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La rétro 2017 de L'Orient-Le Jour - rétro 2017

Un an de Trump au Moyen-Orient : un éléphant dans un magasin de porcelaine

Trump signant un mémorandum, après son annonce, le 6 décembre 2017, de la reconnaissance par les Etats-unis de Jérusalem en tant que capitale d'Israël. Photo AFP

La reconnaissance, le 6 décembre 2017, par Washington de Jérusalem en tant que capitale d'Israël a été en quelque sorte la goutte qui fait déborder le vase, rempli à ras bord par un an de politique américaine au Moyen-Orient, aussi illisible que pyromane, depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump.


Ce jour-là, le locataire de la Maison-Blanche met un terme aux nombreuses rumeurs circulant durant la semaine dans un discours de onze minutes : en quelques mots, il assène un coup de massue sans précédent à la communauté internationale, mais surtout aux Palestiniens et aux populations arabes et musulmanes dans la région et au-delà. Celui qui avait mis le dossier de la résolution du conflit israélo-palestinien dans les mains de son jeune gendre Jared Kushner – présenté comme la personne « qui fera la paix entre Israël et les Palestiniens » par M. Trump lui-même – cède ainsi aux revendications des proches juifs ultra-orthodoxes et chrétiens évangéliques.


Pire encore : il renverse ainsi six décennies de diplomatie américaine traditionnelle dans le conflit israélo-palestinien, car bien qu'Israël soit l'allié inconditionnel des États-Unis dans la région, Washington a toujours tenté de conserver un statu quo sur le sensible sujet de la résolution du conflit et surtout du statut de Jérusalem. L'administration précédente sous la présidence Obama était au contraire allée jusqu'à s'abstenir de poser son veto à la résolution 2234 du Conseil de sécurité condamnant les colonies israéliennes en Cisjordanie. La rupture avec la ligne traditionnelle américaine, en particulier sur ce dossier, est profonde, et restera l'une des mesures phares de son temps à la tête de la Maison-Blanche.


Donald Trump avait pourtant tenu un discours à tendance isolationniste sous le slogan America first (« L'Amérique d'abord ») pendant la campagne, puis durant sa première année de mandat. La reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël met donc en exergue une volonté du président américain de rester particulièrement actif sur la scène moyen-orientale, sans pour autant laisser totalement de côté le « pivot asiatique », élément-clé de la diplomatie sous l'ère Obama.


Trois axes se dessinaient durant sa campagne concernant sa politique étrangère au Moyen-Orient. Un : sa volonté de se rapprocher de la Russie et de lui laisser le champ libre en Syrie. Deux : son obsession de vouloir endiguer l'influence iranienne dans la région. Trois : sa tolérance envers les régimes autoritaires de cette zone surenflammée du monde. Concernant ce troisième point, Donald Trump a clairement fait ce qu'il avait promis. Sur les deux autres, les choses ont été plus compliquées que prévu.


Le premier axe était en fait contradictoire avec le deuxième : contrer l'expansion iranienne au Moyen-Orient à tout prix, alors que Téhéran est l'allié du Kremlin dans la région. Celui qui a fustigé l'accord sur le nucléaire iranien comme étant « le pire jamais conclu par les États-Unis » a adopté une rhétorique bushienne à l'égard de la République islamique. Il évoque une « bataille entre le bien et le mal » sur le terrorisme dans la région, et s'attaque directement à Téhéran lors de sa première tournée diplomatique en mai, inaugurée à Riyad lors du sommet arabo -américain. Dans ce contexte, le locataire de la Maison-Blanche choisit de revenir vers les alliés traditionnels de Washington dans la région, notamment l'Égypte et l'Arabie saoudite, dès les premiers mois de son mandat. Il rajoute de l'huile sur le feu en déclarant en octobre qu'il ne certifierait pas l'accord nucléaire, mettant ainsi au placard les efforts menés par Barack Obama pour garder un statu quo entre le royaume wahhabite et Téhéran. L'administration Trump tente également de s'imposer dans la crise du Golfe suite au blocus déclenché par l'Arabie saoudite et ses alliés contre le Qatar le 5 juin pour tenter d'empêcher le petit émirat de se tourner vers Téhéran, sans succès.


« Homme de parole »
L'un des objectifs du 45e président des États-Unis est clair : se démarquer absolument de son prédécesseur. Dès son investiture, il entend détricoter autant que possible l'héritage laissé par Barack Obama au Moyen-Orient en huit années à la Maison-Blanche. Très critique à l'égard du démocrate, il n'a pas manqué de le faire savoir sur les réseaux sociaux en l'attaquant sur son manque d'action sur le terrain et le non-respect de ses promesses de campagne. Cette ambition de se donner l'image de « l'homme de parole » qui agit se traduit par un évènement sans précédent : la décision unilatérale de tirer 59 missiles Tomahawk sur la base syrienne d'al-Chaaryate où auraient été stockées des armes chimiques ayant provoqué la mort de 86 personnes à Khan Cheikhoun deux jours plus tôt, le 4 avril 2017. L'utilisation d'armes chimiques par le régime de Bachar el-Assad n'avait pas été sanctionnée par les États-Unis jusqu'alors, bien que M. Obama l'ait qualifiée de « ligne rouge » qui justifierait une intervention américaine sur le sol syrien. L'action de l'administration Trump surprend, l'ancien magnat de l'immobilier avait interpellé l'ancien président américain en 2013 sur son compte Twitter en faveur d'une non-intervention en Syrie, lui demandant de « sauver sa poudre pour un autre (et plus important) jour » ! Si l'action risque d'attiser les tensions avec les alliés de Damas, Moscou et Téhéran, l'impressionnante démonstration de force sur le terrain syrien ne restera cependant que ponctuelle.


Mais en toile de fond de l'action américaine au Moyen-Orient sous Trump, se dessine un élément fondamental sur lequel le 45e président ne compte pas négocier et qu'il rappelle à maintes reprises durant la campagne : la défense des intérêts d'Israël, allié inconditionnel de Washington dans la région. Le rapprochement avec Riyad, aligné sur les positions anti-iraniennes de l'État hébreu, la crainte israélienne que les stocks d'armes chimiques en Syrie ne tombent dans les mains de groupes terroristes sur le terrain, mais surtout dans celles du Hezbollah, ou encore la reconnaissance de Jérusalem en tant que capitale officielle d'Israël : ces éléments, et bien d'autres, guident les décisions de M. Trump.


Pour autant, la doctrine trumpienne au Moyen-Orient n'en reste pas moins difficilement lisible, presque un an après son investiture à la tête de la première puissance mondiale. Alternant entre le retrait et l'intervention irréfléchie, cette politique américaine est à l'image de ce qu'elle a réalisé dans le reste du monde. Cela a pour principal effet d'isoler les Américains par rapport au reste du monde et, dans le cas du Moyen-Orient, d'ajouter des litres d'huile sur le feu. Face à une politique étrangère pour le moins chaotique, et un président particulièrement impulsif, difficile d'anticiper le placement des pions américains dans la région pour l'année 2018.

 

 

La reconnaissance, le 6 décembre 2017, par Washington de Jérusalem en tant que capitale d'Israël a été en quelque sorte la goutte qui fait déborder le vase, rempli à ras bord par un an de politique américaine au Moyen-Orient, aussi illisible que pyromane, depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump.
Ce jour-là, le locataire de la Maison-Blanche met un terme aux nombreuses rumeurs...

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