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Liban - Parlement

Place de l’Étoile, les marques d’une régression démocratique

Le président de la Chambre a levé la séance nocturne, faute de quorum, au terme d’une heure de débats sur des points de l’ordre du jour. Photo Nasser Trabulsi

Le Parlement a renvoyé hier une image plus dynamique que d'habitude, comme pour inaugurer « le chantier permanent » dont le président de la Chambre, Nabih Berry, a fait l'annonce en projetant des séances à fréquence hebdomadaire.

Mais les réformes substantielles approuvées lors de la séance matinale ont indirectement révélé des signes de régression de l'économie, mais aussi de la démocratie au Liban. Le tout couronné par la catastrophe à venir annoncée par le député Akram Chéhayeb, qui a formulé sa « dernière » mise en garde contre un retour de la crise des déchets dans les prochains mois.

 

Les PPP
Le projet de loi sur les partenariats public-privé (PPP) a été voté, après sept années d'attente, non sans que les députés s'en félicitent. « C'est l'une des lois les plus importantes », a déclaré solennellement M. Berry, avant que des députés ne se pressent pour renchérir dans ce sens. Le député Boutros Harb a cité Yassine Jaber, absent de la séance, pour rappeler que ce projet permettra à l'État d'économiser « des milliards de livres libanaises ». S'il n'avait pas été écourté, le débat aurait déclenché d'interminables surenchères sur les mérites du projet. Seul un amendement de pure forme sera fait, sur proposition du chef du bloc du Futur Fouad Siniora (voir par ailleurs). Le Premier ministre, Saad Hariri, est monté entre-temps vers la tribune du président de la Chambre pour un aparté, mais a refusé ensuite de prendre la parole lorsque ce dernier lui a demandé de « faire part de ses remarques ». Ce qui compte, en somme, serait que le gouvernement n'a plus d'autre choix que de recourir aux PPP, à l'heure où les deniers publics sont épuisés. « Je vous le dis franchement, nous n'avons plus d'argent » : cet aveu de faillite a émané hier du chef du gouvernement lui-même, pour rejeter, « indépendamment de sa pertinence », un projet de loi qui prévoit que les contractuels de l'administration publique (environ 4 500 selon le ministère des Finances) puissent bénéficier d'indemnisations de fin de service au même titre que les titulaires. Il a donc été convenu de suspendre l'examen de ce point pour un mois, le temps que les sous-commissions achèvent leur travail sur l'assurance-vieillesse, un projet général devant éviter à l'État de concéder chroniquement des exceptions souvent coûteuses liées aux contractuels.

 

(Lire aussi : Hajj Hassan et Zeayter à Damas « en mission officielle »)

 

L'article 522 du code pénal
Sur le plan de la culture démocratique, les mêmes signes de faillite ont transparu, même si l'approbation hier d'un projet de protection des animaux a quelque peu éclairé le tableau.
Il n'est pas sûr en effet que l'abrogation de l'article 522 du code pénal marque une réelle avancée législative. L'annulation de la dépénalisation du viol en cas de mariage a en effet été assortie de deux exceptions, limitées aux victimes mineures de 15 à 18 ans : le cas d'une relation sexuelle « consentie » et le cas d'un rapport non consenti mais avec promesse de mariage. Le risque est que ces exceptions non seulement dénaturent la réforme, mais la transforment en remède pire que le mal. Les parlementaires étaient très divisés hier sur la question.

Le député Élie Keyrouz, auteur de la proposition d'abolir l'article 522, s'est élevé contre les deux exceptions qui y ont été introduites par la commission de l'Administration et de la Justice. « Cette loi ne représente pas mon ambition d'abolir l'article 522 », a-t-il déclaré, relayé par le ministre d'État aux Droits de la femme, Jean Oghassabian. Le député Alain Aoun s'est étonné du paradoxe d'évaluer le consentement d'un mineur à un acte sexuel, pour ensuite consacrer un mariage qui serait approuvé par son tuteur.
D'ailleurs, la confusion entre le viol et l'acte sexuel a été relevée à plusieurs reprises, la distinction étant souvent difficile à établir, surtout pour des mineures séduites par une fausse promesse de mariage. Mais « le plus dangereux » reste que, par ces exceptions, « le mariage des mineures », prévu uniquement par les statuts personnels de certaines communautés, soit, « pour la première fois, légalisé par le droit commun », a souligné Samy Gemayel, contredit sur ce point par le député Imad el-Hout, de la Jamaa islamiya, soutenu par Samir Jisr dans ses références aux mœurs locales.

