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Moyen Orient et Monde - Polémique

« Devoir national de violer » : une séquence télévisée provoque l’indignation en Égypte

Un avocat, adepte de la provocation, lance une nouvelle saillie contre les femmes.

L’avocat égyptien Nabih el-Wahech, lors d’un débat télévisé sur la chaîne al-Assema qui a suscité la polémique après des propos de l’invité qui appelle à violer les femmes qui portent un jeans déchiré. Capture d’écran YouTube/al-Assema TV

« Vous êtes heureux, vous, quand vous voyez une fille qui marche dans la rue avec la moitié de son dos découvert ? Vous pensez qu'on ne fait pas attention à nos filles ? Moi, je dis qu'une fille qui se balade comme ça, c'est un devoir patriotique de l'agresser sexuellement, c'est un devoir national de la violer ! »

« Non, non, non ! » s'esclaffent avec stupeur les femmes présentes dans le studio.
« Si ça l'est ! Ce qu'elles font, c'est de la dépravation ! » insiste l'homme.

Cet échange a eu lieu dans le studio de télévision de la chaîne al-Assema. Autour de la table, les invités grimacent et tentent de faire taire l'homme. « Les femmes doivent se respecter si elles veulent qu'on les respecte. Protéger nos valeurs est plus important que de protéger nos frontières », poursuit-il.

L'avocat débitant ces incitations au viol sur la chaîne de satellite, il y a deux semaines, n'est autre que Nabih el-Wahech, un juriste égyptien proéminent, connu pour ses positions extrêmement conservatrices et ses coups de sang dans les médias. L'année dernière, c'est lui qui avait attaqué un cheikh avec sa chaussure, le traitant d'« infidèle et (d')apostat », parce que le religieux avait assuré que le voile n'était pas une obligation dans l'islam. C'est lui aussi qui disait, il y a peu, que les femmes ne devaient pas accéder à des postes à responsabilité, encore moins dans la justice ou dans le domaine religieux. « Ensuite elles viendront prier à côté de vous quand elles auront leurs règles ! » avait-il lancé.

Au lendemain de cet incident télévisé, Nabih el-Wahech a publié une tribune dans le journal al-Watan pour préciser sa pensée. Il persiste et signe, estimant que sa fille, la première, « mériterait un tel traitement si elle portait des jeans » et que « le port de la robe est une invitation au viol ». Comme à chaque fois, la sortie de cet avocat habitué des scandales a été largement commentée et a soulevé une vague d'indignation.
Dans la foulée, le Conseil national pour les femmes a publié un communiqué condamnant cette prise de position « dégradante et haineuse qui encourage explicitement le viol et le harcèlement sexuel ». Maya Morsi, directrice de l'organisation, a fait savoir qu'elle saisissait le procureur général de la République et déposait une plainte contre l'avocat, mais aussi contre la chaîne de télévision qui a permis un tel dérapage. « Nous appelons tous les médias à empêcher l'apparition de telles figures et de déclarations qui encouragent la propagation de la violence et du mépris envers les femmes », explique-t-elle.

Une position partagée par Harrassmap, une organisation qui lutte contre le harcèlement sexuel en Égypte : « Nous devons absolument encourager un discours qui arrête de blâmer les femmes et de les rendre responsables des violences qu'elles subissent. » « Cet homme est un idiot dangereux qui fait honte à l'Égypte », estime Amanda Cross, à l'origine d'un groupe d'action contre le harcèlement sexuel. « Cette déclaration est à la fois minable et fausse. Des gens comme ça ne devraient pas être autorisés à continuer à empoisonner l'esprit des jeunes contre leurs mères et leurs sœurs. »

 

99 % des femmes sexuellement agressées
Dans un pays où le harcèlement sexuel est endémique – 99 % des femmes ont été sexuellement agressées selon une étude de United Nations Entity for Gender Equality de 2013 –, ce type de positions est perçu comme un danger pour les minuscules avancées des droits des femmes.

