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Lifestyle - Comédie musicale

Comment Mike Massy se transforme en Jésus...

Reportage dans les coulisses du Palais des Sports et rencontre avec Mike Massy, quelques heures avant son entrée en scène dans la fresque musicale, événement de la rentrée, « Jésus, de Nazareth à Jérusalem », dirigée par Pascal Obispo et Christophe Barratier.

Mike Massy dans les coulisses du spectacle, avant de se transformer en Jésus. Photo DR

Quelques heures avant la représentation de Jésus, de Nazareth à Jérusalem, L'Orient-Le Jour s'est infiltré dans les coulisses du Palais des Sports. Branle-bas de combat ? Pas vraiment. Artistes, musiciens, acteurs, techniciens sont là, autour de boissons chaudes, dans une atmosphère de convivialité et de bonne humeur. Mike Massy arrive, souriant. Il ôte son bonnet de laine. Ses longues mèches bouclées dégringolent sur ses épaules. Celui qui tient le rôle principal du spectacle dirigé par Pascal Obispo et Christophe Barratier communique avec ses collaborateurs en toute simplicité. Au-delà de son parcours artistique, son moteur, ce sont les autres qui l'intéressent. « J'ai de la chance, je suis entouré d'artistes talentueux et respectueux. Je me suis fait des amis, ce qui est rare dans une troupe. J'appréhendais les différences culturelles, surtout dans le registre de l'humour, mais on s'amuse bien ensemble », confie l'artiste. Bien entendu, il parle de ses liens privilégiés avec celle qu'il appelle sa « petite sœur », Crys Nammour, qui tient le rôle de Marie-Madeleine, également d'origine libanaise. « Notre rapport est fraternel, au-delà de l'amitié. J'aimerai que le public libanais la connaisse mieux. »

 

 

 

 

Le piano délaissé
L'interprète du personnage de Jésus parle de sa rencontre avec la musique d'une voix posée. Dans sa loge, où l'entretien se poursuit au calme, les costumes de son personnage en arrière-plan, il se confie : « Je crois que j'ai toujours baigné dans un univers musical. Enfant, je me suis approprié le piano délaissé par ma sœur, et la musique me transportait. Je suis allé à l'école de musique de Jounieh, puis au Conservatoire supérieur de musique de Beyrouth, où j'ai suivi des études de piano et de chant occidental. Puis j'ai ressenti le besoin d'enrichir mon approche avec le chant lyrique arabe, qui était en lien avec mon identité. » Dans cette optique, Mike va s'installer en Égypte pour « s'imprégner de musique orientale : Beyrouth est tellement mélangée, je voulais être dans une vraie ville arabe ».

Après Le Caire et Alexandrie, c'est Bruxelles qui accueille l'artiste. « C'est ma ville préférée. Tout ce que j'ai appris en Égypte, j'ai pu le formaliser et produire mes albums, mélanges de chant occidental et oriental. Zaman, en 2011, Tannoura maxi en 2012, qui est la musique d'un film. Cette même année, Mike Massy reçoit le prix du Murex d'or. Parallèlement, le chanteur est aussi acteur, dans des séries et au théâtre (États-Unis, Doha, Italie...).

 

L'angoisse
Lorsque Mike Massy apprend que Pascal Obispo a écouté Nature Boy et qu'il veut le voir pour le rôle-titre de sa prochaine comédie musicale, c'est le silence. « Mon cœur s'est mis à battre. Je rêvais de faire carrière en France. Des comédies musicales. Je connaissais par cœur Les dix commandements. » Il évoque ce moment avec émotion et gratitude. Aucune fausse modestie, aucune autosatisfaction chez cet artiste plébiscité tous les soirs au Palais des Sports, mais une volonté de rester lui-même et une capacité à prendre du recul : « On reçoit ce qu'on attire, et ce qu'on apprivoise au fil du temps. Je baigne dans la spiritualité depuis mon plus jeune âge, je connais bien Jésus, je crois surtout qu'on apprivoise ce qu'on voudrait être. »

L'artiste admet le trouble qu'a généré ce choix : « Oui, au départ ça m'a perturbé, mais j'avais déjà interprété des chants spirituels dans ma carrière. J'essaye d'être professionnel. Et lorsque j'entre sur scène je ne pense qu'au rôle, au moment présent. » Et de se référer à son patronyme (el-Massih) avec humour : « Enfant, on se moquait de moi à cause de mon nom, aujourd'hui cette prédestination m'amuse. »

Ce spectacle qui clôt un triptyque biblique dans l'œuvre d'Obispo mérite quelques précisions pour Mike Massy : « Il ne s'agit pas de religion. On raconte les trois dernières années de Jésus, la religion est venue quelques siècles plus tard, on parle de l'homme. Je suis avant tout un homme de foi, un homme de spiritualité. »
Pour l'artiste, le choix des mots est primordial : il s'agit d'une fresque musicale, « c'est-à-dire qu'elle est tout sauf bling-bling. On est dans une sobriété totale, tant au niveau du décor que de la lumière ».

