Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Commentaire

La leçon iranienne

Capture d’écran d’une vidéo montrant des manifestations nocturnes à Téhéran, le 30 décembre dernier. Photo AFP/HO/Mehr News

Il est certainement trop tôt pour savoir si le cri de colère du peuple iranien, que certains surnomment « la révolution des œufs », aura des conséquences importantes sur la politique du régime. On ignore si le mouvement va pouvoir trouver un second souffle alors que les pasdaran ont clairement sifflé mercredi la fin de la partie. Compte tenu de l'appareil répressif que les durs sont capables de déployer, il faudra bien du courage au peuple iranien pour continuer à critiquer frontalement le régime – non seulement le président Hassan Rohani, mais aussi le guide suprême Ali Khamenei – comme ils l'ont fait pendant une semaine.

Les lendemains du printemps arabe ont mis en avant la capacité de résistance des pouvoirs en place face aux contestataires. L'Iran ne fait pas figure d'exception, bien au contraire, et on constate déjà que le régime fait usage des mêmes méthodes que ses voisins pour faire taire les « séditieux » : répression, division de la population entre les bons et les mauvais, accusation de complot, etc. Mais la rhétorique complotiste est d'autant moins convaincante dans le cas iranien que c'est bien l'Iran périphérique, celui des exclus et des défavorisés, celui-là même qui a constitué pendant un temps la base populaire du régime, qui manifeste aujourd'hui son mécontentement. Voilà de quoi inquiéter au plus haut niveau le régime en question, et ce quel que soit l'avenir de cette vague de protestations. Si celle-ci a pris tout le monde par surprise, ce qui est le plus surprenant en réalité, c'est qu'elle ne se soit pas manifestée plus tôt. Comment un pouvoir politique aussi défaillant peut-il en effet survivre aussi longtemps sans être contesté par sa source ? Comment un discours qui prétend défendre les opprimés dans toute la région peut-il encore être audible lorsqu'il sort de la bouche de dirigeants politiques qui se soucient à peine de leur propre population ?

 

(Lire aussi : Iran-USA : les commentaires de Trump, une escalade bien dosée ou de simples ruades maladroites ?)

 

Les autres leaders de la région doivent scruter avec attention l'évolution de la situation iranienne. Pas seulement parce qu'elle peut avoir des conséquences géopolitiques, mais aussi parce que leurs peuples respectifs pourraient, d'un jour à l'autre, se mettre (à nouveau) en colère pour les mêmes raisons que les Iraniens. À l'instar de la République islamique, la plupart des pays de la région se caractérisent par leur autoritarisme et leur mauvaise gouvernance, les deux faisant le plus souvent la paire. Si la première est la plus visible et la plus sujette aux critiques, la seconde est sans doute la plus à même de fragiliser les pouvoirs en question. La corruption, le clientélisme, l'accaparement des ressources par une minorité – le Moyen-Orient est la région la plus inégalitaire au monde selon le World Inequality Report 2018 –, la déficience des politiques publiques, le manque de perspectives économiques sont criants dans la plupart des pays de la région.

 

(Lire aussi : À Téhéran, les habitants restent sceptiques)

 

 

Comme les Arabes il y a sept ans, les Iraniens réclament aujourd'hui plus de justice sociale face à des régimes que l'on pourrait qualifier de ploutocrates. Les revendications des Arabes n'ont pas été entendues, et il y a peu de chances que celles des Iraniens le soient davantage. Mais cette colère populaire, exprimée ou étouffée, devrait continuer dans les deux cas de faire peser une menace permanente sur les pouvoirs en place, en consommant un peu plus chaque jour la rupture entre les peuples et les dirigeants de ces pays. Sans parler de la Syrie, de l'Irak ou du Yémen, qui se trouvent dans une situation encore plus critique, l'Égypte pourrait très bien revivre prochainement un scénario à l'iranienne.

Que la République islamique soit contestée au moment même où elle se rêve en nouvel empire régional a de quoi en faire réfléchir plus d'un. Les discours triomphalistes de l'ensemble de sa classe politique, et de ses obligés, ne suffisent pas à cacher les failles de sa propre société. Dans une région qui ne parle que de géopolitique du matin au soir, souvent sans y comprendre d'ailleurs grand-chose, les Iraniens viennent de rappeler une leçon essentielle : quand la base n'est pas solide, il est bien aventureux de vouloir à tout prix étendre ses ramifications. Sauf à le faire, bien sûr, à ses risques et périls.

