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À La Une - Liban

La bataille du jurd de Ersal aura-t-elle lieu ? Deux ex-militaires répondent à « L'OLJ »

Les généraux Khalil Hélou et Amine Hoteit analysent l'éventualité d'une intervention au long cours de l'armée dans la région.

Des troupes de l'armée libanaise se déployant à Ersal, dans la Békaa, le 19 mars 2014. Photo AFP

Les groupes jihadistes installés depuis 2014 dans le jurd de la localité sunnite de Ersal, à cheval entre le Liban et la Syrie, sont en très mauvaise posture. Très sérieusement affaiblis par les bombardements de l'armée libanaise et le démantèlement de plusieurs cellules terroristes grâce à l'action conjointe des services de sécurité, les combattants islamistes, empêchés d'agir sur le territoire libanais et acculés dans les montagnes de l'Anti-Liban, sont désormais sous la menace d'une offensive de la troupe contre leurs dernières positions.
Interrogés par L'Orient-Le Jour, les généraux Khalil Hélou et Amine Hoteit, retraités de l'armée libanaise, analysent l'éventualité d'une intervention au long cours de l'armée, dix ans après celle menée contre le groupe jihadiste Fateh el-Islam dans le camp de réfugiés palestiniens de Nahr el-Bared, au Liban-Nord, en 2007.

 

Préparer le terrain
« La décision politique, militaire et opérationnelle d'éliminer la présence jihadiste dans le jurd de Ersal et, plus largement, sur la zone frontalière libano-syrienne, a été prise, sous la supervision du chef de l'État, Michel Aoun, qui suit personnellement ce dossier », affirme Amine Hoteit, estimant que la bataille décisive pourrait prendre « plusieurs semaines, un mois au mieux ».
Selon lui, cette bataille se décomposerait en trois phases. « Avant de lancer l'assaut final, la zone doit être sécurisée. L'armée ne la lancera que si un environnement sécuritaire favorable est créé dans ce secteur », estime le général Hoteit. Cet environnement favorable, l'armée travaille à sa concrétisation depuis plusieurs semaines, principalement via des opérations sur zone.

Khalil Hélou exclut, lui, un changement tactique qui consisterait à lancer une offensive massive, au vu de l'efficacité des opérations de l'armée actuellement. « L'armée a mis en place une tactique défensive qui est en train de porter ses fruits. Les lignes de communication ennemies sont coupées, la frontière est bien tenue et les tentatives d'infiltration sont déjouées, notamment grâce à notre artillerie », indique-t-il, estimant que « les principaux objectifs de l'armée sont en passe d'être atteints ». « Dans ce contexte, le lancement par l'armée d'une bataille de grande envergure serait très risqué », estime-t-il. « La mise en place d'un dispositif de combat pour mener à bien ce type d'opérations massives requiert en outre des effectifs conséquents », observe le général.


Le 20 mai, le commandant en chef de l'armée, le général Joseph Aoun, avait déclaré que les « opérations préventives contre les organisations jihadistes allaient se poursuivre », annonçant un déploiement supplémentaire de militaires à la frontière avec la Syrie. L'une de ces opérations préventives s'est déroulée le 17 mai dernier. L'armée libanaise a bombardé à l'artillerie lourde des positions jihadistes sur les hauteurs de Ersal, Ras Baalbeck et Qaa. Des hélicoptères et des avions de surveillance de la troupe ont également pris part à cette opération, suivie en direct par Michel Aoun à Yarzé.

 

 

Jihadistes acculés
Trois forces principales composent le front islamiste – qui compte environ un millier de combattants – sur une zone allant de Qaa, au nord, à Brital, au sud de la Békaa, selon les deux militaires. Le groupe État islamique est déployé entre la partie nord du jurd de Ersal et Qaa, situé à 30 kilomètres au nord de la localité. Il s'étend ainsi sur un territoire d'environ 400 km2. Moins nombreux que l'EI en hommes, le Front Fateh el-Cham (ex-Front al-Nosra) est déployé sur la partie sud du jurd jusqu'à la hauteur de Baalbeck. D'autres groupuscules, comme les Brigades Ahel el-Cham, sont également présents dans cette zone mouvante.

De surcroît, tous ces groupes islamistes s'affrontent entre eux dans des combats souvent meurtriers « pour des raisons essentiellement liées à leurs divergences sur le conflit en Syrie », explique le général Hélou.
Dernières attaques en date, un engin explosif, placé par l'EI, ayant légèrement blessé le 12 juin à Ersal deux cadres des Brigades Ahel el-Cham et un attentat-suicide, commis par Daech le 4 juin, ayant fait plusieurs morts et blessés devant une position du Fateh el-Cham dans le jurd.

