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Liban - Faune et flore

Les trois origans du Liban : une histoire d’arôme, de goût et d’écologie

La cueillette des origans, notamment le syriacum et l’ehrenbergii, plus communément utilisés en cuisine, est limitée par un décret, mais rarement respectée.

Les origans sont si familiers dans nos vies, notamment dans notre « mankouché » du matin, qu'on en oublie à quel point leurs bénéfices environnementaux sont considérables et leurs vertus médicinales remarquables. L'origine même de leur nom, qui vient du grec ancien, est révélatrice des caractéristiques de cette plante qui aime les cimes et ne craint pas les sols arides : venant de « oros », montagne, et de « ganos », joie, leur nom signifie par conséquent « celui qui aime la montagne ». Avec Marc Beyrouthy, ethnobotaniste, professeur associé à l'Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK), nous revenons sur les vertus des trois origans du Liban, dont il faut à tout prix préserver les habitats.

 

Noms scientifiques
Tous les origans du Liban sont généralement appelés « zaatar » ou « zouba'a » en arabe, mais ont parfois d'autres appellations dans la langue vernaculaire. Il existe trois espèces sur le territoire :
- Origanum ehrenbergii
- Origanum libanoticum
- Origanum syriacum.
À noter qu'il existe neuf plantes, communément appelées « zaatar », au Liban, dont trois seulement sont des origans.

 

Description
Les origans sont de petits arbrisseaux ou des plantes herbacées vivaces (pouvant vivre plusieurs années) de la famille des lamiacées, avec des tiges et des feuilles caractéristiques selon l'espèce.
L'origan ehrenbergii, du nom d'Ehrenberg, le premier botaniste à avoir décrit l'espèce, est une plante pouvant atteindre les 30 à 80 centimètres. L'origan syriacum, lui, est une plante pouvant atteindre un mètre de haut. Ses feuilles sont souvent garnies de poils très denses. Enfin, l'origan libanoticum est une plante de 30 à 60 centimètres de haut, aux feuilles vert pâle, qui, contrairement aux deux autres, est sans odeur.

 

Mode de vie
L'origan ehrenbergii est une plante caractéristique du Liban, qui fleurit de juin à octobre. L'origan syriacum est une espèce caractéristique de la région, et c'est le « zaatar » le plus communément utilisé au Liban. Sa floraison s'étend de juin à décembre. Se trouvant exclusivement au Liban, l'origan libanoticum fleurit de juin à octobre.
L'origan est une plante assez tolérante au froid et à la sécheresse, ce qui la rend particulièrement résistante, supportant bien la gelée, bien qu'elle soit connue en raison de sa préférence pour l'exposition au soleil. Elle apprécie particulièrement les sols secs, calcaires, plus ou moins rocailleux et ensoleillés. Cependant, sa culture est possible dans tous types de sol. À l'état sauvage, on retrouve l'origan tout particulièrement sur les sols inclinés où la plante joue alors un rôle de protection, tout en résistant aux conditions froides et à la sécheresse. Ainsi, durant l'hiver, les parties aériennes de la plante sont détruites, contrairement aux racines qui maintiennent leur vitalité afin de stabiliser le sol et afin que la plante puisse se régénérer au printemps (Arvy & Gallouin, 2003 ; Kintzios, 2002).

 

Lieux de prédilection
L'origan ehrenbergii pousse entre 300 à 2 000 mètres d'altitude. Cette plante se retrouve typiquement dans le grès ou dans les zones rocheuses calcaires, ainsi que sous des pinèdes claires, plus précisément dans les régions de Hrajel, Faraya, Mayrouba, Nahr el-Kalb, Aïn Kaa, Aïn el-Kabou, Zaarour, Aabadiyé, Kartaba, Aïn Zhalta, Barouk, Sannine, Zahlé, Jabal Kneïssé, Beit-Méry, Broummana, Jebaa, Choueir, Bickfaya, Kornayel, Araya, Chouit, Beit Chabab, Salima et Falougha (Mouterde, 1983).

L'origan syriacum s'étend sur une aire géographique allant du sud de la Turquie jusqu'en Syrie, au Liban, en Palestine, et, plus rarement, en Égypte. L'espèce a même un nom cité dans la Bible : « Hysope ». Au Liban, le « zaatar » est caractérisé par une grande extension : il pousse dans les montagnes et sur le littoral, de la région basse à la région subalpine, dans des endroits suffisamment humides et non calcaires. L'espèce se retrouve dans l'est de Zahrani, à Saïda, Beyrouth, Antélias, Nahr el-Kalb, Amchit, Ras Chekka, Tripoli, Aley, Kahalé, Deir el-Qamar, Bickfaya, Bilhas, Broummana, Douma, Aïn Zhalta. Kannoubine, Hasroun, Dimane, Ehden, Jbaa, Akoura, Falougha, Kornayel, Bécharré, Hazerta, Zahlé. (Mouterde, 1983).

Pour sa part, l'origan libanoticum est observé surtout dans les zones boisées et herbeuses. Il pousse dans les bois clairs, sur des sols secs et rocailleux, à différentes altitudes. L'espèce se retrouve à Nahr Ibrahim, Choueir, Chahtoul, Khan Sannine, el-Farat (Douma), Bchela, Kfardebiane, Ehden, Kartaba, Ghazir, Afqa, Akoura, Majdel Akoura, Aïtou, Mar Moussa, Sir Denniyé, Bécharré, Fneidek, Jab Mneitri, Jab Kamouha, Akroum.

