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Les enfants de Jacques Chirac

« This is not a method, this is a provocation. What ?
Do you want me to go back to my plane and go back to France ?
Is that what you want ? Let them go. »

Jacques Chirac à un officier de sécurité israélien,
Jérusalem, 1996.

Une image vaut mille mots.
Le soap opera absolu, qui continue de se jouer en live depuis ce fameux samedi 4 novembre, date de la démission depuis Riyad de Saad Hariri, avait commencé par ce qui n'est finalement qu'une anecdote locale, aussi tonitruante et stupéfiante qu'elle soit : oui, Saad Hariri, qui est l'héritier de Rafic Hariri à la tête du courant du Futur avant que d'être le Premier ministre du Liban, obéit, bon gré mal gré, aux conseils ou autres ordres de l'Arabie saoudite dont il est dépendant, tout comme le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, est l'obligé de l'Iran, auquel il est soumis bon gré mal gré aussi. Les Américains ont cette onomatopée géniale qui veut tout dire : duh – le sans blague, en français. L'anecdote, pourtant, s'est vite anamorphosée, laissant toute la place à une boîte de Pandore béante, plongeant les acteurs du conflit sunnito-chiite et les grandes capitales dans une effervescence relativement inédite, et offrant dans la foulée aux Libanais et au monde deux images-clés.

La première image, prise sur les escaliers du palais de l'Élysée, montre Emmanuel Macron main dans la main avec Saad Hariri. Le clin d'œil à l'histoire est très fort, même si le jeune président français et l'héritier malmené ne sont pas reliés, loin de là, du moins pour l'instant, par les mêmes et énormes liens d'amitié que Jacques Chirac et Rafic Hariri ont su sanctuariser pendant des années, depuis que l'ancien Premier ministre assassiné a aidé l'ex-président français dans le long combat que menait le couple Chirac contre la maladie de leur fille aînée, Laurence. Mais profondément inspiré par son prédécesseur, Emmanuel Macron a mélangé le cœur et la tête, l'empathie et la raison (d'État). Parce que au-delà de cette France utérine et placentaire dans laquelle le petit Liban se réfugie et essaye de se reconstruire après chaque crise, M. Macron a vite compris qu'il avait un (très) gros coup politique, diplomatique et économique à jouer – et il l'a fait. Que la France pouvait joliment profiter de la trumpisation assez hystérique des grands dossiers géopolitiques au Proche-Orient, et de l'implication jusqu'à l'os de la Russie en Syrie, et envisager de devenir l'arbitre qui manque aux combats de boxe qui s'y jouent. Notamment au Liban. Notamment avec l'Iran, très alléchant partenaire commercial, mais dont les sinistres ambitions dans la région irritent foncièrement Paris. Notamment avec l'Arabie saoudite, que les Français ne voudront jamais se mettre à dos. Mais si l'initiative du très impulsif prince héritier saoudien peut permettre de rechiraquiser, comme elle vient de le faire, la politique étrangère de la France et aider Emmanuel Macron à entrer, peut-être, dans l'histoire, en jouant, entre autres, les go-between entre Riyad et Téhéran, c'est tout naturellement cela de pris.

