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Scan TV - Scan TV

Devenir un fait divers, puis être balayé par le prochain...

La mère et le frère de Roy Hamouhe, 24 ans, abattu dans la nuit de mardi à mercredi d’une balle dans la tête tirée par son agresseur. Photo Marwan Assaf

Indignation, dégoût, regrets, stupéfaction, dénonciation, colère, déception. Tous ces sentiments se suivent et se ressemblent de plus en plus chaque soir en suivant les nouvelles locales sur nos chaînes de télévision.

En l'espace de 15 jours, plusieurs incidents sécuritaires qui ont entraîné la mort de personnes innocentes ont été enregistrés dans l'insouciance totale des responsables, mais dans l'indignation générale de la population – indignation qui se limite pourtant à une frénésie digitale devant les smartphones et autres ordinateurs. Des conflits stériles éclatent sur les réseaux sociaux et des individus, cibles potentielles ou proches des assassins ou des victimes, se bousculent pour accaparer les espaces d'expression libre et nous éclairer de leur avis juridique ou psychologique, avant de passer à un autre incident qu'ils commenteront avec moult adjectifs sur Facebook ou Twitter. Des hommes et des femmes, pourtant sans enfants, s'attardent à analyser la souffrance des parents dans l'affaire de Roy Hamouche, et d'autres se contentent d'imaginer la souffrance dans les deux cas de figure (enfant tué ou parent tué) en regardant leurs chérubins dormir paisiblement dans leur lit.
Roy Hamouche a été tué d'une façon brutale, mais banale, bête, sans goût de martyr ni de sacrifice.

Comment envisager la mort ? Cette issue inévitable que non seulement Roy, mais nous tous devrons emprunter un jour ou l'autre, quel que soit le scénario, semble si différente parfois, et suscite des réactions outragées dépendamment des circonstances qui accompagnent ce départ. Cet accident de voiture qui a dégénéré en une poursuite s'est soldé par le meurtre pur et simple de Roy Hamouche – un geste monstrueux qui a permis à l'assassin de vider enfin les balles de son pistolet, accroché d'une façon obscène autour de sa taille, dans un corps plus faible sans défense, sous un regard innocent, celui du conducteur, qui croit sincèrement vivre un cauchemar.

Celui qui a tué Roy Hamouche, ce n'est pas M.H.A., que tout le monde connaît désormais. Ceux qui ont tué Roy Hamouche, c'est l'officier qui délivre les permis de port d'armes dans la plus grande irresponsabilité. C'est chaque responsable politique qui ne réussit pas à arrêter le trafic d'armes illégal. Ce sont tous ceux qui ont échoué à réincarcérer la crapule assassine qui déambule en toute liberté avant d'aller tranquillement se coucher à quelques mètres du lieu du crime. Enfin, ce sont ceux qui ont éduqué non seulement M.H.A., mais tous ses voisins de quartier, ses parents, son entourage et son parti politique, à la culture de la violence, qui les ont initiés à la loi de la jungle en leur prouvant au quotidien et chiffres à l'appui qu'au Liban, c'est le principe de l'impunité qui est seul souverain en matière de sécurité.

 

Comme « al-Hayba »
Les assassins de Roy Hamouche, dont la mort nous a fait presque oublier tous les autres recroquevillés dans leurs tombes, sont en premier lieu certains juges apeurés, intimidés, perdus dans un système pénal corrompu, car prêtant allégeance à des politiciens qui ne croient qu'en la violence et qui sont à leur tour corrompus jusqu'à la moelle. Roy, tout comme Yves, a certainement vécu dans une bulle sociale civilisée où ce genre d'incident relève de la fiction. Une fiction du genre d'al-Hayba, feuilleton que nous suivons régulièrement durant le mois de ramadan, et où les trafiquants d'armes et de drogue qui font la loi et qui suppriment tous leurs adversaires par un simple claquement de doigts semblent appartenir à un autre monde, un monde virtuel. Or, ils sont bien parmi nous. Si nous voulons rester en vie ou garder nos enfants en vie, de deux choses l'une : ou bien l'on s'insurge et l'on impose la destitution de ces diffuseurs de la culture de la violence des institutions publiques et de l'hémicycle, ou bien l'on éduque tous nos enfants à l'autodéfense en leur enseignant sur les bancs de l'école que le port d'armes est un fait bien réel et un danger. Nos enfants ne sont pas informés de ce monstre qui les guette, ils ne savent pas avec qui ils vivent, ils sont cantonnés dans des cocons imaginaires où l'assassin est élevé au rang de héros et le mal est tu.

Nous sommes tous en danger, il est temps de réagir, il est temps de sévir pour que la loi retrouve son poids et son autorité. Sinon, nous mourrons simplement plus tôt et bêtement. Ceux qui survivront un peu plus longtemps se contenteront d'organiser de très belles et émouvantes funérailles, accompagnées de belles paroles lyriques tapées dans l'ombre de leur foyer sur des murs sourds. Nous nous transformerons un à un en un fait divers rapporté par les nouvelles chaque soir, puis balayé par un autre, mieux médiatisé le lendemain.

Indignation, dégoût, regrets, stupéfaction, dénonciation, colère, déception. Tous ces sentiments se suivent et se ressemblent de plus en plus chaque soir en suivant les nouvelles locales sur nos chaînes de télévision.
En l'espace de 15 jours, plusieurs incidents sécuritaires qui ont entraîné la mort de personnes innocentes ont été enregistrés dans l'insouciance totale des...

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