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Liban - Le portrait de la semaine

Robert Sacy, l’ange gardien des petits enfants malades

Dès son jeune âge, le pédiatre a consacré l'essentiel de son temps au service des tout-petits.

Robert Sacy, un homme qui travaille sur plusieurs fronts à la fois.

Il a 66 ans, mais il affirme avoir toujours l'âme d'un enfant. Robert Sacy, professeur de pédiatrie, néonatalogie et réanimation pédiatrique, a consacré l'essentiel de sa vie au service de l'enfant, aussi bien dans le cadre du scoutisme que dans sa vie professionnelle. Adolescent, il s'occupait déjà des plus petits en tant que chef de louveteaux et, plus tard, au sein d'un groupe social qui organisait des colonies de vacances. Jeune adulte, il a décidé de se présenter à la faculté de médecine. Il savait déjà qu'il serait pédiatre. « C'était soit la pédiatrie, soit une discipline classique du genre sciences économiques ou business », se souvient Robert Sacy.

Installé dans la salle de conférences de l'association Assameh/Birth and Beyond dans l'aile pédiatrique de l'hôpital de la Quarantaine, Robert Sacy revient – difficilement – sur les grandes étapes de son parcours. « C'est bizarre, je n'aime pas parler de moi », lance-t-il, le sourire candide, dont il ne se démarque pas, lui illuminant le visage. Cette phrase va d'ailleurs ponctuer la plus grande partie de la rencontre.

« Je me suis occupé de plusieurs choses durant ma vie, poursuit Robert Sacy. J'ai créé le rallye du Liban en 1973 et nous avons réussi à en faire l'événement le plus important du championnat du rallye du Moyen-Orient. Nous étions même candidats à être au championnat du monde, mais pour des raisons géopolitiques et géostratégiques, nous ne pouvions pas organiser un championnat dans un pays qui interdit l'entrée dans ses territoires à certaines nationalités. Quoi qu'il en soit, nous étions certainement le meilleur rallye du Moyen-Orient. »

 

« Aller plus haut que ses rêves »
Sur le plan professionnel, Robert Sacy est trésorier de l'Union des sociétés de pédiatrie du Moyen-Orient et de la Méditerranée. Il a également été président de la Société libanaise de pédiatrie et de la Société libanaise de médecine périnatale qu'il a lui-même créée en 1988, « la première au Moyen-Orient ». Pendant plusieurs années, il a été à la tête du service de soins pédiatriques de l'hôpital Saint-Georges des grecs-orthodoxes. « Nous nous sommes toujours confrontés au problème majeur de devoir refuser des patients faute de place et de moyens financiers », ajoute-t-il. Pour parer au problème, il a d'abord commencé par créer Cap-Ho (Comité d'aide pédiatrique dans les hôpitaux) en 1995, avec un groupe de femmes volontaires. Au fil des ans, cette association a couvert les frais d'hospitalisation – dans certains cas, Cap-Ho intervient même en dehors de l'hôpital – de milliers d'enfants.

Mais cela ne suffisait pas à ce médecin que rien ne semble pouvoir arrêter. « Arrivé à un âge où je suis toujours jeune, avec pas mal de cheveux blancs », Robert Sacy s'est lancé, il y a quelques années, dans un nouveau projet. Celui de créer un service pédiatrique spécialisé « qui soit à proximité de l'hôpital Saint-Georges pour pouvoir bénéficier des médecins, des ambulances, des services techniques, etc. », s'armant à cet effet de sa devise : « Il faut toujours essayer d'aller au bout de ses rêves, plus haut que ses rêves, même s'ils sont complètement fous. » Grâce à la contribution de la Fondation Carlos Slim et de nombreux autres donateurs, notamment la famille de Chafic Ayoub et Philippe Hélou, une aile pédiatrique a vu le jour en octobre 2016 à l'hôpital de la Quarantaine. Elle est chapeautée par l'Association d'aide à la mère et à l'enfant à l'hôpital (Assameh/Birth and Beyond). « Au début, on me traitait de fou », confie-t-il, son regard bleu perçant et amusé parcourant rapidement la salle de conférences. « Personne ne croyait que j'allais réussir », insiste-t-il encore.

