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Campus - ENTRETIEN

« Avec les cours de phénicien, nous offrons du nouveau avec du très ancien »

Le professeur Roland Tomb, doyen de la faculté de médecine de l’USJ.

À partir de novembre, la faculté française de médecine de Beyrouth de l'USJ (FFM) offre à ses étudiants un cours d'initiation à la langue et aux textes phéniciens. Rencontre avec le Pr Roland Tomb, doyen de la FFM.

Pourquoi avoir décidé d'offrir l'enseignement de la langue et de l'écriture phéniciennes comme cours optionnel aux étudiants en médecine ?
Nous proposons cette année deux nouveaux cours optionnels : l'initiation à la langue et l'écriture phéniciennes au premier semestre et l'initiation à la langue et à l'écriture syriaques au second semestre. Les cours de phénicien seront dispensés par Maroun Khreich, docteur en histoire et langues anciennes. Nous, Libanais, passons notre temps à dire avec fierté que nous avons inventé l'alphabet et, sur notre monnaie nationale, nous avons reproduit des vestiges phéniciens. Pourquoi ne pas connaître un peu mieux cette langue dont nous sommes si fiers ? Elle est de la même famille que la langue arabe que nous parlons, que l'araméen, l'hébreu, le syriaque. D'ailleurs, parmi les cours optionnels que la FFM offre, j'ai instauré des cours d'arabe et des cours interculturels sur le dialogue islamo-chrétien.
Personnellement, je m'intéresse à tout ce qui touche à notre patrimoine, à notre richesse, à notre diversité et notre pluralisme. En plus de ma formation médicale, j'ai suivi des études en théologie, en langues sémitiques anciennes et je suis titulaire d'un doctorat en philosophie et en éthique de l'Université Aix-Marseille.

Quelles sont les particularités des ces nouveaux cours optionnels ?
Avec les cours de phénicien, nous offrons du nouveau avec du très ancien. Ils seront d'une heure par semaine, de novembre à février, et j'ai limité le nombre des inscrits à 40. En général, les cours optionnels sont suivis par les étudiants des trois premières années en médecine. Ils sont ouverts aux autres, mais ces derniers sont souvent pris par leurs stages dans les hôpitaux. Pour le moment, ils se limitent aux étudiants en médecine. Mais s'il y a des demandes, on pourrait les étendre à l'avenir à d'autres facultés.

 

(Lire aussi : Le Liban va récupérer la tête de taureau d’Echmoun)

 

Comment expliquez-vous le vif intérêt que ces cours ont suscité chez les étudiants ?
Cet enseignement fait partie de notre héritage culturel. Notre pays a été traversé par de multiples civilisations ayant différentes langues. Les dernières langues que nous parlons sont celles de l'envahisseur arabe au VIIe siècle et celles des puissances occidentales, que ce soit la France, la Grande-Bretagne ou les États-Unis, à partir des XIXe et XXe siècles. Nous sommes un peuple qui a parfaitement adopté et assimilé plusieurs langues. Il serait bon d'aller regarder ce que nos ancêtres parlaient.
L'intérêt des étudiants est dû aussi au fait qu'à l'école, dans les classes secondaires, la place de l'histoire est devenue rudimentaire. Les jeunes ont soif de connaître leur histoire et leur langue d'origine. D'ailleurs, j'ai constaté à quel point les étudiants sont intéressés par les visites du patrimoine culturel du Liban que nous organisons à la FFM, avec des professeurs d'histoire, d'archéologie, de sociologie.

Quel peut être l'apport de cet enseignement pour les futurs médecins ?
Un médecin n'est pas un scientifique pur. Il n'est pas non plus un mécanicien qui répare le corps ! Il est en contact avec des hommes, des femmes, des enfants, et vit au sein de la cité et de la société, et non pas dans une tour d'ivoire ou uniquement dans une salle d'opération. Il doit être au service du patient et de la société. Évidemment, pour être un bon médecin, pas besoin de connaître le phénicien ou le syriaque, ni de parler le latin comme le médecin de Molière. Il n'y a pas donc d'incidence directe sur la profession. Mais on est là pour former, pas uniquement des médecins, mais des citoyens : des hommes et des femmes ayant une vaste culture. Le but de l'université est de proposer des options, et à l'étudiant de faire son choix. À la FFM, nous offrons des cours sur le cinéma, le théâtre – avec une centaine d'étudiants inscrits –, le sport, l'étude des langues étrangères dont le russe, le japonais, l'italien. Par ailleurs, j'ai intégré comme enseignement obligatoire des cours de culture générale et le thème art et médecine qui montre la vision du malade, et du médecin, à travers l'art.

Le phénicien en dix semaines

« Le cours d'initiation à l'écriture phénicienne propose aux étudiants en médecine de mieux comprendre la civilisation et la culture phéniciennes, de connaître leurs caractéristiques et leur évolution, en utilisant la documentation écrite en langue phénicienne », explique le Dr Maroun Khreich, diplômé en histoire et langues anciennes de l'École pratique des hautes études à Paris et titulaire du nouveau cours qui s'étendra sur dix semaines. Les cours débuteront par une introduction générale sur les Phéniciens et leur rôle dans l'histoire de l'écriture alphabétique. Ils porteront ensuite sur les débuts de l'écriture phénicienne aux XIe et au Xe siècles avant J.-C., sur les textes de Byblos et le sarcophage d'Ahiram, sur des textes de Sidon, de Tyr, et de multiples inscriptions.
« Cet apprentissage permettra aux étudiants de comprendre le début de l'écriture alphabétique/linéaire, plus précisément le phénicien, et de se familiariser avec cette écriture, comme transcrire les lettres du phénicien à l'arabe ou au français, découper un texte et le traduire et distinguer les différentes phases de l'écriture phénicienne », précise encore le Dr Khreich.

 

 

 

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