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Liban - Parlement

Le budget 2017, un « exploit » pour les uns, une « mascarade » pour les autres

Les députés ont entamé hier une discussion de trois jours en vue de l'adoption, en retard, de la loi des finances.

Ouverture hier de la session ordinaire d’automne du Parlement. Au menu, le projet de budget de 2017. Photo tirée du site du Parlement libanais.

Voter un budget après une abstention de onze ans et en l'absence d'un bilan comptable est devenu, tout d'un coup, « un exploit », pour le Premier ministre Saad Hariri. C'est ce qu'il a déclaré au début de la session ordinaire d'automne de la Chambre prévue pour débattre le budget de 2017, en vue de son adoption attendue demain jeudi. Il s'agira du premier budget à être voté depuis 2005. Le chef du gouvernement n'était d'ailleurs pas le seul à évoquer cette « prouesse ». Plusieurs députés, et pas seulement de son courant politique, se sont lancé des fleurs à l'occasion de ce qu'ils considèrent être une réalisation historique.

Historique, elle l'est en effet non seulement par son caractère inédit après plusieurs années de dépenses selon des procédures normalement prévues dans des cas exceptionnels, mais surtout par le fait que le débat sur le budget devait porter sur des dépenses révolues, une autre violation flagrante à l'article 87 de la Constitution. Ce texte prévoit l'approbation par la Chambre du bilan comptable de l'année écoulée, c'est-à-dire de 2017 (loi de règlement), avant le vote du budget de l'année à venir.

 

(Lire aussi : Budget 2017 : Kanaan souhaite renforcer le contrôle parlementaire sur les dépenses)


Or, non seulement le bilan comptable sera repoussé d'un an et donc renvoyé au prochain gouvernement, mais les députés devront pour cela modifier la Constitution dans le cadre de la loi du budget qu'ils sont appelés à voter dans les prochains jours, s'arrogeant ainsi le droit de remodeler la Loi fondamentale de sorte à l'adapter à la série de transgressions commises en cours d'exercice. Une hérésie que les Forces libanaises et les Kataëb affirment ne pas accepter.

« Nous débattons aujourd'hui du budget prévoyant des montants qui ont déjà été dépensés, pour autoriser le gouvernement à faire ce qu'il s'est déjà lui-même autorisé à faire », a regretté le député Antoine Zahra, des Forces libanaises. « C'est une véritable mascarade », devait indiquer l'ancien ministre Kataëb Alain Hakim à L'OLJ. « Ils (les députés) auraient mieux fait d'admettre leurs échecs retentissants au lieu de parler d'exploit », a-t-il ironisé. Selon lui, il s'agit d'une « transaction » consistant, pour toutes les parties qui se sont succédé au pouvoir depuis 2005, « d'enterrer les abus commis à tour de rôle et de fermer l'œil sur les affaires de corruption de part et d'autre ».

En lieu et place d'un pouvoir législatif qui exerce le contrôle général sur la politique du gouvernement et ses activités, les « représentants de la nation », au mandat trois fois prorogé, ne pouvaient, en définitive, qu'être de connivence avec un gouvernement issu des mêmes formations politiques qui garnissent l'hémicycle.

 

(Lire aussi : Un seul changement dans la composition des commissions de la Chambre)

 

Règlements de comptes
Certes, des voix discordantes se sont fait entendre hier, lors des interventions retransmises publiquement, certains députés ayant cherché à exploiter la tribune pour la transformer en un tremplin pour leur campagne électorale, de l'aveu même d'un député du bloc joumblattiste, Élie Aoun.
L'ancien Premier ministre Nagib Mikati a critiqué le projet débattu, estimant que ce document n'identifie pas les sources de dilapidation de fonds et de corruption, et ne détermine pas les réformes à adopter. « Je crains que si la situation actuelle perdure, nous n'allions vers une vraie crise », a-t-il dit.

D'autres parlementaires l'ont relayé sur ce dernier point, mettant en garde contre un scénario proche de celui qu'a connu la Grèce. Considérant, pour sa part, le vote du budget comme « essentiel », le député Ali Fayad, du Hezbollah, a admis qu'il « ne résoudra pas la crise économique dont souffre le pays ».
Les échanges, qui ont peu porté sur la loi du budget à proprement parler, ont été l'occasion pour se livrer à des règlements de comptes politiques entre des alliés difficiles.

Dans une tentative de renvoyer la balle dans le camp du ministre des Finances (Amal), Ali Hassan Khalil, le président de la commission parlementaire des Finances et du Budget, Ibrahim Kanaan (CPL), a critiqué le projet de budget que sa commission a finalement adopté avant de le renvoyer au Parlement. Après avoir regretté un retard de sept mois dans la préparation du projet, M. Kanaan a estimé, en lisant le rapport de la commission qu'il préside, que celui-ci n'était « pas global, comme le prévoit la Constitution (...) », comprendre qu'il y manquait les comptes financiers. « Nous demandons au gouvernement de nous expliquer les causes de cela et ce qu'il compte faire », a ajouté le député, en rappelant en substance que la commission aurait pu mieux faire si le projet était parvenu dans les délais constitutionnels.