 

« Une voix qui donne un goût de l'Orient »
Pascal Obispo a choisi un artiste libanais pour interpréter le rôle-titre, pour des raisons avant tout esthétiques, selon Mike Massy : « Obispo a une intelligence musicale très pointue. Il a souhaité que j'ajoute quelque chose de nouveau au son qu'il a créé. Alors que le chant occidental requiert une voix de poitrine, le chant oriental implique une voix mixte, de liaison et de glissando. Obispo m'a laissé m'exprimer, avec mes origines, mon identité, tout en restant sobre, en gardant à l'esprit que je m'adresse à un public occidental, et qu'il est impossible d'exagérer la technicité orientale. »

Sa performance est portée par la diversité de son parcours musical et par sa flexibilité culturelle et technique. « Je devais trouver le moyen de créer un pont qui donne un goût de l'Orient sans pour autant noyer le public et le perdre. »

L'artiste avait quelques appréhensions à se confronter au public français, relativement nouveau pour lui. « Il s'agit d'un public qui écoute beaucoup et qui est dans les détails. Je suis arrivé incognito pour jouer un rôle complexe et je suis comblé par un accueil chaleureux aussi bien auprès des spectateurs que des médias français. »
Et le public libanais ? « Je crois que cette fresque musicale correspond à sa sensibilité. Bien sûr que je souhaiterais que nous la présentions au Liban. Je ferai tout mon possible pour emmener le spectacle là-bas. Ce sont mes premiers applaudissements et où que m'emmène ma carrière. Ce spectacle parle aux Libanais. On est dans la sobriété, on a le souci d'être fidèle à la Bible. » Le débit de parole s'accélère légèrement. Clairement, ce sujet ne le laisse pas indifférent.

 

Discipline
« Oui, il y a une part d'anxiété, mais ce n'est plus celle qui précède les répétitions. Au départ, on a peur d'oublier le texte, maintenant les réflexes sont acquis et j'ai un travail de concentration. Il faut donner son maximum, même s'il n'a pas le même niveau d'une fois sur l'autre. » Pour cela, une routine qui n'est pas négociable, une certaine fermeté dans la voix trahit la discipline que l'artiste s'impose à lui-même : « Arriver trois heures avant, préchauffer puis chauffer ma voix. Et être au calme dans la mesure du possible. »

Le rituel de transformation est fondamental : habillage, maquillage, coiffure, installation des micros. « C'est la transformation de Mike en Jésus. Je parle le moins possible, sauf quelques blagues, nécessaires, car nous jouons une histoire triste. »

Quelques échanges de regards qui annoncent que les préparatifs vont commencer, que les autres l'attendent et que le compte à rebours est lancé. L'engrenage du travail d'équipe de transformation est imminent.

 

Celui qui n'a jamais pêché...

Au Palais des Sports, un public impatient, beaucoup de jeunes et une salle comble. Le spectacle est une succession de tableaux dans des décors de sable et d'ocre, où les teintes bleutées se succèdent. La première scène est celle du baptême du Christ. Mike Massy campe un personnage dans la retenue qui s'exprime peu et dont le charisme est entier. La fidélité aux Écritures se joue à plusieurs niveaux, aussi bien dans la succession des épisodes-clé des trois dernières années du Christ (les 40 jours dans le désert, les pêcheurs de Tibériade...) que dans les dialogues (où certaines phrases sont reprises textuellement).
La figure maternelle (interprétée par Anne Sila, lancée par The Voice France), très présente dans l'économie du spectacle, s'exprime à trois reprises par monologues intérieurs d'une voix limpide et puissante : inquiétude face aux risques pris par son fils, insoutenable douleur de sa mort, joie de sa résurrection.

Le tableau autour de Marie de Magdala est un des préférés de Mike Massy : « Chaque représentation est différente, mais j'aime la séquence avec la première pierre, lorsque Marie de Magdala est accusée d'adultère et qu'elle est menacée de mort. Je chante une leçon de pardon et de guérison. » Une pierre à la main, le personnage du Christ s'adresse directement au public, soudain éclairé par les projecteurs, et qui ne peut échapper à lui-même : « Celui qui n'a jamais pêché... » Une scène est réservée à Marie-Madeleine, dont les sentiments vis-à-vis de Jésus sont troubles : « Jésus si tu n'étais qu'un homme. » La voix riche et sensuelle de Crys Nammour accompagne les doutes de la jeune femme et accentue le regard profondément humain porté sur l'Évangile.

La présence de Mike Massy sur scène rend compte du charisme de Jésus, mais aussi de ses sentiments humains comme la violence (face aux marchands du temple) ou l'angoisse (Ô Père ne m'abandonne pas, dont la ligne mélodique est orientale). Son regard sombre et pénétrant est le fil conducteur du spectacle.
Le chemin de croix est transposé sur les marches du Palais des Sports, Jésus traverse le public suivi de quelques fidèles, dans un silence interrompu par quelques sanglots étouffés de sa mère, avant de disparaître. Et deux personnages se retrouvent sur scène, torturés par le remords : Judas et Pierre, qui posent une ultime question au public : « Comment survivre à soi-même ? »

Le tableau final rassemble tous les personnages pour qui Rien ne sera jamais comme avant. Les applaudissements, les rappels et les reprises se succèdent. Le pari est gagné pour ces comédiens qui ont choisi de relever un défi complexe autour d'un sujet délicat. Des artistes dans la retenue, dont la vérité sur scène emporte le spectateur dans des contrées d'Orient bouleversées par l'histoire. Jésus, de Nazareth à Jérusalem se produit jusqu'au 10 décembre au Palais des Sports de Paris avant de poursuivre sa tournée dans toute la France.

 

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