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Liban - Rencontre

Ghattas Khoury : La politique passe, mais l’héritage culturel demeure...

Le gouvernement actuel restera en fonction jusqu'aux prochaines législatives, estime le ministre de la Culture.

Ghattas Khoury recevant, hier, des membres du conseil de l’ordre des journalistes emmenés par Élias Aoun. Photo Dalati et Nohra

« C'est vrai que je viens d'un univers différent ! En chirurgie, lorsqu'on fait un bon travail, on reçoit des remerciements ou des félicitations, mais en politique, quand on fait quelque chose de bien, on est critiqué. » C'est par cette constatation un peu blasée, qui en dit long sur son évaluation de la politique au Liban, que le ministre de la Culture Ghattas Khoury ouvre la rencontre avec les membres du conseil de l'ordre des journalistes emmenés par Élias Aoun. Mais cette constatation ne l'empêche pas d'avoir beaucoup de projets pour son ministère qu'il considère comme celui de l'ouverture d'esprit et de la protection du patrimoine national commun.

L'issue à la crise a été trouvée
Ghattas Khoury veut donc parler de ses projets, mais les membres du conseil de l'ordre veulent plutôt parler de la situation politique, car en plus, ou plutôt avant ses fonctions officielles, le ministre faisait partie du groupe restreint autour du Premier ministre Saad Hariri et il est encore l'un de ses plus proches conseillers. Selon lui, un rapide compromis et une voie de sortie à la crise gouvernementale causée par « la démission de Riyad » ont été trouvés. Cette dernière sera annoncée dans le cadre d'une réunion extraordinaire du gouvernement, qui devrait se tenir avant vendredi, et qui sera consacrée à la lecture d'un communiqué confirmant et précisant la politique de distanciation, ce communiqué ayant obtenu l'aval de la plupart des parties consultées et faisant partie du gouvernement. Ghattas Khoury a aussi précisé qu'il s'agit d'une solution libanaise, s'inscrivant dans le prolongement du fameux compromis présidentiel. Selon lui, les développements au Yémen ne devraient avoir aucun impact sur la solution trouvée, dont le rôle est de permettre le maintien de l'actuel gouvernement en fonction jusqu'aux élections législatives. Pour Ghattas Khoury, il s'agit de la meilleure solution pour le Liban. Le ministre de la Culture a aussi estimé que l'organisation d'élections anticipées est peu probable, car les élections sont prévues le 6 mai 2018. Or, elles ne peuvent être avancées que d'un mois. Ce qui ne vaut pas la peine. Il a aussi précisé, en réponse à une question sur la possibilité d'un renversement de situation à cause de l'argent politique, que dans ces élections le facteur financier a peu de chance d'être déterminant. « De toute façon, a-t-il dit, on verra bien. Les élections devraient refléter les aspirations des citoyens. C'est eux qui décideront s'ils veulent un changement ou non et qui ils veulent élire au Parlement. »

 

(Lire aussi : Dernières « retouches » avant le Conseil des ministres)

 

L'affaire Ziad Doueiri
Interrogé sur l'affaire du metteur en scène Ziad Doueiri et sur la position du ministère de la Culture, le Dr Khoury a expliqué en toute franchise que M. Doueiri avait présenté une demande à la Sûreté générale pour tourner un film en Israël, L'attentat, évoquant les attaques contre les Arabes de 1948. Le scénario porte sur un chirurgien qui travaille dans un hôpital israélien. Il est amené à soigner en urgence les blessés tombés dans le cadre d'un attentat. Il le fait avec conscience, mais finit par avoir des ennuis avec la justice, car sa femme est accusée d'être l'auteure de l'attentat. Le film, selon le ministre, est en faveur des Arabes de l'époque et il est très critique à l'égard du système judiciaire israélien. N'obtenant pas de réponse de la Sûreté générale, Ziad Doueiri a quand même tourné, en Israël, son film qui a obtenu des prix internationaux. Au Liban, l'affaire a suscité un tollé, mais la justice a estimé que son acte est un délit passible de prescription au bout de trois ans. Or, quand M. Doueiri a été arrêté à son arrivée à Beyrouth, en septembre dernier, les faits remontaient à plus de trois ans et le dossier a été clos. Quant à son second film, L'insulte, il a été tourné en coopération avec l'armée libanaise... Ghattas Khoury précise aussi que ces explications ont été données par le ministre de la Justice en pleine séance gouvernementale.