Pourtant, nombreux sont les militants qui évitent de commenter l'incident. Si les propos sont bel et bien scandaleux, et illégaux au regard de la loi égyptienne, ils estiment qu'il ne faut pas nourrir la controverse. « Nous sommes vraiment inquiets que ce type de déclarations puisse continuer à être relayé. Si les femmes sont aujourd'hui toujours autant victimes de violences, c'est parce que les médias tendent à normaliser ce discours et n'incitent pas les hommes à se remettre en question. Que cet homme, connu des médias et connu pour ses positions scandaleuses, soit toujours invité sur les plateaux télé est un énorme problème », explique Harassmap.

Un point de vue partagé par certains Égyptiens qui voient en Nabih el-Wahech « un opportuniste en quête de projecteurs à n'importe quel prix ». Heba, qui n'a pas vu la séquence – « la télévision est remplie de ce genre de débilités », assure-t-elle –, y voit aussi une controverse orchestrée : « On fait venir un taré, on le laisse débiter des trucs extrêmes, comme ça, la majeure partie de la population va être choquée, va le tacler et va avoir l'impression d'être ouverte d'esprit alors qu'en fait cela permet aux autorités et aux organisations gouvernementales de faire leur petite déclaration sur l'importance du droit des femmes, etc., et d'apparaître comme évoluées », estime-t-elle.
Mais l'incident a tout de même provoqué l'émoi. Sur les réseaux sociaux, l'homme y est largement traité de « chien », de « fou » et de « criminel ».

Plusieurs figures égyptiennes connues pour leur implication dans la défense des droits des femmes comme Mona el-Tahawy ont été outrées par la diffusion d'une telle séquence : « On fait la promotion de la culture du viol sur la télé égyptienne ! » poste-t-elle sur son compte Twitter, fort de 276 000 followers. « On peut donc laisser des hommes exprimer leurs pensées criminelles à la télévision ? » se demande une autre jeune femme sur son compte Facebook.

D'autres choisissent pourtant de défendre l'avocat. Sabiha, une jeune Égyptienne, estime qu'« il a raison même si la façon dont il l'a dit n'était pas appropriée ». « Le gouvernement devrait punir ce type d'accoutrements dans les lieux publics », ajoute-t-elle. « Oh ferme-la ! » lui assène une autre jeune femme, avant d'ajouter : « Si tu as envie d'être oppressée, c'est ton choix, mais tu n'as absolument aucun droit de décider de ce que les femmes ont le droit de porter ou pas. »
Les arguments pour et contre sont lancés à la volée avec des soutiens de chaque côté : « Si tu penses que te foutre à poil te donne une quelconque liberté, alors les chiens sont plus libres que toi », lâche la première. « Tu t'es fait laver le cerveau, tu es la raison pour laquelle nous n'avons toujours pas l'égalité dans ce pays. Honte à toi », fustige la deuxième.

Cet incident et les réactions survoltées qui ont suivi interviennent alors que la capitale égyptienne a été classée ville la plus dangereuse du monde pour les femmes, selon une étude de la fondation Thomson Reuters. Le harcèlement et le risque d'agressions sexuelles arrivent en tête des risques qu'encourent les femmes au Caire, mais l'étude prend aussi en compte d'autres facteurs comme la discrimination, l'accès à l'éducation ou l'indépendance financière.

 

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« Non, non, non ! » s'esclaffent avec stupeur les femmes présentes...

commentaires (2)

WAHESH OU HMAAAAARRRRR !

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 32, le 03 novembre 2017

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Commentaires (2)

  • WAHESH OU HMAAAAARRRRR !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 32, le 03 novembre 2017

  • je suis de l'avis de Maya Morsi, Mona el-Tahawy et beaucoup d'autres, n'en deplaise aux medias. pourquoi faire passer a la tele un tel energumene , un avocatillon sans aucune envergure professionnelle, sociale, politique ,religieuse , UN MOINS QUE RIEN lui permettre de sortir de telles ignominies ? POURQUOI ? qu'on ne sorte surtout pas cette betise qui veut que les gens ont le droit de "savoir" , que les medias ont le devoir de ""faire connaitre".....

    Gaby SIOUFI

    10 h 08, le 03 novembre 2017

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