Si la situation des finances publiques demeure un handicap pour une économie qui montre de nombreux signes de reprise conjoncturelle, l'endettement du pays n'est pas insoutenable et plusieurs facteurs peuvent permettre d'inverser sa croissance. Tel est l'un des constats principaux du dernier rapport conjoncturel publié mercredi par Bank Audi.
Les auteurs du rapport relèvent d'abord que la plupart des indicateurs affichent les signes d'une reprise de l'économie libanaise au premier trimestre. Ainsi, l'indicateur synthétique de la Banque du Liban – un indicateur composite de l'activité – a progressé de 4,8 % en glissement annuel sur les deux premiers mois de 2017, contre 2,6 % en moyenne lors de la même période ces trois dernières années. Le rapport souligne également une amélioration de la consommation et de l'investissement privés ; ainsi que le surplus de la balance des paiements (de 555 millions de dollars au premier trimestre) permis par la croissance de 57,2 % sur un an des flux financiers à l'entrée, qui a plus que compensé la croissance de 13,8 % du déficit de la balance commerciale.
Une tendance particulièrement visible pour les trois moteurs traditionnels de l'économie. L'activité bancaire a ainsi progressé au premier trimestre, notamment au niveau des actifs des banques commerciales (+9,7 % sur un an) et des dépôts (+7,8 %). Le secteur touristique a aussi connu un regain d'activité, du fait de la hausse du nombre de touristes (+12,3 % en glissement annuel) ainsi que du taux d'occupation des hôtels, qui est passé de 54,5 à 61,6 % en un an. Enfin, le secteur immobilier a vu la hausse des transactions se poursuivre, en nombre (+ 14 %) comme en valeur (+14,3 %), même si la baisse des permis de construire (- 3,4 %) peut laisser présager un essoufflement de la demande à venir.
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Pas de risques de sortie de capitaux
Mais « les finances publiques demeurent la principale vulnérabilité de l'État libanais de nos jours », alerte Bank Audi. Selon le ministère des Finances, la dette publique totale a atteint 76,1 milliards de dollars en février 2017, en hausse de 6,9 % en glissement annuel. « Le ratio dette publique/PIB gravite autour de 140 %, soit le troisième ratio le plus élevé au monde (après le Japon et la Grèce) », souligne Bank Audi. Une hausse en partie imputable au déficit record enregistré en 2016, à 4,9 milliards de dollars. Cependant, « il y a des considérations intrinsèques qui contribuent à soutenir un tel profil d'endettement », car en dépit du fait que les « ratios de déficit et d'endettement publics sont indiscutablement élevés et doivent être réduits (...) plusieurs facteurs laissent penser que le Liban n'est pas pris dans un piège budgétaire », souligne Bank Audi.
D'abord le ratio d'endettement est moins élevé que lors de la décennie précédente. « Même dans de pires conditions, comme lorsque le ratio d'endettement atteignait les 185 % il y a une dizaine d'années, le Liban n'a pas connu de crise du fait de flux financiers entrants soutenus, d'une stabilité monétaire et d'une croissance des dépôts bancaires », rappelle à L'Orient-Le Jour le directeur du département de recherche de Bank Audi, Marwan Barakat.
Même si plusieurs agences de notation mettent régulièrement en garde contre la forte exposition des banques commerciales locales à la dette souveraine, Bank Audi considère au contraire que le fait que la dette publique soit largement (à 87 %) détenue par des acteurs libanais protège le pays. « Les investisseurs libanais renouvellent leurs souscriptions, et ne vont pas arrêter de le faire au moindre trouble. Il n'y donc pas de risques de sorties massives de capitaux », explique M. Barakat.
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Bank Audi relève également l'importance des avoirs extérieurs de la BDL ainsi que des actifs détenus par l'État libanais, en comparaison avec la dette publique. « Les avoirs extérieurs de la BDL (devises et réserves en or) atteignent 52 milliards de dollars en mars 2017, soit (près du double) de la dette en devises du Liban, évaluée à 29 milliards de dollars », note le rapport. De plus, « les actifs de l'État s'élèvent à 100 milliards de dollars sous forme de propriétés, de réserves en or, de comptes créditeurs et autres. Cela signifie que par rapport à une dette publique de 76 milliards de dollars, l'État dégage un surplus de 24 milliards de dollars », commente M. Barakat.
Enfin, le rapport estime que l'État est en mesure d'augmenter ses revenus afin de réduire son déficit public et par là ses besoins d'endettements, notamment à travers la lutte contre l'évasion fiscale, estimée à 8 % du PIB. « Les recettes fiscales non collectées s'élèvent à 4,2 milliards de dollars, qui pourraient presque compenser les 4,9 milliards de dollars de déficit. C'est là où l'effort doit être fourni par le gouvernement, au lieu d'augmenter les taxes », plaide M. Barakat.
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commentaires (4)
Deni total de la realite.
paznavour
18 h 47, le 12 mai 2017