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Idées - Présidentielle française

Emmanuel Macron et le destin du monde libre

D.R.

Ne nous trompons pas d'enjeu : le destin de l'Europe et du monde libre va se décider le 7 mai à Paris lors du second tour de l'élection présidentielle. Si Emmanuel Macron est élu, l'espoir sera de retour en Europe. Sa victoire, engendrant une dynamique, pourra préfigurer non seulement une relance de la construction européenne, mais au-delà le retour des valeurs libérales comme message premier de la France et de l'Europe au monde. Après les mauvaises nouvelles du Brexit, de l'élection de Donald Trump et du durcissement des régimes polonais et hongrois, cette élection pourra apparaître comme le symbole d'un coup d'arrêt aux discours antilibéraux. Cela aura aussi des conséquences sur le Moyen-Orient, signifiant le renforcement des positions sans complaisance envers le régime d'Assad et de ses dictatures alliées.
Imaginons le scénario contraire d'une victoire de Marine Le Pen. Les conséquences en seraient évidemment désastreuses pour la France en termes d'économie, de régression identitaire et de renfermement. Elle marquerait aussi la victoire combinée de Poutine et de l'extrémisme islamiste qui, pour des raisons convergentes, souhaitent un démantèlement de l'Europe et le renforcement des haines envers la population musulmane. Assad se verrait conforté au même titre que Daech et le Kremlin aurait les mains libres tant en Ukraine et au Moyen-Orient que dans plusieurs États de l'Est européen menacés par la guerre hybride de la Russie et sa propagande. Signifiant la fin du couple franco-allemand, le Frexit annoncé ferait peser sur toute l'Europe une menace systémique.
Une victoire d'Emmanuel Macron, dont on peut espérer qu'elle pourra être aussi large que possible, marginalisera évidemment le Front national. Elle serait aussi un signe donné au monde qu'un mouvement entièrement nouveau, au-delà des partis traditionnels, peut l'emporter dans un grand pays démocratique à partir d'une position non pas populiste et protestataire, mais éclairée et raisonnable, fondée sur les valeurs de la société ouverte. Elle obligera à un changement radical des pratiques politiques que ne sont pas parvenus à modifier des partis politiques usés, qui mettent le couvercle sur les oppositions radicales en leur sein. En effet, il n'y a rien de commun, à gauche, entre l'aile sociale-démocrate du Parti socialiste et une tendance épousant les messages d'une gauche radicale de plus en plus proche, dans son discours peu européen et opposé à la globalisation, de certains éléments de discours de l'extrême droite.
La droite conservatrice classique est elle-même divisée entre un mouvement libéral et social, ouvert à l'Europe et à l'économie de marché, ferme contre les atteintes aux droits et à la sécurité du régime russe, et un mouvement au sens propre réactionnaire sur les évolutions de la société – notamment dans l'opposition au mariage entre personnes du même sexe, prompt à louer l'homme fort de Moscou et indifférent aux crimes commis par le régime syrien, et par ailleurs modérément européen. Il y a finalement plus de points communs entre la gauche et la droite modérées, européennes et politiquement libérales, qui se retrouvent l'une et l'autre autour d'Emmanuel Macron.
Sur le plan international, celui-ci illustre les traditions de la France dans ce qu'elles ont de meilleur. D'abord, il a clairement déclaré que ni la France ni l'Europe ne pouvait partager les valeurs mises en avant par Vladimir Poutine, inspirées par son idéologue nationaliste Alexandre Douguine, valeurs qui s'opposent au libéralisme politique, à la règle de droit et aux droits de l'homme. Ceux-ci sont d'ailleurs au centre de son projet : le programme d'Emmanuel Macron traduit en effet un engagement à défendre et à promouvoir, partout dans le monde, ces droits fondamentaux et ceux des minorités, l'assistance à la démocratie et la protection des dissidents qui luttent pour la liberté. Son engagement pour la paix en Syrie est clair aussi : pour lui, Assad ne peut pas faire partie de la transition politique en Syrie. Alors que la Russie, avec son allié iranien, s'est affirmée comme la puissance dominante dans la région en raison d'une forme d'abstention américaine, on peut espérer que la France pourra, avec l'Union européenne aujourd'hui également en retrait, peut-être avec les États-Unis s'ils révisent leur position, compter dans les futures négociations dans la région. C'est devenu indispensable. En Ukraine, car les deux conflits traduisent la même affirmation d'une puissance russe oublieuse du droit et tout à sa volonté de saper les organisations et l'ordre internationaux, Emmanuel Macron a exprimé son souhait d'une poursuite des sanctions à l'encontre de la Russie tant que celle-ci ne respecterait pas les accords de Minsk.
Enfin, l'Europe est au cœur de son projet et le soutien clair qu'il a reçu d'Angela Merkel laisse présager une relance du couple franco-allemand pour aller plus loin dans l'Europe de la défense et de la sécurité, et développer un gouvernement économique de la zone euro. Son attachement à l'OTAN contribuera à faire de la France un partenaire plus fort au sein de l'Alliance, lui aussi nécessaire alors que les États-Unis demandent plus à leurs alliés. Son engagement de porter le budget de la défense à 2 % du PIB, hors opérations extérieures, traduit une fermeté devant la menace russe, mentionnée comme telle dans son projet, et la déstabilisation par le terrorisme.
Après la victoire de Trump, beaucoup ont annoncé que désormais la chancelière allemande était devenue la « reine » du monde libre. Avec la victoire d'Emmanuel Macron, le monde libre aura désormais deux têtes, et c'est une bonne nouvelle. La France, sans esprit de domination et fidèle à ses principes de liberté, sera de retour, sans orgueil ni vanité. Emmanuel Macron avait intitulé son livre de campagne Révolution. Cette révolution dans les affaires mondiales ne saurait être oubliée.