Entre deux coups de fil et deux pointes échangées avec Abboud Chami, volontaire à Assameh, qui explique que le pédiatre « est sur plusieurs fronts à la fois », « qu'il s'embarque dans des projets totalement fous, mais qu'il remporte le défi à chaque fois », Robert Sacy rétorque : « L'important, c'est d'être productif et j'essaie de l'être. C'est tout. J'ai une qualité, celle de savoir organiser le travail des autres. Je pense aussi avoir assez de charisme pour convaincre les gens de travailler avec moi. D'ailleurs, depuis que j'ai créé Assameh, peu de gens ont refusé de m'aider. Ceux qui le font la première fois finissent par revenir. Je pense que c'est la cause des enfants. Personne ne peut rien leur refuser. »

 

« Ne jamais perdre l'espoir »
Passionné par son travail, croquant la vie à pleines dents, débordant d'énergie et d'optimisme, Robert Sacy a laissé son empreinte sur de nombreuses personnes aux quatre coins du pays. « Nous organisons des excursions dans différentes régions lointaines du Liban, raconte-t-il. À chaque fois, je rencontre des gens qui me disent que j'ai sauvé la vie de leur enfant. C'est quelque chose de très gratifiant. Toutefois, la mort d'un enfant m'attriste toujours. »

L'histoire qui continue toutefois à le marquer le plus, plusieurs décennies plus tard, reste celle de cet enfant qu'il a eu à soigner d'une méningococcémie fulminante, peu de temps après son retour de France. « J'ai passé une semaine au chevet d'un enfant que je croyais avoir sauvé, se souvient-il. J'étais très content. Je dormais presque dans son lit. Mais à partir du huitième jour, il a commencé à faire des nécroses des extrémités et on a dû l'amputer des deux mains et des deux jambes. Je me suis posé des questions. Je me disais que j'aurais dû le laisser mourir, que c'était horrible de le laisser dans cette situation. » C'était durant la guerre et Robert Sacy avait perdu l'enfant de vue. Il savait qu'il était pris en charge par Sesobel qui l'avait envoyé en Belgique. « Une semaine avant l'attentat contre May Chidiac, en septembre 2005, je reçois la visite d'un cheikh du Akkar qui me montre la photo d'un jeune qui fait 1,80 mètre, en tenue de football avec un ballon entre les pieds, poursuit-il d'une voix qui trahit une vive émotion. Lui avouant n'avoir pas reconnu l'enfant, il me dit que c'est le gosse qui avait été amputé des quatre membres, qu'il a eu la chance de recevoir des prothèses, qu'il travaillait dans un bureau d'informatique, qu'il avait son appartement et sa voiture... La sœur du jeune homme m'a demandé s'il pouvait entrer en contact avec moi. Il m'a écrit "la vie est parfois lourde à porter sur mes jambes, mais elle est belle"... Comme quoi, il ne faut jamais perdre espoir. Il faut toujours lutter. »

De quoi rêve-t-il encore ? « Laissez-moi finir ce projet avant », répond le pédiatre, en riant. « À la demande de la Fondation Carlos Slim, nous avions pour projet de créer des services similaires dans tous les hôpitaux gouvernementaux, reprend-il. Le financement n'a pas suivi. Actuellement, nous nous limitons à la Quarantaine. Mon but est de développer au maximum cet hôpital pour en faire un service d'excellence dans tout ce qui concerne les soins pour l'enfant. Nous voudrions aussi développer cet hôpital et créer des services spécialisés. Nous essayons aussi de créer une polyclinique externe qui soit un pôle d'excellence pour pouvoir faire du dépistage et de la prévention, parce qu'il vaut mieux toujours prévenir que guérir. »

 

 

 

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