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Moyen Orient et Monde - Irak

Haïdar el-Abadi proclame la victoire sur l’EI à Tal Afar

Après la libération de la capitale irakienne de l'EI le 10 juillet dernier, la reprise de la ville marque un nouveau revers pour le groupe.

Un char du Hachd al-Chaabi retiré de Tal Afar après l’annonce du Premier ministre irakien, Haider el-Abadi, hier. Ahmad aL-RUBAYE/AFP

« Tal Afar a été libérée », a annoncé hier le Premier ministre irakien Haïdar el-Abadi, commandant en chef des forces armées du pays, par la voie d'un communiqué. « Tal Afar, la résistante, a rejoint Mossoul, la ville libre, et retrouvé sa place dans le territoire national », a-t-il poursuivi. « Nous disons aux combattants de l'État islamique : où que vous soyez, nous venons à vous et vous n'avez pas d'autre choix que de vous rendre ou de mourir », a poursuivi M. Abadi. Les responsables irakiens assuraient que la victoire interviendra avant la fête musulmane de l'Adha. C'est chose faite, alors que les célébrations en Irak commencent aujourd'hui pour les sunnites et demain pour les chiites.

La reconquête de Tal Afar, et par conséquent celle de la plaine de Ninive, marque une victoire-clé des forces irakiennes, appuyées par une coalition internationale menée par les États-Unis, contre le groupe jihadiste État islamique. « On assiste aujourd'hui à une inversion du rapport de force », précise Myriam Benraad, professeure assistante en sciences politiques à l'Université de Leyde et auteure de L'État islamique pris aux mots, aux éditions Armand Colin. La libération de la totalité de la province septentrionale de Ninive est un nouveau revers pour le groupe terroriste, qui « met fin, dans les faits, à la présence militaire de l'EI dans le nord de l'Irak », indiquait la semaine dernière le général britannique Rupert Jones, commandant en second de la coalition. La rapidité de la bataille, lancée par des forces à peine sorties de neuf longs mois de guérilla meurtrière dans les rues de Mossoul, est « un signe positif », estime le commandant en second des forces aériennes de la coalition Andrew A. Croft. « C'est un résultat qui prouve que les forces irakiennes sont capables d'affronter l'EI, que la stratégie de la coalition a marché », dit-il.

 

(Lire aussi : Au front de Tal Afar, des pains de glace pour faire retomber la fièvre des combats)

 

« Pas d'autre choix »
Avant de proclamer leur victoire totale dans l'offensive contre l'EI dans ce secteur, les forces irakiennes attendaient que la petite ville d'al-Aïadia, située à onze kilomètres au nord-ouest de Tal Afar, soit elle aussi reprise. Les unités de l'armée du pays et de la police fédérale, appuyées par des milices chiites, ont reconquis cette localité, hier, après plusieurs jours de combats plus acharnés que prévu, ont déclaré à Reuters des officiers de l'armée. Les jihadistes avaient déjà cédé Tal Afar, il y a quelques jours, et s'étaient retranchés dans cette petite ville, où on pouvait en dénombrer « entre 1 000 et 1 400 », d'après le brigadier général Andrew A. Croft, qui estime entre 600 et 700 le nombre de combattants de l'EI éliminés lors de la bataille de Tal Afar, tandis qu'une autre centaine se serait rendue.

Pourtant, si la coalition a félicité les forces irakiennes dans un communiqué pour leur « superbe victoire », elle a toutefois souligné que la mission n'était pas totalement terminée à Tal Afar. « Un dangereux travail de nettoyage de tous les engins explosifs subsiste, ainsi que l'identification des combattants de l'EI en fuite et l'élimination des derniers éléments de résistance jihadistes qui resteraient », assure le communiqué. Un défi auquel le gouvernement irakien va devoir répondre rapidement. « On est dans l'urgence face aux solutions que Bagdad va mettre en place après avoir éliminé les dernières poches jihadistes. Comment faire revenir à la vie civile ceux qui avaient fait le choix de l'EI un temps ? » s'interroge la chercheuse.

