La proposition du ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, d'établir une ambassade du Liban à Jérusalem-Est et de reconnaître, de ce fait, Jérusalem comme capitale de la Palestine est plus « morale que pratique », selon Sami Baroudi, professeur en sciences politiques à la Lebanese American University (LAU).
« La suggestion de M. Bassil va à l'encontre de l'accord de Genève (établi en 2003 et qui prévoit entre autres le partage de la souveraineté sur Jérusalem qui serait la capitale des deux États palestinien et israélien) et d'une décision du Conseil de sécurité de l'ONU en 1980 qui interdit la création d'ambassades à Jérusalem », souligne M. Baroudi, interrogé par L'Orient-Le Jour.
Le chef de la diplomatie a proposé hier au président palestinien, Mahmoud Abbas, un échange de terrains entre le Liban et la Palestine, afin de pouvoir créer l'ambassade en question, ainsi qu'une ambassade palestinienne à Beyrouth. M. Abbas lui aurait promis d'œuvrer rapidement afin d'octroyer au Liban une parcelle de terrains à Jérusalem-Est.
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« La décision libanaise de créer une ambassade à Jérusalem-Est ne peut avoir de l'effet que si elle inclut les 21 autres pays arabes. Le Liban, qui fait partie des "petits" pays arabes, n'aura pas d'effet avec sa décision, estime M. Baroudi. Je pense qu'Israël interdira la mise en place de cette ambassade et, au cas où on insiste, il pourrait interdire par la force de lever le drapeau libanais. Tel-Aviv ne reconnaît pas que Jérusalem-Est est palestinienne, contrairement à une décision du Conseil de sécurité de l'ONU. »
« Si jamais le Liban arrive à obtenir une ambassade à Jérusalem-Est, cela pourrait être considéré comme une sorte de normalisation avec Israël, ce qui aurait un effet contraire au message que M. Bassil tente de faire passer », indique M. Baroudi.
« L'occupation israélienne à Jérusalem est différente de celle à Gaza ou dans la Cisjordanie. Israël considère qu'il n'y a pas de négociations possibles concernant Jérusalem. Je pense que Gebran Bassil veut, à travers cette suggestion, annoncer que le Liban reconnaît l'État de Palestine et que les canaux diplomatiques seront ouverts lorsque les circonstances seront propices », ajoute-t-il.
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La proposition de M. Bassil est irréaliste car elle butera sur un obstacle insurmontable : le refus des autorités israéliennes occupantes. Seul un vote (improbable) de l'Assemblée Générale des Nations Unies et/ou de la Ligue Arabe, aurait pu rendre cette proposition plus crédible, ce qui est loin d'être le cas.
Tony BASSILA
17 h 18, le 15 décembre 2017