 

(Lire aussi : Abrogation de l'article 522 : un exploit ?)

 

Mais la députée Gilberte Zouein a aussitôt percé son silence habituel en rappelant que la Jordanie avait la veille approuvé un texte similaire, sans prévoir d'exceptions. « La Jordanie est-elle composée de 18 confessions ? » lui a demandé doucement le président de la Chambre, dans une allusion à peine voilée à l'influence exercée par les communautés sur le travail du législateur. Une influence dont les députés du Hezbollah ne se sont pas cachés. « Les amendements approuvés en commission n'empiètent pas sur les statuts personnels, chasse gardée de chaque communauté en vertu de la Constitution. Et absolument loin de nous l'idée de changer cet état des lieux », a déclaré le député Nawar Sahili, avant que son collègue Ali Ammar ne prenne la relève. « En tant que musulmans, nous ne sommes pas prêts à concéder un iota de notre statut personnel », a-t-il dit, en faisant ensuite l'éloge du législateur civil qui a abrogé l'article 522 sans affecter les statuts personnels. De la même manière qu'il avait, deux ans auparavant, « réussi à transformer le projet de protection de la femme contre la violence conjugale en projet de protection de la famille contre la violence domestique ». Pour rappel, la loi contre la violence domestique est considérée par des ONG comme dénaturant la loi contre la violence conjugale.

 

(Lire aussi : Place Riad el-Solh, les enseignants ont haussé le ton face aux atermoiements du gouvernement)

 

L'État policier et la torture
Le risque d'un glissement vers un système de plus en plus confessionnel accompagne le dérapage vers l'État policier, sous l'égide du Hezbollah. Un dérapage révélé par le débat, lors de la séance nocturne, autour de la proposition de pénalisation de la torture, présentée par Ghassan Moukheiber. « C'est la gifle assénée par les renseignements des FSI et de l'armée et la gifle de la Sûreté générale » qui ont prémuni le Liban contre le terrorisme, a déclaré Ali Ammar, relayé par M. Oghassabian, pour qui « la torture n'est pas exercée sur des élèves des sœurs de Besançon ». Et Hassan Fadlallah d'affirmer, en allusion à la Convention contre la torture dont le Liban est signataire : « Nous ne légiférons pas en fonction des directives étrangères. » Pour le Hezbollah, une loi contre la torture porterait atteinte au moral de l'armée libanaise, et à l'autonomie du tribunal militaire. Et Walid al-Sukkariya de faire valoir « la primauté absolue de la sécurité nationale sur les droits de l'homme ». Ce qu'Antoine Zahra et Ahmad Fatfat ont contesté, le second évoquant le souvenir de la séance d'amendement du code de procédure pénale en août 2001, à l'époque de la tutelle syrienne.

 

(Lire aussi : Abrogation, dites-vous ?)

 

La grille des salaires
Ce débat a été presque jusqu'à faire oublier le report de l'examen, prévu hier, des amendements aux deux lois sur la nouvelle grille salariale et sur les taxes devant la financer. Ces amendements devront attendre la publication de ces deux textes dans le Journal officiel, puisque « pour amender une loi, encore faut-il qu'elle soit publiée », a expliqué aux journalistes le député Nawar Sahili avant le début de la séance. Le chef du législatif avait donné le ton, en annonçant que « l'examen des amendements n'aura pas lieu avant que le président de la République ne signe le décret de promulgation ».