 

(Lire aussi : Au pied de la citadelle de Tal Afar, le "selfie de la victoire")

 

Sur le territoire du « califat » autoproclamé à l'été 2014 par l'EI, à cheval entre l'Irak et la Syrie, Tal Afar n'est ni aussi grande ni aussi symbolique que Mossoul, mais sa reprise permet aux autorités irakiennes et à la coalition internationale de rendre encore plus difficile tout passage d'armes et de jihadistes entre les pays voisins.

Comme Mossoul, Tal Afar avait été prise par l'EI en juin 2014 lors de sa progression fulgurante qui lui avait permis de conquérir jusqu'à près d'un tiers du territoire irakien. Comme Mossoul début juillet, Tal Afar a été libérée de la présence jihadiste après une offensive – beaucoup plus rapide néanmoins puisque de douze jours seulement – menée par les forces gouvernementales, ne laissant désormais aux mains du groupe terroriste plus qu'une ville au nord de Bagdad et trois localités du désert frontalier de la Syrie, soit environ 10 % du pays, selon la coalition.

Après Tikrit en 2015, Ramadi, ville située à une centaine de kilomètres à l'ouest de Bagdad, reprise aux mains de l'EI en 2016, et quelques mois plus tard Fallouja, une localité voisine faisant partie des premières villes capturées par le groupe terroriste, la reprise de Mossoul par les forces gouvernementales au terme de neuf mois de combats intenses semble avoir « profondément déstabilisé et moralement éreinté » les jihadistes, a déclaré à l'AFP un responsable militaire au sein de la coalition. Fortes de leurs succès consécutifs, les forces irakiennes vont désormais s'attaquer aux deux poches jihadistes restantes dans le pays. Si la reprise d'Hawija, située à environ 300 kilomètres au nord de Bagdad, s'annonce moins aisée, ce combat sera assurément une priorité.

 

(Lire aussi : Dans les camps autour de Tal Afar, "on attend" les déplacés)

 

Impact en Syrie
Mais sa reconquête est compliquée par les différends qui opposent le gouvernement fédéral à Bagdad et la région autonome du Kurdistan irakien dans la province de Kirkouk. « L'opération (de reprise) a été retardée », a ainsi indiqué le général Halgurd Hikmat, porte-parole des peshmergas, les combattants kurdes qui ont notamment participé à la reconquête de Mossoul, et Bagdad se trouve devant un rendez-vous qui pourrait peser sur la décision : le référendum kurde sur l'indépendance prévu le 25 septembre. La « promesse (faite) au peuple est de poursuivre avec détermination la libération de chaque pouce du territoire irakien », a déclaré hier M. Abadi, un engagement qui devra donc peut-être patienter.

L'offensive antijihadistes menée en Irak pourrait, en outre, avoir un certain impact sur la Syrie voisine. « L'objectif est d'encercler l'EI. L'idée est de rétablir la frontière irako-syrienne qui est gommée pour le moment, afin de faire en sorte d'asphyxier ce groupe », affirme Mme Benraad. La reconquête totale de la province de Ninive pourrait permettre à la coalition d'accentuer la pression sur l'EI en Syrie, les jihadistes étant encore présents en Irak à al-Qaïm, Rawa et Annadans, trois localités de l'Ouest désertique frontalier de la Syrie. Si la reprise de ces zones proches des provinces de Deir ez-Zor et de Raqqa s'annonce périlleuse, l'EI sous le feu des combattants arabes et kurdes soutenus par la coalition dans son bastion urbain de Raqqa recule actuellement face aux troupes du régime dans des zones désertiques s'étendant du centre du pays à la frontière avec l'Irak. En cause, la perte de milliers de combattants et la réduction des contingents de jihadistes étrangers que le groupe terroriste semble peiner à compenser.

 

 

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Les enjeux de la bataille de Tal Afar

« Tal Afar a été libérée », a annoncé hier le Premier ministre irakien Haïdar el-Abadi, commandant en chef des forces armées du pays, par la voie d'un communiqué. « Tal Afar, la résistante, a rejoint Mossoul, la ville libre, et retrouvé sa place dans le territoire national », a-t-il poursuivi. « Nous disons aux combattants de l'État islamique : où que vous soyez, nous...

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