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Le village préféré des Libanais - 2017 - Le village préféré des Libanais 2017

#3 Beit Chabeb, au son des cloches des églises...

Pour la deuxième année consécutive, les lecteurs de « L'Orient-Le Jour » au Liban et dans le monde voteront pour « Le village préféré des Libanais ». Cette année, dix nouveaux villages sont en lice. Un reportage écrit et une vidéo, chaque jour pendant dix jours, pour vous aider à choisir... Après Anjar et Aqoura, voici Beit Chabeb.

La fabrication des cloches, un artisanat qui perdure. Photo Ranine Bou Chebel Achkar

Incontestablement, c'est le village le mieux préservé du Metn, probablement un des plus beaux du caza. Maisons de pierre blanche aux toits de tuiles rouges, clairsemées dans des bouquets de conifères – chênes, pins et sapins –, Beit Chabeb est situé dans une vallée. Son altitude varie entre 600 et 800 mètres, et ses quartiers, tous ses quartiers, sont reliés entre eux par des escaliers pour épargner aux marcheurs des ruelles trop abruptes.
Connu pour être le village des quatorze églises, Beit Chabeb abrite plusieurs lieux de culte dédiés à la Sainte Vierge, le plus ancien étant l'église Notre-Dame de la Forêt, construite en 1703 et récemment restaurée. Et il y en a d'autres, des églises ou des chapelles, dédiées notamment à saint Antoine, saint Joseph, saint Jean ou saint Élie.
Contrairement à ce que beaucoup pourraient penser, le nom de Beit Chabeb ne puise pas ses origines dans la langue arabe. Selon l'auteur libanais Anis Freiha, ses racines sont syriaques. Beit Chabeb signifierait ainsi La maison des voisins.

 

 

Village traditionnel par excellence, Beit Chabeb comptait jusqu'au XIXe siècle une quarantaine d'artisanats. Trois ont survécu : la fonte de cloches, la poterie et la dima.
Dans son atelier, Naffah Naffah, seul fondeur de cloches du village, a appris le métier à ses deux garçons, aujourd'hui à l'école, mais qui prendront la relève dans l'avenir. C'est au XVIIIe siècle, sous le joug ottoman, que les habitants de Beit Chabeb ont appris à fondre les cloches parce qu'il était devenu difficile, à l'époque, d'en importer d'Europe... Un maître fondeur russe a appris le métier à Youssef Naffah. Et la famille a vite gagné en notoriété dans tout le Moyen-Orient. Naffah Naffah se souvient d'un voyage qu'il avait fait en Palestine avec les moines maronites alors qu'il avait 17 ans, au début des années 80. « J'y ai trouvé une cloche poinçonnée par l'un des ateliers des Naffah à Beit Chabeb et portant l'année de sa fabrication : 1730 », raconte-t-il, un brin de fierté dans la voix. « C'est un métier qui n'enrichit pas, mais qui permet de vivre correctement. Les églises ne remplacent pas souvent leurs cloches. Mais il y a toujours des commandes. Actuellement, j'en ai six, une pour la Jordanie, et le reste pour diverses églises du Liban », dit-il.

 

Arak et amphores
Dans un autre quartier de Beit Chabeb, Fawzi Fakhoury est le dernier potier du village. Pourtant, toute la famille Fakhoury était connue pour ce métier. « Nous sommes originaires de la Békaa, nous sommes arrivés à Beit Chabeb il y a des siècles, amenant avec nous notre artisanat. La qualité de la terre dans le village a aidé aussi », confie-t-il.
« Il fut un temps où les amphores étaient utilisées pour le stockage de toute sorte de liquides. Aujourd'hui, certains nous les commandent pour l'huile et l'arak. Il semble que seules les amphores en poterie fabriquées à Beit Chabeb adoucissent l'âpreté de l'arak », précise Fawzi Fakhoury, montrant son atelier et son immense four traditionnel. Il sait que le métier s'éteindra avec lui. « Je n'ai pas eu de garçon. Ce travail est très physique. Mes filles ne peuvent pas prendre la relève, dit-il. Et puis les temps ont changé, il n'y a plus autant de commandes qu'avant. »


« Pour ne pas perdre cet artisanat, nous avons tenté d'intégrer la poterie au cursus de l'école technique du village, mais le cours n'a intéressé personne », souligne de son côté le président du conseil municipal de Beit Chabeb, Élias el-Achkar. « Je pense que les jeunes ne sont plus intéressés par les métiers fatigants. Et la poterie, comme la fonte des cloches, nécessite un important effort physique », ajoute-t-il.
Élias el-Achkar précise que Beit Chabeb, dont la municipalité regroupe trois localités, le village lui-même ainsi que Chaouyé et Qonaïtra, offre à la jeunesse cinq écoles, dont l'une technique. La localité compte 16 000 à 20 000 habitants, selon les saisons, alors que seulement 7 000 sont inscrits sur les listes électorales.
Cap sur un autre quartier du village, juché sur une toute petite colline, où une multitude d'ateliers sont abandonnés : des espaces immenses qui abritent d'imposantes machines à coudre complètement délabrées. Contrairement à ce que l'on pourrait penser de prime abord, ces lieux n'étaient pas des usines à soie, artisanat complètement disparu du Liban durant les années 50, mais des ateliers à dima, un tissu fabriqué uniquement à Beit Chabeb : du coton robuste à divers motifs et coloris. Cet artisanat s'est malheureusement éteint avec l'ouverture du marché libanais aux produits chinois. Un seul homme continue pourtant de tenir tête : Joseph Anaissé. Il compte ouvrir prochainement un musée et prend toujours des commandes, s'il y en a.