 

Lire aussi

L’Iran périphérique, à la source de la contestation du pouvoir

Nasrallah : La contestation en Iran est terminée

Quand les Syriens suivent de près les protestations en Iran

Aux États-Unis, le soutien ardent des conservateurs aux manifestants iraniens

Canicule printanière, l'éditorial de Issa Goraieb

L’interventionnisme iranien dans la ligne de mire des manifestants

Rohani le « modéré » marche sur des œufs

Il est certainement trop tôt pour savoir si le cri de colère du peuple iranien, que certains surnomment « la révolution des œufs », aura des conséquences importantes sur la politique du régime. On ignore si le mouvement va pouvoir trouver un second souffle alors que les pasdaran ont clairement sifflé mercredi la fin de la partie. Compte tenu de l'appareil répressif que les durs sont...

commentaires (7)

Vision réaliste. Finalement c'est le prix élevé du pain qui a conduit le monarque français a l'échafaud Ressasser l'histoire de la chute des puissants a quelque chose de salutaire... Sans la sincère adhésion de son peuple, un Pouvoir, quel qu'il soit, n'est qu'un colosse aux pieds d'argile... Mais des circonstances géopolitiques , ou des réformes meme partielles, peuvent retardés la chute de colosse

Chammas frederico

20 h 06, le 08 janvier 2018

Tous les commentaires

Commentaires (7)

  • Vision réaliste. Finalement c'est le prix élevé du pain qui a conduit le monarque français a l'échafaud Ressasser l'histoire de la chute des puissants a quelque chose de salutaire... Sans la sincère adhésion de son peuple, un Pouvoir, quel qu'il soit, n'est qu'un colosse aux pieds d'argile... Mais des circonstances géopolitiques , ou des réformes meme partielles, peuvent retardés la chute de colosse

    Chammas frederico

    20 h 06, le 08 janvier 2018

  • Aussi bien huilés que soit les systèmes de répression dans ces pays la, un jour le peuple se soulève et renverse la machine. C'est ainsi depuis la nuit des temps... L'Iran n'est pas a l'abri de ce scénario et il semble qu'il se rapproche. A la différence du mouvement de 2009, qui fut alors un soulèvement limité a la classe moyenne, a Téhéran seulement et que l’état a littéralement laminé, a présent c'est la classe pauvre qui s'est fâché et les événements ont eu lieu dans plus de 90 villes importantes du pays ou pour la première fois depuis Khomeini, le peuple réclame le retour de ... Pahlavi! Au moins a son époque l'Iran était respecté et ils avaient a boire et a manger malgré leur manque de liberté politique... Comptez a rebours avant l'explosion!

    Pierre Hadjigeorgiou

    13 h 59, le 08 janvier 2018

  • Soyons sérieux ceux qui ont été arrêter sont des prince ... pas des laisser pour compte ou opprimer

    Bery tus

    21 h 50, le 06 janvier 2018

  • J'avais à peine fini d'écrire sur la situation en bensaoudie occultée par mr samrani , que l'olj vient de nous annoncer l'arrestation par l'héritier de princes qui manifestent contre la vie chère. Alors mr samrani , ça ne vous donne pas envie d'écrire sur eux ?

    FRIK-A-FRAK

    13 h 35, le 06 janvier 2018

  • Oú est la bensaoudie dans tout ça ? On dit les printemps arabes en ne parlant que de certains ???? Et les autres ? Mémoire sélective et très mal orientée Mr samrani. A la base.

    FRIK-A-FRAK

    12 h 46, le 06 janvier 2018

  • ...""Dans une région qui ne parle que de géopolitique du matin au soir, souvent sans y comprendre d'ailleurs grand-chose, les Iraniens viennent de rappeler une leçon essentielle : quand la base n'est pas solide, il est bien aventureux de vouloir à tout prix étendre ses ramifications. Sauf à le faire, bien sûr, à ses risques et périls."" C'est tout à fait la bonne conclusion, au risque que la grenouille se prend pour un bœuf... Il faut avoir les moyens de sa politique...

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    09 h 34, le 06 janvier 2018

  • UN ARTICLE TRES OBJECTIF ! TOUS LES DESPOTES TABLENT SUR LEURS MACHINES REPRESSIVES QUI ELLES SEULES... SANS L,APPUI DECISIF DE FORCES ETRANGERES... SERAIENT INSUFFISANTES A LEUR GARANTIR L,IMPUNITE CONTRE LA COLERE DE LEURS PEUPLES ! MAIS DANS TOUS CES PAYS DE L,INIQUITE LE JOUR -J- VIENDRA ET UNE NOUVELLE AUBE Y POINTERA... SI CE N,EST AUJOURD,HUI CE SERA DEMAIN !

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 47, le 06 janvier 2018

Retour en haut