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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Quand le réformateur Rohani cède face aux conservateurs

Aucune femme ne figure sur la liste du nouveau gouvernement du président iranien, présenté hier au Parlement.

Le président iranien Hassan Rohani lors d’une allocution à Téhéran le 5 août. Atta Kenare/AFP

Le nouveau gouvernement iranien fait grincer des dents. Contrairement à ses promesses de campagne, avant sa réélection à la présidence en mai dernier, le président Hassan Rohani, qui a présenté hier au Parlement 17 des 18 membres de son prochain gouvernement – sans le nom de la personne proposée pour le ministère de l'Éducation supérieure – ne présente pas de femmes, ni de sunnites – minorité à laquelle appartient 10 % de la population iranienne – et un seul jeune aux postes ministériels. Les tensions internes, déjà fortes, semblent à l'origine de ces choix.

Les réactions ne se sont pas fait attendre et les critiques se sont multipliées contre M. Rohani. « Félicitations pour la nomination massive de sunnites, de femmes et de jeunes dans le gouvernement », a ironisé dans un tweet Hossein Dehbashi, un homme politique actif dans la campagne de M. Rohani en 2013 mais qui a multiplié les critiques ces dernières années contre lui. De son côté, Mohammad Karoubi, fils de Mehdi Karoubi, l'un des leaders de l'opposition en résidence surveillée depuis six ans, écrivait, lui aussi sur Twitter : « Le message de la population lors des deux dernières élections ne se reflète que très peu dans le gouvernement proposé. » Même le premier vice-président iranien, Eshagh Jahanguiri, qui a été reconduit hier à son poste, a affirmé dans un tweet qu'il « faut augmenter la part des femmes, des minorités et des jeunes dans les postes de responsabilité ».

Ironiquement, la seule femme ministre en Iran depuis la révolution de 1979 fut nommée par Mahmoud Ahmadinejad, le prédécesseur ultraconservateur de Hassan Rohani, et ce fut Marzieh Dastjerdi, ministre de la Santé entre 2009 et 2013.

Les réformateurs avaient aussi réclamé un rajeunissement du cabinet, alors que le gouvernement sortant était le plus vieux depuis 1979. Certes, le nouveau ministre des Télécommunications et de la Technologie, Mohammad Javad Azari Jahromi, est âgé de seulement 36 ans, ce qui fait de lui le plus jeune ministre du gouvernement. La moyenne d'âge de la nouvelle équipe ministérielle est toutefois de 58 ans, contre 57 pour le gouvernement sortant, selon l'agence FARS.

« C'est un gouvernement qui est très loin de plaire aux 24 millions d'Iraniens, soit 57 % de la population, qui ont voté pour M. Rohani », commente Mohammad Reza Djalili*, professeur émérite de l'Institut des hautes études internationales et du développement à Genève, qui qualifie cette liste de gouvernement de « déception ».

 

(Lire aussi : Fragilisé, l’accord sur le nucléaire tient toujours)

 

Mêmes ministres, ou presque
Car le nouveau gouvernement compte peu de changements. Le ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, et le ministre du Pétrole, Bijan Namdar Zanganeh, conservent leurs postes. Massoud Karbassian, actuellement vice-ministre, remplace Ali Tayyebnia à la tête du ministère de l'Économie.

Certains observateurs soulignent le départ de Hossein Dehghan du ministère de la Défense et son remplacement par son adjoint le général Amir Hatami, issu – pour la première fois en 20 ans – de l'armée régulière et non des Gardiens de la révolution, son corps d'élite. Sauf que le général Hatami, avant d'intégrer l' « Artesh » (armée nationale iranienne), faisait partie des... Gardiens de la révolution et a participé à la guerre Iran-Irak. Les ministres de la Défense, des Renseignements et des Affaires étrangères sont en outre nommés en coordination avec le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei.

Pourquoi Hassan Rohani n'a-t-il pas respecté ses promesses de campagne ? Il essaie très probablement de s'assurer le soutien des conservateurs, alors que ces derniers temps la scène politique locale était de plus en plus clivée, dans un contexte de tensions particulièrement intenses avec l'administration du président américain Donald Trump. Les conservateurs, justement, refusent l'entrée de femmes au gouvernement. « Il veut tenter d'avoir un soutien assez vaste à l'intérieur même du sérail islamiste qui dirige le pays et tente d'éviter toute confrontation avec la frange conservatrice de la classe politique iranienne, pour avoir une position plus forte politiquement », avance M. Djalili.

En attendant, chaque ministre devra obtenir individuellement la confiance du Parlement, qui commencera à voter dans une semaine. Un député a déjà affirmé que « trois ministres n'obtiendront pas la confiance », ont rapporté les médias iraniens, sans plus de précisions. Il faut donc s'attendre à de longues négociations, qui pourraient donner lieu à des changements de nominations.

 

* Auteur de « L'histoire de l'Iran contemporain » avec Thierry Kellner aux éditions La Découverte (2017)

 

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Le nouveau gouvernement iranien fait grincer des dents. Contrairement à ses promesses de campagne, avant sa réélection à la présidence en mai dernier, le président Hassan Rohani, qui a présenté hier au Parlement 17 des 18 membres de son prochain gouvernement – sans le nom de la personne proposée pour le ministère de l'Éducation supérieure – ne présente pas de femmes, ni de...

commentaires (3)

L,UNE DES DEUX FACES DE LA MEME MONNAIE...

MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

18 h 04, le 09 août 2017

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Commentaires (3)

  • L,UNE DES DEUX FACES DE LA MEME MONNAIE...

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    18 h 04, le 09 août 2017

  • Et c'est ce pays-là que beaucoup de moutons-suiveurs-bêleurs chez nous prennent comme exemple ! Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 23, le 09 août 2017

  • Excellent modelé de démocratie digne du 21eme et bien au-delà... Bien sûr le bureau local d Ebola nous y conduit gaiement... Merci au nom de nos générations futures...

    Wlek Sanferlou

    06 h 40, le 09 août 2017

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