Rechercher
Rechercher

La double peine des Syriennes

Oui, il y a Jérusalem, et cette terrible décision de Donald Trump de reconnaître la Ville sainte comme capitale d'Israël, comme une gifle au monde et au droit international, un énième camouflet pour un peuple palestinien malmené depuis des décennies. Oui, il y a la nécessaire distanciation du Liban des crises régionales, condition de la survie de ce pays petit par la taille mais grand par la diversité communautaire, bringuebalé dans une région tourmentée.

Mais il y a autre chose, dans la région, qui porte en soi, à l'instar de la décision de Trump, des violences qui s'ensuivent et du jeu des axes régionaux, des germes particulièrement destructeurs.
Cette tragédie n'est pas un scoop, mais deux remarquables journalistes, Manon Loizeau et Annick Cojean, ainsi qu'une universitaire libyenne, Souad Weidi, l'ont remise en exergue dans un documentaire coup-de-poing intitulé « Le cri étouffé » (diffusé demain soir, mardi, sur France 2). Ce cri est celui de ces Syriennes victimes de viols dans les prisons du régime de Bachar el-Assad. Que l'on ne s'y trompe pas, ces femmes, parfois des gamines, ne sont pas les proies d'un ou deux gardes détraqués, mais celles d'une stratégie réfléchie. En Syrie, le viol est une arme de guerre, une arme de destruction massive.

En s'attaquant aux femmes, de la manière la plus vile qui soit, ce sont les hommes – un père, un frère, un mari – que le régime veut atteindre, lui qui sait si bien que, dans cette région du monde, une femme violée, c'est une famille détruite. Alors des centaines, des milliers de femmes violées, ce sont des communautés entières mises à genoux.
En Syrie, les femmes ne sont pas les seules victimes de cette stratégie de viols. La semaine dernière, le HCR affirmait ainsi avoir documenté de nombreux cas de violences sexuelles contre des hommes et des garçons syriens.

La différence entre les hommes et les femmes, c'est que les hommes qui sortent des prisons réintègrent la société. Une femme libérée d'une des prisons du régime est marquée au fer rouge. Tout le monde sait ce qui se passe à l'ombre des barreaux. Après avoir été un champ de guerre pour ses geôliers, elle est rejetée, voire menacée de mort par les siens, au nom d'un honneur étrangement placé.

La femme victime de violences sexuelles lors d'une guerre, qu'elle soit « simple » butin ou cœur d'une stratégie de destruction d'un peuple par le viol, est une figure récurrente de l'histoire. Pendant la guerre de Cent Ans, dans l'Espagne de Franco, pendant la guerre d'Algérie, en ex-Yougoslavie, en RD Congo bien sûr, lors du génocide rwandais, en Libye, contre les yézidies, les femmes rohingyas en Birmanie...
« Il y a eu un tournant, dans les années 1990, que personne n'a saisi. Le viol de guerre est devenu une arme de premier choix », disait au Monde, dans le cadre d'une enquête sur les viols commis en Libye, Céline Bardet, juriste spécialisée dans les questions de crimes de guerre et particulièrement investie dans les dossiers de violences sexuelles dans les conflits.

À force de tragédies, le viol a fini par être considéré comme un crime de guerre, voire un crime contre l'humanité, puni par le droit international.
Le droit existe donc, mais sa mise en application continue de se heurter à la honte et au silence des victimes. Le viol est le crime parfait en quelque sorte, tant les victimes, trop souvent, risquent leur vie à raconter de quoi elles ont été victimes. Parler, c'est détruire l'honneur d'une famille, d'une communauté.

Dans le documentaire de Mmes Loizeau, Cojean et Weidi, quelques femmes ont le courage de témoigner à visage découvert. Elles donnent les noms de leurs bourreaux, et les lieux de leur calvaire. Probablement n'ont-elles plus rien à perdre...
Collecter des témoignages, des noms de violeurs, documenter un système massif de viols, touchant femmes et hommes : voilà ce à quoi travaille également d'arrache-pied une autre femme, la réalisatrice Cécile Allegra, sur le dossier libyen cette fois. Avec, à la clé, là aussi, un documentaire qui devrait être diffusé en janvier sur Arte.

Aujourd'hui, pour que la justice se mette en marche, il est indispensable de créer les conditions pour une libération de la parole des victimes. Pour qu'elles livrent des noms, qu'elles témoignent, que des dossiers soient montés. Pour ce faire, ce sont des sociétés entières qui doivent changer.
Aujourd'hui, malgré la souffrance, la honte, l'horreur, la peur de représailles, de toutes parts, malgré tout, des femmes ont osé parler, face caméra. Leur courage nous oblige.

Oui, il y a Jérusalem, et cette terrible décision de Donald Trump de reconnaître la Ville sainte comme capitale d'Israël, comme une gifle au monde et au droit international, un énième camouflet pour un peuple palestinien malmené depuis des décennies. Oui, il y a la nécessaire distanciation du Liban des crises régionales, condition de la survie de ce pays petit par la taille mais grand...

commentaires (4)

J'ėprouve beaucoup de tristesse à voir que les seuls commentaires sont d'ordre politique. Les affres des guerres, la souffrance de ces personnes nous laissent ils indifférents?

Cedric Haddad

14 h 49, le 11 décembre 2017

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • J'ėprouve beaucoup de tristesse à voir que les seuls commentaires sont d'ordre politique. Les affres des guerres, la souffrance de ces personnes nous laissent ils indifférents?

    Cedric Haddad

    14 h 49, le 11 décembre 2017

  • QUAND LES BOUCHERS SONT DES -ZEROS-...

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 43, le 11 décembre 2017

  • Bien tenté mme sueur mais vous n'arriverez pas à faire diversion sur la fantastique VICTOIRE du HÉROS BASHAR EL ASSAD sur le wahabisme criminel manipulé par israel. Try something else.

    FRIK-A-FRAK

    09 h 01, le 11 décembre 2017

  • Bachar el-Assad...que certains chez nous qualifient encore et toujours de "héros"... Irène Saïd

    Irene Said

    07 h 07, le 11 décembre 2017

Retour en haut