 

Une histoire difficile
L'histoire de Beit Chabeb n'est ni commune ni facile. Ce village du Metn a été incendié à deux reprises, en 1840 et 1846, sous l'Empire ottoman.
« Bien plus tôt, avec la chute des croisés et l'arrivée des Mamelouks, la localité est restée 200 ans déserte », raconte Kamal Nakhlé, enseignant et historien. « Elle a connu quand même des jours prospères, notamment lors de la période ottomane où elle est devenue la capitale de toute une région, regroupant notamment Bickfaya et Qornet el-Hamra », poursuit-il.
C'est la famine et la Première Guerre mondiale qui ont poussé les habitants de Beit Chabeb à partir dans un premier temps en Amérique latine, puis en Afrique.
Les habitants de Beit Chabeb possèdent vingt titres de publication. Parmi eux, une revue intitulée al-Saeh, fondée par Louis Hayek, qui est rentré au bercail après avoir vécu de longues années à l'étranger et pris sa retraite. Aujourd'hui, cet érudit publie seul la revue qu'il distribue à ses connaissances et amis.
On ne se lasse pas de se promener à Beit Chabeb, prendre les escaliers, visiter les églises, admirer les vieilles maisons, qu'elles soient restaurées, préservées ou délabrées.
Beaucoup d'habitants de cette localité du Metn y vivent toute l'année. Simple, elle se trouve à 24 kilomètres de Beyrouth. D'autres viennent en été, quelques-uns de Beyrouth, mais la majorité des pays de l'émigration. Ces derniers participent au développement de leur village et rentrent inévitablement presque chaque été.

Demain : Bhamdoun.

 

 

 

Fiche technique

*Altitude : entre 600 et 800 mètres.
*Nombre d'habitants : 20 000 dont des familles établies à l'étranger.
*Célébrités issues du village : les romanciers et poètes Youssef Habchi el-Achkar, Youssef Ghossoub, Jamil Jabre, Khalil Nakhlé, Farjallah Hayek.
*Président du conseil municipal : Élias el-Achkar.
*Météo : temps agréable en été, froid en hiver.
*Culture : les pêches blanches et les légumes de saison.

 

À ne pas rater

*Le quartier désert des ateliers de tissage de la dima et le musée de la dima.
*La fonderie de cloches de Naffah Naffah.
*L'atelier de poterie de Fawzi Fakhoury.
*Les vieilles rues, maisons et églises du village.

 

Comment y accéder ?


Plusieurs chemins mènent à Beit Chabeb. On peut y accéder à partir de Bickfaya et descendre vers le village, ou on peut remonter à partir de la côte, en passant notamment par Aïn Alak et Aïn Aar.

La spécialité culinaire rapportée par Kamal Mouzawak (Souk el-Tayeb)
À Beit Chabeb, comme dans tous les villages du Mont-Liban, on n'achetait pas le pain. La maman le préparait chaque semaine pour les dix jours à venir. C'était donc du boulot pour une bonne journée, et ce jour-là, il était impossible, faute de temps, de préparer le déjeuner. Il fallait donc nourrir la famille avec ce qu'on faisait, c'est-à-dire cette pâte à pain sur laquelle on étalait ce qu'on avait : un peu de zaatar pour faire une man'ouché, des fatayer avec les herbes sauvages cueillies dans les champs à côté ou la ba'leh, le pourpier qui pousse au pied des arbres fruitiers. Et, en saison, des fatayer avec de belles tomates, bien mûres, fondantes et goûteuses, mélangées à de l'oignon haché, du sumac et un peu d'huile d'olive. Ces fatayer bi banadoura ont presque complètement disparu. Il est temps de les goûter à nouveau...

 

 

Lire aussi

#1 Anjar, pour rêver de paix et d'Omeyyades...

#2 Aqoura, l'Éden d'Ève et de sa pomme...

 

Et relisez, ici, les articles de la première édition du village préféré des Libanais

Incontestablement, c'est le village le mieux préservé du Metn, probablement un des plus beaux du caza. Maisons de pierre blanche aux toits de tuiles rouges, clairsemées dans des bouquets de conifères – chênes, pins et sapins –, Beit Chabeb est situé dans une vallée. Son altitude varie entre 600 et 800 mètres, et ses quartiers, tous ses quartiers, sont reliés entre eux par des...

commentaires (3)

Je vote pour be it chabab

Dolly Talhame

18 h 27, le 18 août 2017

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Commentaires (3)

  • Je vote pour be it chabab

    Dolly Talhame

    18 h 27, le 18 août 2017

  • Je vote

    Georges Zehil Daniele

    18 h 32, le 28 juillet 2017

  • Beit chabab est un village exemplaire du Mont Liban par son architecture et ses fabriques artisanales ! Malheureusement l'émigration a débuté en fin du 18eme siècle et de nombreuses familles ne sont jamais revenues ! Actuellement son climat et saposition non loin de Beyrouth permet à ses habitants d'y séjourner à longueurd'année! Ecoles Hopital , sont renommés !

    Samira Fakhoury

    12 h 52, le 21 juillet 2017

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