 

Impact positif en milieu naturel
La présence de l'origan est essentielle à la protection de l'environnement dans les zones susceptibles de désertification. Contre les risques d'érosion, il assure la couverture végétale demandée. Il présente de nombreux intérêts essentiellement aux niveaux culinaire, médicinal et environnemental. Les origans sont, de plus, des plantes mellifères, qui attirent les abeilles.

Le « zaatar » est surtout utilisé à un niveau industriel comme herbe et épice. Il est très consommé par les Libanais et fait partie des provisions d'hiver (mouné) de chaque foyer. Les jeunes feuilles d'origan de saison sont souvent consommées en salade. En fin de saison, les feuilles et les sommités fleuries sont séchées à l'air libre et réduites en une poudre conservée toute l'année pour aromatiser bon nombre de plats méditerranéens.
D'un point de vue médicinal, les vertus de l'origan sont très nombreuses et connues depuis l'Antiquité.

 

Menaces et dangers
La surexploitation menace particulièrement l'origan syriacum, qui est le plus utilisé en cuisine. Avec la sauge, cette plante fait l'objet de directives de cueillette, spécifiées dans le décret 1/179 du ministère de l'Agriculture (délai limité du 1er juin au 30 octobre), malheureusement peu respectées. Souvent confondu avec son proche cousin, l'origan ehrenbergii est lui aussi cueilli à un rythme effréné.

L'origan libanoticum n'est pas une plante aromatique, il ne fait donc pas l'objet du même engouement que les deux autres. L'espèce se trouve cependant menacée par la perte d'habitats, en raison du défrichage de terrains, de la construction, etc.

 

Moyens de protection
Pour mieux protéger ces espèces d'origans, si importantes dans notre vies, il faut, selon Marc Beyrouthy, prendre ces espèces en compte dans les études d'impact environnemental. Il est crucial de préserver leurs habitats, notamment en ce qui concerne l'origan libanoticum, qui pousse en haute altitude et possède un cycle végétatif très court. Avant de raser des zones entières, il serait utile de prévenir les botanistes afin qu'ils récoltent les graines et les replantent. Et, surtout, il faudrait appliquer avec plus de fermeté les lois régissant la cueillette de ces espèces, pour une exploitation plus durable. Enfin, des espèces comme l'origan libanoticum sont particulièrement belles, et leur usage en tant que plantes ornementales peut être envisagé.

 

 

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Les origans sont si familiers dans nos vies, notamment dans notre « mankouché » du matin, qu'on en oublie à quel point leurs bénéfices environnementaux sont considérables et leurs vertus médicinales remarquables. L'origine même de leur nom, qui vient du grec ancien, est révélatrice des caractéristiques de cette plante qui aime les cimes et ne craint pas les sols arides : venant de...

commentaires (6)

UNE MAN,OUCHE PLUTOT QU,UN PLAT CHEZ LE MEILLEUR RESTAURATEUR !

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 47, le 03 juillet 2017

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Commentaires (6)

  • UNE MAN,OUCHE PLUTOT QU,UN PLAT CHEZ LE MEILLEUR RESTAURATEUR !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 47, le 03 juillet 2017

  • Pourquoi pas au Liban ? Un émigré kesrouanais en France, habitant à Tours en Indre-et-Loire depuis plus de 50 ans. En voyage en Yougoslavie en 1975, il rentre à Tours avec un plant de zaatar yougoslave type libanais. Il le planta dans son jardin à Tours. Au cours d'une visité en 1990, j'ai vu le zaatar libanoticum qui avait couvert presque tout son jardin. Pourquoi pas au Liban ? Allons enfants de la "manqouché", replantons nos fôrets et nos jardins du zaatar libanoticum.

    Un Libanais

    16 h 15, le 02 juillet 2017

  • Mais puisque ce sont des plantes sauvages, est-ce qu'on peut les cultiver intensivement et commercialement pour répondre à la demande des manouches intensive? Avec cette surexploitation de leur usage pensez-vous que, bientôt ce serait une variété en risque d'extinction si rien n'est fait? Ce serait bien dommage pour les générations futures.

    Saliba Nouhad

    18 h 19, le 01 juillet 2017

  • Une manqouchi au zaarar consommée sur place devant une boulangerie sur l'autostrade de Jounieh, plutôt qu'un plat de caviar chez Maxime's à Paris.

    Un Libanais

    14 h 36, le 01 juillet 2017

  • L'origan syriacum s'étend sur une aire géographique allant du sud de la Turquie jusqu'en Syrie, au Liban, en Palestine, et, plus rarement, en Égypte. L'espèce a même un nom cité dans la Bible : « Hysope ». L’hysope (zoufa en arabe à l’arôme agréable), dont l’infusion pour soigner différents maux, est-elle de la même espèce que l’origan (zaatar) ? Longtemps j'ai confondu origan et thym (dégagent la même odeur) mais c’est bien l’origan qui sert de condiment lors de la préparation de pizza et autres mankouché…

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