 

(Pour mémoire : L’affaire Doueiri, une tentative d’intimidation perdante... et perdue)

 

« Le patrimoine est ce qui reste quand tout s'en va... »
Au sujet des activités de son ministère, Ghattas Khoury a expliqué avoir voulu dresser un plan pour que son action s'inscrive dans la durée. Il a ainsi établi un plan quinquennal pour le développement culturel, car, dit-il, « le patrimoine est ce qui reste, quand tout le reste s'en va ». Il s'est ainsi inspiré du modèle italien. Le plan initial est estimé à 180 millions de dollars, auxquels il faut ajouter 100 millions pour qu'il s'étale sur huit ans. Il s'agit de renforcer la culture en multipliant ce qu'on appelle « les théâtres de poche » dans les régions, pour renforcer le théâtre et les spectacles culturels. En même temps, il lutte pour préserver le théâtre du « Piccadilly » qui est le plus grand au Liban (850 places) et qui a un cachet particulier, alors que ses propriétaires veulent l'exploiter sur le plan commercial. À ce sujet, qui lui tient visiblement à cœur, le ministre sollicite l'aide des médias. Selon lui, la bataille pour préserver le « Piccadilly » et en faire un théâtre placé sous la direction de son ministère vaut la peine d'être menée.

Ghattas Khoury a prévu aussi de construire plusieurs musées dans les provinces, sur des lieux historiques : à Saïda, Beyrouth, Jbeil, Tyr, etc. Il a précisé, dans ce contexte, qu'il existe beaucoup de vestiges encore inexploités au Liban faute de moyens. Il a ajouté qu'il ne faut pas compter sur une aide de l'Unesco, car cette organisation de l'ONU n'a pas de fonds, selon lui. Il essaie donc d'impliquer le secteur privé, ayant ainsi un projet en commun avec l'association Appeal. Le ministre a aussi à cœur de relancer les bibliothèques nationales. Il a précisé à cet égard que celle de Sanayeh, installée dans l'ancien bâtiment de la faculté de droit de l'Université libanaise, qui est d'ailleurs lui-même un ancien hôpital ottoman, est pratiquement prête et n'attend plus que l'inauguration officielle. Elle devrait abriter plus de 400 000 ouvrages et documents.

Le ministre a aussi prévu d'augmenter le nombre des bibliothèques nationales, ainsi que les théâtres sur l'ensemble du territoire pour créer ce qu'il appelle « une chaîne culturelle », qui devrait favoriser l'ouverture des esprits ainsi que le rapprochement entre les Libanais. « L'ouverture aux cultures différentes renforce l'ouverture d'esprit qui est l'une des caractéristiques des Libanais », a-t-il dit. Il a ajouté que le patrimoine unit et ne divise pas. C'est pourquoi il cherche ainsi à protéger le maximum de bâtiments considérés comme historiques. Un projet de loi a même été élaboré et attend d'être adopté par le Parlement.
Ghattas Khoury voit donc grand pour son ministère, mais il se plaint des limites du budget, convaincu que la culture mérite qu'on lui consacre des fonds, car la politique passe, mais l'héritage culturel demeure.

« C'est vrai que je viens d'un univers différent ! En chirurgie, lorsqu'on fait un bon travail, on reçoit des remerciements ou des félicitations, mais en politique, quand on fait quelque chose de bien, on est critiqué. » C'est par cette constatation un peu blasée, qui en dit long sur son évaluation de la politique au Liban, que le ministre de la Culture Ghattas Khoury ouvre la rencontre...

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