. La Turquie, qui a reçu le feu vert de la Russie pour intervenir à Afrine, fait un peu plus pression sur les États-Unis alors qu’elle étend son emprise sur le terrain.

M. Erdogan s’est par ailleurs rendu hier au QG de commandement de l’opération « Rameau d’olivier » dans la province frontalière de Hatay, accompagné du chef de l’armée et du ministre de la Défense, lors d’une visite surprise. Selon un communiqué de la présidence turque, il a déclaré à cette occasion que l’intervention contre les YPG se poursuivrait « jusqu’à ce que le résultat soit obtenu ». Dans ce contexte, Ankara a également confirmé hier que la suite de ses opérations militaires visait la ville de Manbij, à une centaine de kilomètres de Afrine, voire l’est de l’Euphrate, où se trouvent des combattants kurdes et des troupes américaines.


(Lire aussi : Quel impact peut avoir l'offensive turque sur le conflit syrien ? )


L’escalade verbale de ces derniers jours peut faire craindre des débordements entre les Turcs et les Américains sur le terrain, mais « il reste assez de temps pour trouver un compromis et éviter le scénario » d’une extension des opérations des Turcs à l’est de l’Euphrate, souligne à L’OLJ  Sinan Ülgen, président du Centre d’études sur l’économie et la politique étrangère (EDAM) à Istanbul et chercheur associé à Carnegie Europe à Bruxelles. « Le but de la Turquie est que les États-Unis reconsidèrent leur position par rapport aux YPG et non une confrontation », estime-t-il. Selon lui, « Washington et Ankara doivent entrer dans le volet géopolitique des négociations et Manbij peut être un élément de pression ».

Car si Ankara peut sortir renforcé de l’opération « Rameau d’olivier » pour peser davantage dans les négociations sur le dossier syrien au niveau politique, « il y a une forme de rationalité chez les Turcs qui ne cherchent pas systématiquement à cliver », observe M. Billion. Pour le chercheur, ces derniers « comprennent qu’il n’est pas question de rompre la relation avec les États-Unis car ces derniers restent les seuls pouvant offrir des garanties de sécurité sur le terrain, bien que la relation entre Ankara et Moscou soit normalisée ».


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Le ton est monté d’un cran hier entre Washington et Ankara, six jours après le lancement de l’opération turque « Rameau d’olivier » contre les forces kurdes à Afrine, dans le Nord-Ouest syrien. « Ceux qui soutiennent une organisation terroriste risquent de devenir une cible dans cette bataille », a déclaré hier Bekir Bozdag, le vice-Premier ministre turc, lors...

commentaires (5)

JE PENSE QUE PETIT À PETIT ON COMMENCE A COMPRENDRE LE COUP DE MAITRE QUE POUTINE LEUR MAITRE A EUX TOUS À RÉALISÉ. Il ne faut pas raisonner en grand pays ou petit pays , sur le terrain militaire c'est chaud en ce moment , toutes les alliances sont utiles , l'amerique du clown sans ses allies n'est rien , tout autant que la Russie du genial Poutine. D'où la situation très peu enviable de l'Amérique et de ses alliés kurdes qu'elle lâche ou enrôle selon les besoins . Est ce une politique ça ?

FRIK-A-FRAK

13 h 34, le 26 janvier 2018

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Commentaires (5)

  • JE PENSE QUE PETIT À PETIT ON COMMENCE A COMPRENDRE LE COUP DE MAITRE QUE POUTINE LEUR MAITRE A EUX TOUS À RÉALISÉ. Il ne faut pas raisonner en grand pays ou petit pays , sur le terrain militaire c'est chaud en ce moment , toutes les alliances sont utiles , l'amerique du clown sans ses allies n'est rien , tout autant que la Russie du genial Poutine. D'où la situation très peu enviable de l'Amérique et de ses alliés kurdes qu'elle lâche ou enrôle selon les besoins . Est ce une politique ça ?

    FRIK-A-FRAK

    13 h 34, le 26 janvier 2018

  • IL FAUT ARRETER LE TROISIEME GENOCIDE PERPETRE PAR LES TURCS CONTRE LE PEUPLE KURDE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 56, le 26 janvier 2018

  • Confrontation entre turc et américain?!?! Haha oui ils sont en froid depuis le premier jour que les usa ont commencer à aider les kurde ... mais confrontation ce n’est que poudre aux yeux

    Bery tus

    06 h 45, le 26 janvier 2018

  • Je crains que si l'affront turc continue envers Washington, Erdogan risque dans les semaines à venir, d'avaler son rameau et le petit bout d'olivier avec....il y a forte chance que cela se termine ainsi pour lui. Même un enfant gâté doit connaitre ses limites au risque de tout perdre. Quelle ingratitude, cela doit-il nous surprendre venant d'un tel pays ? ! Évidemment NON ! -------------------------- Quand je regarde cette photo je plains les malheureux généraux turcs qui ont perdu la parole depuis le "vrai-faux coup d'état" On a l'impression que le général à sa droite en écoutant les délires d'Erdogan, ils se demande vraiment s'il sait de quoi il parle ce petit malheureux sultan.

    Sarkis Serge Tateossian

    01 h 20, le 26 janvier 2018

  • Je crains que si l'affront turc continue envers Washington, Erdogan risque dans les semaines à venir, d'avaler son rameau et le petit bout d'olivier avec....il y a forte chance que cela se termine ainsi pour lui. Même un enfant gâté doit connaitre ses limites au risque de tout perdre. Quelle ingratitude, cela doit-il nous surprendre venant d'un tel pays ? ! Évidemment NON !

    Sarkis Serge Tateossian

    01 h 09, le 26 janvier 2018

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