 

Le facteur syrien
Ces groupes regardent désormais vers l'est du jurd de Ersal, en Syrie, où le régime semble vouloir accentuer la pression sur eux. Selon M. Hoteit, la deuxième phase passe par là. « Damas est décidé à sécuriser définitivement l'Ouest syrien, en éliminant toutes les poches jihadistes qui subsistent, principalement dans le jurd de Ersal », explique l'expert.

En d'autres termes, une coordination des protagonistes antijihadistes des deux côtés de la frontière pourrait être mise en place sur le terrain pour resserrer l'étau sur ces combattants. « Sous la pression de l'armée libanaise et des forces syriennes, les islamistes n'auront plus le choix. Soit ils quitteront le jurd de Ersal pour la Syrie, soit ils seront combattus », déclare M. Hoteit. Des canaux informels de communication entre les parties libanaise et syrienne seraient donc, selon les deux généraux, ouverts depuis plusieurs semaines en vue du transfert vers la Syrie de certains combattants.

 

Le rôle du Hezbollah
Le 10 juin, 50 familles de réfugiés syriens sont par ailleurs retournées chez elles dans le village frontalier de Assal el-Ward, sur le versant syrien de l'Anti-Liban, après des négociations menées par le Hezbollah avec les autorités syriennes. Certains observateurs y ont vu le début d'un processus d'évacuation du terrain en vue d'une prochaine intervention militaire.

Khalil Hélou propose une lecture différente. « Le Hezbollah applique une stratégie préventive. Il considère que les regroupements informels de réfugiés syriens constituent une pépinière de recrutement pour les groupes islamistes », explique-t-il, rappelant que la zone frontalière, côté syrien, n'est plus une zone de conflit, notamment grâce à l'action des combattants du parti chiite.
« Après avoir annoncé, en mai dernier, le retrait de ses troupes le long de la frontière libanaise, le Hezbollah, sur décision iranienne, se concentre désormais sur d'autres fronts où les troupes du régime syrien ont besoin d'appui », indique le général Hélou.

« Les combattants du Hezbollah étaient déployés dans une zone allant de Brital jusqu'à la partie sud du jurd de Ersal », rappelle Amine Hoteit. « Depuis l'annonce du secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, du retrait de ses troupes, l'armée a pris le contrôle de toutes les zones que contrôlait le Hezbollah », ajoute-t-il. C'est notamment la 9e brigade dans le jurd de Ersal qui assume désormais la protection de cette zone. « Si une bataille devait éclater, le Hezbollah serait prêt à éviter les débordements et à agir au cas où la situation l'exigerait », indique néanmoins M. Hoteit.

 

Soutien international
Peut-on donc parler alors de coordination entre le Hezbollah et l'armée libanaise dans ce secteur ? « On ne peut pas parler de coordination opérationnelle et assumée entre ces deux forces, car un tel processus mettrait en péril l'aide financière et matérielle que les États-Unis fournissent à l'armée libanaise », répond Khalil Hélou, expliquant néanmoins que l'armée applique la politique de défense décidée par le gouvernement, dans lequel siège le Hezbollah.

Selon lui, la tournée effectuée le 7 juin par le général américain Joseph Votel, commandant des opérations militaires américaines au Moyen-Orient, s'inscrit dans la volonté de Washington d'affaiblir les forces jihadistes.
« Les États-Unis et les pays soutenant la stabilité et la sécurité du Liban ont tout intérêt à ce que la menace terroriste soit éliminée », déclare le général Hélou. Amine Hoteit abonde dans ce sens : « Bien que la situation reste encore un peu floue, les changements géopolitiques de la région laissent penser que nous nous dirigeons vers une bataille décisive.

 

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commentaires (3)

ELLE SEMBLE INEVITABLE !

LA LIBRE EXPRESSION

20 h 43, le 19 juin 2017

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Commentaires (3)

  • ELLE SEMBLE INEVITABLE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    20 h 43, le 19 juin 2017

  • Bonne chance à notre superbe armée libanaise pour vaincre enfin ces groupuscules bien encerclés.

    Antoine Sabbagha

    14 h 38, le 19 juin 2017

  • Très cohérent cet article ...espérons que l'armée rapidement instaure sont autorité sur 100 % du pays ...! heureusement, il semble que le process est en route....

    M.V.

    13 h 26, le 19 juin 2017

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