La deuxième image est celle, répétée à plusieurs moments, du visage de Saad Hariri durant l'interview qu'il a accordée depuis Riyad à la chaîne de télévision dont il est le propriétaire, la Future TV. Dans les yeux du jeune leader, il y avait autant de tsunamis que de trous noirs, et sur son épaule, les téléspectateurs pouvaient presque deviner la main crispée, puis le visage, statue du commandeur absolue, de Rafic Hariri. Saad Hariri reviendra sans doute à Beyrouth, où il restera plus ou moins longtemps; il y confirmera très probablement, à moins d'un rebondissement de dernière minute, sa démission. Mais l'urgence n'est pas là. Parce qu'il devra avant toute chose, en s'appuyant sur l'héritage politique et moral de son père, nettoyer les écuries d'Augias qu'est devenue sa formation politique, le courant du Futur. Comme Jacques Chirac qui a vu se multiplier les courants internes au sein de son parti, le RPR, vers la fin des années 80 et le début des années 90, Saad Hariri doit désormais trancher entre les différentes mouvances qui rongent son courant de l'intérieur, et qui ont quasiment pour seul sujet la relation avec le Hezbollah. Toujours terrorisé par l'Anschluss de 2008, perpétré par ce Hezb contre le Beyrouth sunnite, et assez obsédé par l'urgence de renflouer les caisses du Futur, donc d'essayer, comme toujours au Liban, de ménager chèvres et choux, que fera l'héritier ? Pourra-t-il consacrer et continuer à développer, après l'épisode en terre wahhabite, l'option compromi(ssion)s avec le parti chiite, défendue par le trio Nader Hariri-Nouhad Machnouk-Ghattas Khoury ? Ou devra-t-il, au contraire, trancher en faveur du camp, emmené par Fouad Siniora, qui veut contrer beaucoup plus fermement l'application de la wilayat al-faqih des ayatollahs iraniens au Liban, tout en gardant en tête la détermination d'un Achraf Rifi ou d'un Baha' Hariri à aller encore plus loin dans la confrontation? Quelle marge de manœuvre lui a laissée Mohammad ben Salmane? Que peut faire Emmanuel Macron ? Saad Hariri doit faire un choix, et les différents scénarios sur son retour au Sérail, dont le gargantuesque abandon par le Hezbollah du mortifère triptyque peuple-armée-résistance dans une éventuelle future déclaration ministérielle, ne sont que des détails. Ce choix, stratégique et crucial, est incontournable.

Reste la troisième image, pas encore shootée. Celle de Saad Hariri à Beyrouth – Maison du Centre, palais de Baabda, Sérail, peu importe. À quelque chose malheur est bon : ce que Mohammad ben Salmane l'a probablement obligé à faire aura provoqué chez les Libanais, aussi circonstanciel et parfois éminemment hypocrite que soit ce sursaut, une sorte d'union sacrée non négligeable en l'état. Ce #RendezNousNotre
PremierMinistre avait finalement de la gueule. En espérant, très vite, d'autres sursauts, tout aussi nécessaires : #RendezNousNotrePrésidentDeLaRépublique (à égale distance de tout et de tous), #RendezNousNotreÉtat (sans la milice du Hezbollah), ou encore, last but not least, #RendezNousNotreDiplomatie...

« This is not a method, this is a provocation. What ?Do you want me to go back to my plane and go back to France ?Is that what you want ? Let them go. »
Jacques Chirac à un officier de sécurité israélien,Jérusalem, 1996.
Une image vaut mille mots.Le soap opera absolu, qui continue de se jouer en live depuis ce fameux samedi 4 novembre, date de la démission depuis Riyad de Saad Hariri,...

commentaires (4)

Plus de consensus ou de compromis.Aucune milice, aucun parti affilié à la Syrie ne doivent intégrer le nouveau gouvernement formé par S. HARIRI ou autres. Il en va de la survie et de l'avenir du Liban. Un seul slogan: ARMEE-PEUPLE-ETAT.

Achkar Carlos

10 h 29, le 20 novembre 2017

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Commentaires (4)

  • Plus de consensus ou de compromis.Aucune milice, aucun parti affilié à la Syrie ne doivent intégrer le nouveau gouvernement formé par S. HARIRI ou autres. Il en va de la survie et de l'avenir du Liban. Un seul slogan: ARMEE-PEUPLE-ETAT.

    Achkar Carlos

    10 h 29, le 20 novembre 2017

  • objectivement parlant, l'intervention "francaise" depuis le debut des temps en notre faveur ne fut QUE du beaume... circonstanciel, n'ayant jamais aide a trouver la solution permanente a l'un ou l'autre des conflits interlibanais.- sans critiquer la france pour autant-. je veux dire : INUTILE de continuer d'esperer grand chose de l'ETRANGER -ds le sens le plus large du mot. RIEN de permanent n'en sortira sans le VOULOIR des Libanais eux memes. C'EST SEULEMENT UN REVE DIURNE DE MA PART.

    Gaby SIOUFI

    10 h 05, le 20 novembre 2017

  • DES VOEUX SINCERES... MAIS DES VOEUX ! SANS LA VRAIE APPARTENANCE NATIONALE DE TOUT CHACUN L,AVENIR... JE PRIE POUR LE CONTRAIRE... SERAIT SOMBRE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 41, le 20 novembre 2017

  • La fin je suis pour la fIn !! #ARMEE PEUPLE ÉTAT

    Bery tus

    06 h 28, le 20 novembre 2017

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