Directeur de la revue « Le Banquet », président du Centre d'étude et de réflexion pour l'action politique (Cerap), auteur de « La France a besoin des autres » (Plon, 2012)

Ne nous trompons pas d'enjeu : le destin de l'Europe et du monde libre va se décider le 7 mai à Paris lors du second tour de l'élection présidentielle. Si Emmanuel Macron est élu, l'espoir sera de retour en Europe. Sa victoire, engendrant une dynamique, pourra préfigurer non seulement une relance de la construction européenne, mais au-delà le retour des valeurs libérales comme message...

commentaires (3)

La droite classique, jugée conservatrice et réactionnaire parce qu'elle est opposée au mariage entre personnes du même sexe (sic). Drôle de jugement !

Un Libanais

20 h 38, le 07 mai 2017

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Commentaires (3)

  • La droite classique, jugée conservatrice et réactionnaire parce qu'elle est opposée au mariage entre personnes du même sexe (sic). Drôle de jugement !

    Un Libanais

    20 h 38, le 07 mai 2017

  • J'avoue ne pas très bien comprendre comment la victoire de le Pen et de Poutine serait en même temps celle de l'extrémisme islamique! J'aurais plutôt cru le contraire! Je ne vois pas très bien non plus comment la victoire de Macron serait "un signe donné au monde qu'un mouvement entièrement nouveau, au-delà des partis traditionnels, peut l'emporter dans un grand pays démocratique". Macron n'a rien d'un homme nouveau: il est l'auteur de la politique économique désastreuse du quinquennat précédent. Sa séparation du PS n'est qu'un trompe-l’œil. Il a fondé "En Marche" comme un industriel qui, ayant fait faillite, recommence une nouvelle société sous un nouveau nom. La meilleure preuve est le soutien que lui a apporté le pouvoir "hollandais" en assassinant politiquement son principal adversaire, Fillon.

    Yves Prevost

    17 h 17, le 07 mai 2017

  • Aussi surréaliste qu'asymétrique le titre ..! le destin d'E. Macron... ,serait vaguement plus intéressant peut 'être et encore à voir...!

    M.V.

    15 h 07, le 07 mai 2017

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