Pourtant, une révision de ces deux textes avant leur promulgation aurait été possible, si le président de la République, Michel Aoun, avait décidé de les renvoyer au Parlement, plutôt que de les promulguer. Mais ce renvoi n'aurait pas été sans entacher le consensus politique obtenu un mois plus tôt autour de la grille salariale et son financement. La réunion tripartite, entre Nabih Berry et les députés Ibrahim Kanaan et Georges Adwan, avant la séance matinale, a confirmé la volonté d'uniformiser la position du pouvoir sur le dossier de la grille et des taxes y relatives.

Cela ne retiendra pas toutefois le député Nicolas Fattouche de lancer une pointe au chef de l'État, en saluant Nabih Berry pour sa décision de ne pas assister au dialogue socioéconomique qui s'était tenu la veille à Baabda. L'absence de M. Berry aurait servi à rappeler « la souveraineté du Parlement », selon lui. C'est pourtant au nom de « la souveraineté du Parlement » que la proposition de Nehmetallah Abi Nasr d'établir un second mohafazat au Mont-Liban pour les cazas du Kesrouan et de Jbeil a été approuvée, sachant que le découpage administratif fait partie des points fondamentaux qui exigent un vote aux deux tiers en Conseil des ministres, au cas où ils sont soumis à son examen.

 

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commentaires (7)

LE DEMOCRATIE ? MORTE ET INHUMEE ! IL N,EN RESTE QUE LE NOM... L,ABRUTISSEMENT ET LA COMBINE DEUX MAITRES INCONTESTABLES DANS LA GROTTE ALIBABIQUE...

LA LIBRE EXPRESSION

20 h 18, le 17 août 2017

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Commentaires (7)

  • LE DEMOCRATIE ? MORTE ET INHUMEE ! IL N,EN RESTE QUE LE NOM... L,ABRUTISSEMENT ET LA COMBINE DEUX MAITRES INCONTESTABLES DANS LA GROTTE ALIBABIQUE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    20 h 18, le 17 août 2017

  • C'est pas tout à fait vrai. C'est même faux.

    FRIK-A-FRAK

    15 h 54, le 17 août 2017

  • Monsieur Nabih Berry, Vous vous abritez derrière le paravent des 18 confessions qui composent le Liban...pour justifier le maintien en partie de l'article 522...mais deux seulement de ces 18 confessions continuent de considérer la femme comme un être inférieur ! La preuve, ces 2 confessions acceptent qu'une fillette mineure soit victime d'une "relation sexuelle consentie ou non-consentie" etc. etc. pour une quantité de raisons invoquées par ses représentants d'un autre monde et d'une autre époque ! Le Liban...un pays moderne et démocratique ? Irène Saïd

    Irene Said

    14 h 55, le 17 août 2017

  • J'ai omis de définir caza et mohafazat en français : Caza est sous-préfecture, mohafazat est préfecture. Dont acte.

    Un Libanais

    12 h 24, le 17 août 2017

  • A la proposition de Neemtallah Abi-Nasr, député du Kesrouan, le Parlement a voté un projet de détacher les cazas* du Kesrouan et de Jbeil du mohafazat** du Mont-Liban afin de créer un nouveau mohafazat Kesrouan-Jbeil. Je ne comprend pas les intentions qui se cachent derrière cet étrange et discutable projet que je juge complètement inutile. Je rappelle que Neemtallah Abi-Nasr est l'un des cinq députés kesrouanais qui avaient boycotté le Parlement durant 29 mois tout en continuant à percevoir illégalement leurs salaires. Je souhaiterais qu'il rembourse au Trésor de l'Etat l'argent perçu indûment avant de détacher le Kesrouan du Mont-Liban. Jadis, dans les années 50, le député et tribun du Bloc National, Georges Akl, député du Chouf (Damour) était fier de revendiquer le titre de "Député du Mont-Liban" au lieu de député du Chouf.

    Un Libanais

    12 h 00, le 17 août 2017

  • Messieurs les défenseurs "musulmans du statut personnel" vous nous donnez envie de vomir de dégout et de honte ! Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 35, le 17 août 2017

  • Juste envie de vomir

    ayda ka

    09 h 23, le 17 août 2017

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