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Culture - L’artiste de la semaine

Dania Bdeir : Partir pour mieux revenir

Auteur d'un court-métrage remarqué, « In White », Dania Bdeir connaît un démarrage inattendu et mérité, avec de nombreuses victoires dans les festivals les plus importants, et peut-être, une sélection pour les Oscars 2019.

Dania Bdeir.

Dania Bdeir fait partie de cette nouvelle génération d'artistes libanais qui s'expriment sur l'exil, les repères, les différences et la dichotomie entre la modernité extérieure et la tradition intérieure. Née à Montréal, elle revient au Liban avec ses parents à l'âge d'un an, y grandit et y poursuit les fameuses études spéciales « mes parents seront contents », en l'occurrence des études d'art graphique. Mais à 21 ans, elle sent l'appel du large et, surtout, elle veut poursuivre des études qui lui plaisent, en cinéma, à l'étranger.

Profitant de la présence de sa grande sœur Aya à New York, elle l'y rejoint, en même temps que son université, la NYU, et sa légendaire école de cinéma, la Tisch. Pendant ses études américaines, elle réalise un premier court-métrage, Meshkal, qui, signe avant-coureur, remportera quelques médailles parmi la dizaine de festivals internationaux auxquels il participe. Forte de cet essai transformé en coup de maître, et gratifiée d'une bourse complète de l'école, elle en sort en 2016 avec un diplôme et des idées plein la tête. Très bien intégrée à sa vie new-yorkaise, elle revient régulièrement à Beyrouth où elle commence à se sentir à la fois à la maison, et très loin de chez elle. C'est une relation que beaucoup d'expatriés connaissent, une relation « mon corps dit oui, mais ma tête dit non ». La joie de retrouver sa famille, ses amis, le plaisir de sentir la chaleur humaine, de revoir ses amis, est soudain contrebalancé par la présence étouffante de cette famille, par la taille villagesque de la vie sociale libanaise, par les contraintes sociétales imposées par son entourage, les « ça ne se fait pas », qui sont des contraintes quotidiennes ici et qu'elle ne subit pas aux États-Unis, à New York, où on peut mourir dans la rue sans que personne ne lève le petit doigt, tout le monde étant trop occupé à conquérir le monde. Cette liberté, cet anonymat, cette tranquillité sont impossibles au Liban. Et ils font désormais partie de sa vie américaine et de sa personnalité, elle en a besoin pour respirer et créer.

 

Une battante
Cette dichotomie servira de terreau à son premier projet, In White. Et l'engrais de ce terreau sera la terrible occasion offerte par le décès de son père, en 2009. Elle se sert de ce moment douloureux pour mettre face à face l'expérience de cette expatriée et de ce moment social typique libanais, où toutes les traditions sont les plus prégnantes, et pas forcément les plus modernes. Pour appuyer son propos, elle donne un mari juif new-yorkais à son héroïne, parce que c'est quelque chose qui peut arriver dans la Grande Pomme, et parce que c'est une situation extraordinaire pour une famille libanaise, musulmane dans ce cas-là. Alors que l'idée de départ était d'en faire un long-métrage, elle se rend compte que le projet n'est pas assez mature et préfère se concentrer sur un court-métrage. Battante, avec l'énergie d'un bulldozer lancé, elle abat tous les obstacles et finit en un an par financer et tourner le film. In White est né. Traité avec beaucoup de finesse, le film a une résonance universelle, une actualité permanente, et montre très bien le combat d'une jeunesse ouverte contre une vieillesse fermée. Il montre aussi que l'herbe n'est jamais plus verte ailleurs. Que l'émancipation professionnelle vécue à New York se vit difficilement loin de la famille et des amis, et que parallèlement, la vie sociale libanaise devient vite un fardeau et n'offre que peu de perspectives pour une jeune diplômée ambitieuse.

Depuis le lancement du court-métrage en 2017 au Festival international de Clermont-Ferrand, Dania Bdeir vit une année en or, remportant des prix en Égypte, en Italie, en Angleterre, en France et, surtout, à Rio, dans le cadre du Festival international de Curtas do Rio de Janeiro. Ce festival est qualificatif pour les Oscars, dans ce cas précis pour l'édition 2019. Car pour être sélectionné aux Oscars en tant que court-métrage, la voie la plus simple est de gagner un des festivals reconnus par l'académie, au nombre de 18. Une autre sélection se fera ensuite pour être dans la short-list. Mais cette sélection est une victoire en soi. Et Dania Bdeir s'estime maintenant prête pour franchir le pas et réaliser son premier long-métrage, version étendue, améliorée du court. Le scénario est prêt, le financement en route. Son papa peut être fier, de là où il est, car il aura vu deux de ses filles occuper le haut de l'affiche pour leur réussite professionnelle, l'aînée Aya, chouchou du MIT et des médias avec ses littleBITS. Et Dania, future princesse des Oscars? Inchallah.

 

Toutes les infos et futures séances sont sur http://www.facebook.com/inwhitefilm et sur http://www.inwhitefilm.com

 

11 octobre 1989
naissance à Montréal

1991
retour à Beyrouth

2009
décès de son père au Liban

2011
Diplôme de l'AUB en Arts Graphiques

2016
diplômée de la Tisch à NY

Mars 2016
début du tournage d'« In White »

Décembre 2016
fin du tournage

Février 2017
première mondiale d'« In White » au Festival de Clermont-Ferrand, le plus important au monde

10 novembre 2017
qualifiée pour les Oscars grâce à sa victoire au Festival du court-métrage de Rio de Janeiro.

 

 

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