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Liban - Francophonie

« La religieuse à la Vespa » dans la Légion d’honneur

« Le Carmel Saint-Joseph, c'est le Liban que nous aimons et admirons, c'est le Liban que nous voulons construire avec vous », a dit Bruno Foucher en remettant ses insignes à sœur Mariam al-Nour Awit.

L’ambassadeur de France Bruno Foucher, présentant sœur Mariam al-Nour Awit (à gauche).

« C'est d'abord mon attachement personnel à l'événement de l'Évangile, la découverte de l'immense tendresse de Dieu pour les hommes, pour tous les hommes et pour tout homme, qui a fait basculer ma vie. C'est d'elle que je tiens la conscience du caractère unique et irremplaçable de tout homme sous le regard de Dieu. C'est d'elle que je tiens cette conviction que pour l'homme, tout se joue sur la terre, une terre qu'il nous est enjoint d'habiter, le seul lieu où nous puissions faire l'expérience de notre liberté et de notre historicité, où il nous est révélé que notre vocation d'être humain n'est pas de dominer mais de servir. Je suis amoureuse de la Bonne Nouvelle du Christ et de son projet de vie pour tout homme. C'est cette fraternité universelle qui m'habite depuis mon enfance. Aucun visage humain ne saurait m'être étranger, je ne saurais me désolidariser d'aucun d'eux. Pour moi, la culture n'a pas d'autre sens. Incessible responsabilité pour l'autre homme », comme le dit magnifiquement Emmanuel Levinas.

« Profondément croyante, je suis profondément laïque dans mes orientations et mes engagements. Fille de l'Église de Jésus-Christ et sœur de chacun en humanité. En ce sens, j'adhère au projet de ma congrégation qui croit en cette laïcité (...). J'ai toujours voulu que le ciel soit sur la terre. J'ai toujours aspiré à cette immense fraternité, à ce que tous les enfants du Père soient rassemblés. »

Cette incroyable profession de foi, c'est celle d'Antoinette Awit, en religion sœur Mariam al-Nour, directrice du Carmel Saint-Joseph, une école située à l'embouchure du Damour, « au carrefour des régions et des religions » du pays. C'est à cette intrépide pédagogue que l'ambassadeur de France, Bruno Foucher, a rendu hommage mardi dernier en lui remettant les insignes de chevalier dans l'ordre national de la Légion d'honneur, « pour avoir fait le choix de la francophonie et de l'enseignement du programme français, des programmes porteurs de valeurs de liberté, de fraternité et d'ouverture au monde ».

« Ce choix, précise Bruno Foucher, s'adressant à sœur Mariam al-Nour et brossant d'elle un portrait tout en finesse, vous le faites avec une force et une autorité qui ne manquent pas d'étonner tous ceux qui vous rencontrent pour la première fois et qui sont frappés par cette énergie qui émane de votre silhouette gracile. Car vous parlez à voix retenue, mais votre verbe est puissant. Vous êtes modeste, mais vous n'êtes pas timide. Vous cultivez le dialogue, mais vous refusez toute compromission. »

Née à Bziza (Liban-Nord) dans une famille qui compte plusieurs personnalités de premier plan, le profil académique de l'ancienne commissaire scoute est irréprochable : études de philosophie, d'administration scolaire, de psychologie et enfin de théologie et d'adhésion au Carmel, avec en complément des études de l'islam au Liban et en Égypte, et un rôle moteur au sein de l'association internationale Adyan, car « rien ne doit (lui) rester inconnu, rien ne doit (lui) rester étranger ».

Le Carmel Saint-Joseph, c'est d'abord rue de Verdun qu'il se trouve. « Cette école est votre enfant. Cette école est votre trésor, explique Bruno Foucher. Et c'est pourquoi vous déployez une énergie extraordinaire pour la faire vivre et grandir, en dépit de toutes les difficultés. Ainsi, durant la guerre civile, chevauchant votre Vespa, vous bravez tous les dangers, infatigable, avec une obsession chevillée au corps : assurer la sécurité et la survie matérielle de votre communauté scolaire (...) Votre courage permet de maintenir l'école ouverte tout au long de la guerre. C'est un exploit, dont beaucoup de Libanais se souviennent encore. »
« Mais au lendemain de la guerre, l'école doit quitter Beyrouth. La communauté carmélite s'interroge sur le lieu où s'installer. On vous suggère fortement le Mont-Liban, région majoritairement chrétienne. La communauté refuse (...). Ce sera Mechref. »

 

Au cœur de la mixité confessionnelle
« Vous voulez être au cœur de la reconstruction de la mixité confessionnelle du Liban, en scolarisant à la fois les enfants druzes de la montagne du Chouf, les enfants sunnites de la côte, les enfants chiites des banlieues sud de Beyrouth et les enfants des familles chrétiennes que vous convainquez progressivement de revenir ou de venir s'installer dans cette région frappée au cœur durant la guerre civile », affirme l'ambassadeur de France en guise de commentaire. Aujourd'hui, l'école de Mechref « est l'une des plus mixtes du réseau des écoles de l'enseignement français au Liban et sans doute du Liban », précise le diplomate, « une source d'inspiration et un modèle pour tous ».

