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En Afghanistan, la violence anti-chiite ravive la peur du sectarisme

Malgré les promesses officielles de protéger la minorité chiite des attaques sectaires du groupe Etat islamique, la sécurité est absente. 

Un Afghan dans la mosquée Imam Zaman après l'attentat perpétré le 20 octobre en pleine prière. AFP / SHAH MARAI /

L'attentat sanglant contre une mosquée chiite de Kaboul la semaine dernière en pleine prière illustre une fois encore l'absence criante de sécurité malgré les promesses officielles de protéger cette minorité des attaques sectaires du groupe Etat islamique (EI), sunnite.

Des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants venus prier dans la mosquée Imam Zaman ont été tués le 20 octobre quand un kamikaze a déclenché sa ceinture d'explosifs, laissant derrière lui douleur et dévastation.

Récupérant chez lui de ses blessures, Ali Gul, qu'un pilier a protégé du souffle, est formel: "Il n'y avait pas de garde à l'entrée pour fouiller les gens". "La sécurité était très stricte pendant (le mois sacré) de Muharram, mais ensuite les contrôles ont été levés".

A l'inverse de la Syrie ou de l'Irak, l'Afghanistan a pourtant réussi à éviter l'écueil du sectarisme au fil de décennies de conflit, depuis l'invasion soviétique. Mais depuis l'irruption de l'EI en 2015, les chiites sont régulièrement visés, suscitant la crainte qu'ils en viennent à riposter.

A plusieurs reprises, la minorité chiite (environ trois millions sur quelque 30 millions d'Afghans) a appelé le gouvernement à renforcer la protection de ses quartiers et de ses mosquées.

En septembre, à la veille du mois de Muharram (premier mois du calendrier musulman) et de l'Achoura, la principale célébration chiite qui commémore le martyre de Hussein, petit-fils du prophète, le gouvernement a formé et armé quelque 400 civils pour défendre les mosquées de Kaboul. Mais ce dispositif, jugé insuffisant par de nombreux responsables religieux, a surtout montré l'impuissance des autorités face à la violence des insurgés.

"C'est à 100% la faute du gouvernement, incapable de nous protéger", assène Haji Ramazan Ali, atteint dans la mosquée Imam Zaman au visage et aux épaules. "Qu'ils aillent en enfer au gouvernement, ils n'en ont rien à faire de nous", peste Rasoul Haidari, un commerçant voisin. Pour le député chiite Mohammad Akbari, passée l'Achoura, la sécurité s'était relâchée et cette attaque doit "servir de réveil à tout le monde", estime-t-il.
"Nous avons cinq gardes par mosquée, mais un seul était en faction samedi", souligne d'ailleurs Ali Gul.

 

(Lire aussi : Nouvel attentat à Kaboul, plus de 200 morts en 5 jours)

 

Raviver les divisions
Les talibans sont nettement plus nombreux que les combattants se revendiquant de l'EI, et visent en priorité les forces de sécurité, locales et étrangères. Les extrémistes sunnites sèment la terreur par des attentats dévastateurs contre des cibles chiites à travers le pays.

"Les ennemis de l'Afghanistan veulent semer la discorde entre chiites et sunnites, mais ils n'y parviendront pas", veut croire Ibrahim, un "ancien" dans le quartier de la mosquée attaquée. "L'Afghanistan a été largement épargné par la violence sectaire, mais l'EI essaie de raviver des divisions", qui ont parfois opposé dans le passé les Hazaras, majoritairement chiites, aux autres communautés, estime l'analyste Michael Kugelman, du Wilson Center à Washington.

"Nous en sommes encore loin, mais c'est le jeu de l'EI", confirme Vanda Felbab-Brown, associée de la Brookings Institution aux Etats-Unis. "Ils essaient de se différencier des talibans en se montrant beaucoup plus sectaires qu'eux".

Les civils afghans payent toujours un lourd tribut à l'insurrection en cours depuis 16 ans et la fin du régime taliban. Selon les derniers chiffres compilés par l'Onu, plus de 8.900 personnes ont été tuées ou blessées entre janvier et octobre, à 60% par les insurgés.

Pour M. Kugelman, les faibles capacités du gouvernement en matière de sécurité l'empêchent d'anticiper les attaques: "Y remédier permettrait déjà d'apporter un peu de répit aux civils afghans". Car malgré sa faible présence numérique, la résilience de l'EI aux coups et notamment aux frappes aériennes des Etats-Unis et de l'armée afghane est préoccupante, souligne-t-il.

En avril, les Etats-Unis ont largué la plus puissante de leurs bombes, "la mère de toutes les bombes" (MOAB) sur un réseau de souterrains et de grottes, dans l'est, tuant 90 membres de l'EI, mais les attentats ont continué.

Pourtant, les Afghans vont continuer de résister à la tentation du repli sectaire, affirme Kate Clark, qui dirige le réseau AAN, Afghanistan Analysts Network. "En Afghanistan la plupart des régions ont connu des phases de violences communautaires particulièrement abjectes", indique-t-elle à l'AFP. "Les gens se souviennent comme elles peuvent être atroces pour chaque camp".

 

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