Les banques avaient-elles prévu de supprimer à partir du 1er avril la possibilité de retrait en dollars dans les distributeurs automatiques de billets (DAB, ATM en anglais) alors que la devise américaine cohabite librement avec la livre depuis la guerre civile ? C’est en tout cas ce qu’a rapporté hier le quotidien arabe en ligne Elaph basé à Londres – et fondé par le journaliste britannique d’origine saoudienne Osman al-Omeir – dans un article rapportant les propos d’une source bancaire anonyme.
L’information a d’abord été confirmée à L’Orient-Le Jour par deux autres sources bancaires – ayant elle aussi préféré conserver l’anonymat – après la publication de l’article. Selon ces dernières, comme pour celle citée par Elaph, la mesure devait se limiter aux retraits dans les ATM, sans incidence sur la capacité des clients d’ouvrir des comptes dépôts à vue, ni de retirer des dollars de ces mêmes comptes en se rendant au guichet. Elles avaient également indiqué que la Banque du Liban (BDL) était sur le point d’émettre une décision dans ce sens. Une troisième source bancaire a, elle, confié à L’Orient-Le Jour que la décision devait initialement concerner à la fois les distributeurs automatiques et les terminaux de paiement (P.O.S.), avant que le secteur bancaire ne décide de faire marche arrière là-dessus.
Démentis de la BDL et l’ABL
Mais un peu plus tard dans la journée, la BDL a fini par démentir catégoriquement dans un communiqué tout projet allant dans ce sens et a qualifié les informations rapportées par Elaph – et les confirmations qui lui ont fait écho – de « fausses ». L’Association des banques du Liban (ABL) lui a emboîté le pas peu de temps après dans un autre communiqué. « Ce sujet n’est pas du tout à l’ordre du jour (…) les banques vont continuer de permettre aux agents et citoyens d’utiliser les distributeurs automatiques pour les dépôts et les retraits en livres et en devises », a notamment précisé l’ABL.
Il reste que le sujet devait initialement faire l’objet d’une réunion programmée aujourd’hui à 14 heures par l’association et notifiée aux directeurs de banques dans un courrier daté du 19 janvier 2018, dont L’Orient-Le Jour a pu consulter une copie. Selon ce dernier (circulaire n° 024/2018) l’ABL a affirmé que la BDL était « sur le point de préparer l’émission de nouveaux billets de 100 000 livres (NDLR : l’équivalent de 66 dollars) » et « d’émettre une circulaire limitant les opérations des distributeurs automatiques » aux transactions en livres. Cette réunion a ensuite été annulée au cours de la journée d’hier, selon l’ABL. La circulaire mentionnait également que « Mazen Hamdane, responsable des opérations monétaires » de la BDL, allait intervenir pendant la réunion, qui a été finalement annulée au cours de la journée d’hier, toujours d’après l’ABL.
Selon plusieurs sources concordantes, ce ne serait pas la première fois que les responsables du secteur bancaire envisagent de limiter l’utilisation du dollar dans les transactions courantes au Liban. Selon l’une d’elle, l’ABL y aurait « songé il y a deux ans », afin de mettre fin à une spécificité « aberrante » de l’économie libanaise – la cohabitation du dollar et de la livre – instituée en temps de crise et prolongée depuis. Cette option aurait en outre été remise sur la table par la BDL en novembre pendant la crise provoquée par la « vraie-fausse » démission du Premier ministre Saad Hariri, depuis Riyad et dans un contexte de tensions entre l’Arabie saoudite et l’Iran. La BDL aurait en effet craint que les clients n’exfiltrent trop de dollars en multipliant les retraits, d’autant plus que les plafonds sur les cartes bancaires sont particulièrement élevés. Plus de 2,6 milliards de dollars auraient été retirés du secteur bancaire libanais pendant la crise de novembre, d’après certaines banques. Cette solution aurait finalement été abandonnée, ou peut être repoussée.
Pour un analyste économique, qui a souhaité rester anonyme, la suppression des retraits en dollars auprès des distributeurs automatiques n’aurait que peu d’effet si les clients ont toujours le droit d’ouvrir des comptes à vue en dollars, qu’ils peuvent ensuite ponctionner au guichet. Il suggère toutefois que le secteur bancaire chercherait, à travers une série de mesures qui seraient progressivement mises en place, à réduire progressivement la dollarisation des dépôts à vue et donc de renforcer la demande de livre sur le marché. « Le sujet est très délicat dans un pays qui traverse une longue crise économique et où le système bancaire est bâti sur la confiance des déposants en sa stabilité. Il n’est pas surprenant, dans ce contexte que la BDL et l’ABL puissent avoir décidé de faire marche arrière après que l’existence de discussion sur ce sujet eut fuité dans les médias », conclut-il.
commentaires (3)
Cette information me parait tout a fait crédible et pourquoi pas ? L'économie libanaise et le secteur bancaire traverse une grave crise il faut pas se cacher la face ... Cette mesure a surement été remis pour plus tard vu la fuite dans les médias .
Elie H
12 h 19, le 25 janvier 2018