« Cette implantation est un choix courageux, mais ce n'est pas un choix facile, insiste Bruno Foucher. Cette région est en effet principalement peuplée de familles aux revenus modestes et qui sont touchées de plein fouet par l'atonie économique qui frappe le Liban depuis plusieurs années (...) Face à cette détresse, vous avez fait le choix de n'exclure personne. Le Carmel est ainsi l'école du réseau de l'enseignement français au Liban qui alloue l'enveloppe la plus généreuse pour les bourses scolaires. Vous ne fermez la porte à personne. Vous ne laissez personne au bord de la route. »

« Ma Sœur, tous ici connaissent votre engagement exceptionnel pour l'éducation, pour la francophonie et les valeurs puissantes dont elle est porteuse, et pour le vivre-ensemble. Tous ici vous admirent et, si vous me le permettez, tous ici vous aiment. Le Carmel Saint-Joseph, c'est le Liban que nous aimons, c'est le Liban que nous admirons, c'est le Liban que nous voulons construire avec vous tous », conclut Bruno Foucher, après avoir annoncé que l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et l'ambassade de France ont décidé d'apporter un appui financier au Carmel de Mechref.

« Monsieur l'Ambassadeur, chers amis, répond sobrement sœur Mariam al-Nour dans un mot de remerciement, les temps ne sont pas à la fête. Si j'accepte aujourd'hui que cette cérémonie ait lieu, c'est pour affirmer plus que jamais l'importance des institutions éducatives, de leur mission et de leur responsabilité. » « Cette mission, explique-telle, après avoir remercié son frère, le père Michel Awit, qui a joué un rôle irremplaçable dans sa vocation, ainsi que tous les partenaires de l'école, repose sur quatre axes : l'arabité, la citoyenneté, l'ouverture à l'universel et la reconnaissance du frère. »

 

Identité arabe, ouverture à l'universel
« Notre tâche, reprend-elle, repose sur le désir d'enraciner de jeunes Libanais de toutes confessions et de toutes origines sociales dans une identité qui ne soit pas une fiction : identité arabe dont la langue arabe est le ciment, une identité plurielle ouverte à sa propre diversité. (...) Nous sommes convaincus que sans cet enracinement dans leur langue, aucune ouverture authentique ne sera possible. » « Notre tâche repose aussi sur le désir que les jeunes Libanais qui nous sont confiés puissent devenir les sujets de leur propre histoire dans la perspective citoyenne d'une laïcité bien comprise, ajoute-t-elle, une laïcité qui n'est pas « neutralité indifférente ou encore l'acceptation tiède », mais « l'amour de l'autre dans sa différence et la volonté de ne pas le réduire à soi-même ».

Sur la fraternité, Mariam al-Nour se référera à la « culture du lien » de Samir Frangié, dont l'individu libanais doit « faire l'apprentissage » pour permettre l'émergence d'une véritable citoyenneté. « Notre tâche repose aussi sur le désir d'ouvrir les jeunes Libanais à l'universel (...). Nous sommes convaincus que la langue française et la culture qu'elle véhicule sont les garantes de cette ouverture à l'universel. (...) C'est bien ce service que la francophonie peut rendre à la langue arabe. Elle constitue pour elle un instrument d'ouverture et de dialogue irremplaçable. C'est la raison du choix délibéré du bilinguisme », conclut la directrice du Carmel de Mechref.

Et sœur Mariam al-Nour de finir en beauté : « Monsieur l'Ambassadeur, chers amis, celui dont la maladie s'appelle le frère ne peut en guérir. Ainsi, en cette fête de la Nativité, je souhaite que nous découvrions encore mieux le visage du frère et que la paix puisse régner dans les cœurs et les esprits. Bonne année. »

 

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« C'est d'abord mon attachement personnel à l'événement de l'Évangile, la découverte de l'immense tendresse de Dieu pour les hommes, pour tous les hommes et pour tout homme, qui a fait basculer ma vie. C'est d'elle que je tiens la conscience du caractère unique et irremplaçable de tout homme sous le regard de Dieu. C'est d'elle que je tiens cette conviction que pour l'homme, tout se joue...

commentaires (3)

Distinction plus que méritée. Le monde se fera avec les humains, les humbles et les détenteurs du savoir partagé, l'universel. Félicitations à notre sœur, Mariam al-Nour.

Sarkis Serge Tateossian

10 h 48, le 27 décembre 2017

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Commentaires (3)

  • Distinction plus que méritée. Le monde se fera avec les humains, les humbles et les détenteurs du savoir partagé, l'universel. Félicitations à notre sœur, Mariam al-Nour.

    Sarkis Serge Tateossian

    10 h 48, le 27 décembre 2017

  • HONNEUR A LA SOEUR !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 44, le 27 décembre 2017

  • Les francophones du Liban et du monde sont fiers d'être les frères et les soeurs de notre Soeur Mariam al-Nour Awit. Que de noblesse dans cette phrase : "Notre vocation d'être humain n'est pas de dominer mais de servir".

    Un Libanais

    07 h 41, le 27 décembre 2017

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