 

(Lire aussi : Grille des salaires : Las d'attendre, les enseignants du privé se préparent à la grève)

 

La BDL pointée du doigt
C'est toutefois l'intervention de Georges Adwan, député FL du Chouf, qui a suscité l'émoi, perturbant une séance marquée par une platitude surprenante par rapport au sérieux du projet débattu.

Rappelant que le gros du budget (70 %) était dépensé sur « les salaires des fonctionnaires publics, le secteur continuellement déficitaire de l'électricité et le service de la dette publique », M. Adwan a dénoncé pêle-mêle, exemples à l'appui, le clientélisme qui gangrène la fonction publique, la dilapidation et la corruption rampante, autant de pratiques qui contribuent à grever le Trésor. Le député, qui a reconnu la responsabilité du Parlement autant que du gouvernement dans le déficit de l'État, a condamné au passage le recrutement de 23 000 nouveaux fonctionnaires par l'administration. Il faut arrêter les « dépenses injustifiées et mettre un terme à la dilapidation », a-t-il préconisé, en pointant du doigt le marché des navires-centrales que les FL n'ont cessé de dénoncer. M. Adwan a également créé la surprise en accusant ouvertement la Banque centrale de pratiquer, à son niveau, l'évasion fiscale. « Il est choquant de savoir que les recettes de la Banque du Liban sont de 61 milliards de livres et que nous avons 27 milliards de bons de Trésor », a affirmé le député des FL. « La BDL est obligée de payer un milliard de dollars au Trésor des gains générés par ces bons, a-t-il ajouté. Où est le contrôle ? Il n'existe pas parce que la BDL a des relations plus grandes que n'importe qui alors que nous sommes occupés à trouver de nouvelles taxes », a déploré le député.

Sans attendre, le gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, a répondu via la LBCI aux propos de M. Adwan. « Pas une année ne passe sans que la BDL ne présente son bilan arrêté et ne paie ce qu'elle doit à l'État conformément à la loi. » Il a également indiqué que « les comptes de la BDL sont contrôlés par deux sociétés internationales non liées à la BDL ».

 

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commentaires (5)

23000 nouveaux fonctionnaires pour l'administration, dont probablement une grande partie appartenant à AMAL et au HEZBOLLAH, pour aider les milliers d'autres qui ne foutent déjà rien ? Voilà un "exploit" digne de nos "gouvernants" ! Irène Saïd

Irene Said

12 h 47, le 18 octobre 2017

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Commentaires (5)

  • 23000 nouveaux fonctionnaires pour l'administration, dont probablement une grande partie appartenant à AMAL et au HEZBOLLAH, pour aider les milliers d'autres qui ne foutent déjà rien ? Voilà un "exploit" digne de nos "gouvernants" ! Irène Saïd

    Irene Said

    12 h 47, le 18 octobre 2017

  • - GRANDE GAFFE QUE D,ATTAQUER LA BDL ! - QUAND AU GIGANTESQUE NOMBRE DES FAINEANTS DU SECTEUR PUBLIC... AUX DIPLOMES PAS PLUS QU,UNE CARTE DE VISITE ET D,INTRODUCTION DES ZAIMS... JE NE FAIS QUE REPETER QU,IL FAUT L,ASSAINNIR EN LE REDUISANT PLUS QUE DE MOITIE ! A NOTER QUE LA MEME PRATIQUE D,EMBAUCHEMENT ADOPTEE PAR LA GRECE L,A MENEE AU BORD DE LA FAILLITE !!! - QUAND AUX EPAVES TURQUES... DONT ON VEUT AUGMENTER LE NOMBRE ET DONT LE LOUAGE EST ASTRONOMIQUE... C,EST TOUT SIMPLEMENT DE L,ARGENT JETTE PAR LA FENETRE A CAUSE DE LA LATTA !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 51, le 18 octobre 2017

  • Toutes les forces vives du pays doivent unir leurs voix à la recherche des solutions viables pour sauver l'économie libanaise. On en est très loin...

    Sarkis Serge Tateossian

    09 h 44, le 18 octobre 2017

  • Affirmation époustouflante de M. Nagib Mikati : "...je crains...que nous n'allions vers une vraie crise..." Mais, Monsieur Nagib Mikati, notre pays est déjà plongé dans une vraie crise...de par votre faute à vous, MESSIEURS, qui avez TOUS fait partie du gouvernement depuis 2009 ! Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 44, le 18 octobre 2017

  • EXPLOIT... IL NE L,EST SUREMENT PAS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 43, le 18 octobre 2017

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