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Moyen Orient et Monde - Décryptage

Pourquoi Ankara met fin à son opération en Syrie

La question du retrait des troupes turques reste encore en suspens.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a rencontré le secrétaire d’État américain Rex Tillerson à Ankara. Yasin Bulbul/Palais présidentiel/Reuters

Ankara n'ira finalement pas plus loin qu'al-Bab. L'annonce, mercredi soir, de la fin de l'opération militaire « Bouclier de l'Euphrate », marque, dans l'immédiat, une révision des ambitions militaires de la Turquie en Syrie, heurtées par un double veto : américain et russe. Dans un entretien à la chaîne de télévision NTV, le Premier ministre turc Binali Yildirim a estimé que l'opération était un succès et n'a pas pour autant exclu la possibilité de lancement d'autres actions militaires en Syrie. L'annonce est survenue à la veille d'une rencontre entre le secrétaire d'État américain Rex Tillerson et M. Yildirim, suivie d'une réunion à huis clos avec le président Recep Tayyip Erdogan, à Ankara. Les discussions devaient porter sur la lutte contre le groupe État islamique, et plus précisément sur les préparatifs de l'offensive sur Raqqa, capitale autoproclamée du groupe jihadiste en Syrie. À l'issue de la rencontre, M. Tillerson n'a pas caché le fait que les options mises sur la table étaient « difficiles ».

Autrement dit, Washington semble avoir fait son choix : les Turcs ne participeront, a priori, pas à la grande offensive. Début mars, Ankara avait répété ses objectifs, reprendre Manbij des mains des Forces démocratiques syriennes (FDS, qui comprennent les milices kurdes), puis participer à la grande bataille pour Raqqa. La présence kurde à Manbij est un affront que la Turquie espérait bien laver. Mais sans le feu vert de Moscou, et surtout de Washington, qui soutient les milices kurdes, les rebelles syriens soutenus par Ankara n'ont pas pu passer la seconde, notamment au vu du déploiement de troupes américaines aux abords de Manbij. « C'est très spectaculaire de voir des 4X4 américains avec un drapeau étoilé se promener à Manbij. Et le message est clair, c'est "touche pas" », estime une source diplomatique.

La Turquie a également essuyé une déconvenue côté russe. L'établissement d'une zone-tampon dans le Nord syrien si cher aux Turcs, dans le but de contrer le projet d'unité kurde et de sécuriser la zone frontalière, n'a pu être remis sur le tapis auprès de leur interlocuteur du Kremlin, visiblement peu favorable au projet. Pire, Moscou semble avoir pris parti pour les ennemis jurés d'Ankara, en se positionnant dans le canton kurde de Afrin à l'ouest du pays. Une base militaire y a été installée il y a une dizaine de jours et les miliciens kurdes y recevront une formation militaire.

 

(Pour mémoire : La Turquie annonce la fin de l’opération « Bouclier de l’Euphrate »)

 

Aval préalable de Moscou
Pourtant, l'opération « Bouclier de l'Euphrate » n'aurait pu voir le jour sans l'aval de Moscou. Le rapprochement entre la Turquie et la Russie en août dernier avait été un préalable au lancement de cette offensive d'envergure. La rencontre des deux dirigeants, Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine, à Saint-Pétersbourg le 9 août, avait alors permis d'ouvrir la voie à une participation active d'Ankara sur le terrain syrien, aux côtés des rebelles. Vladimir Poutine, qui soutient militairement le régime de Bachar el-Assad, avait alors déclaré que leurs points de vue sur le problème syrien ne coïncidaient toujours pas, mais qu'ils avaient un objectif commun : celui de régler la crise syrienne. Lancée sur les chapeaux de roue quinze jours plus tard, l'offensive appuyée par l'aviation russe et américaine avait pour but de libérer le Nord syrien de la présence à la fois des jihadistes de l'EI mais également les milices kurdes du PYD (Parti de l'union démocratique), dont la branche armée est proche du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), considérée comme une organisation terroriste par Ankara.

L'annonce de la fin de l'opération ressemble à un camouflet pour les Turcs, incapable de convaincre leurs alliés de lâcher l'ennemi kurde. Mais Ankara peut malgré tout se targuer d'avoir rempli une partie de ses objectifs. Les rebelles syriens appuyés par la Turquie ont en effet repris aux jihadistes de l'EI plusieurs villes dont Jarablos, al-Raï, la symbolique Dabiq et enfin al-Bab. Cette dernière, située à 25 kilomètres au sud de la frontière turque, était le dernier bastion jihadiste dans la province d'Alep et relevait d'une importance stratégique. Sa reprise, en février dernier, a certes coûté cher en pertes humaines du côté de l'armée turque, mais elle a permis à la Turquie non seulement de sécuriser une partie de sa frontière en nettoyant la zone des groupes considérés comme terroristes par Ankara, mais aussi de renforcer son influence sur le Nord syrien, qui aurait pu constituer un levier dans les négociations politiques qui ont suivi, mais qui ont finalement capoté. L'intervention turque en Syrie a également rendu, pour l'heure, impossible l'union des trois cantons kurdes formant le Rojava, Afrin, al-Jazira et Kobané.

 

(Lire aussi : Guerre en Syrie An VI : que reste-t-il de l’État syrien ?)


Les Turcs ont clairement souhaité éviter de transformer leur opération en un bourbier et de revoir leur objectif à la baisse. La question de leur retrait militaire du Nord syrien reste toutefois en suspens. Les groupes rebelles qui coopèrent avec la Turquie sont pour l'instant dans l'expectative. Un haut responsable du Front du Levant, contacté via WhatsApp, n'a pas souhaité, pour l'heure, faire de commentaires. Le leader de la brigade nommée « Sultan Mourad », Fahim Issa, a pour sa part estimé que « tant que la menace kurde sera à leur frontière, les troupes turques ne quitteront pas le sol syrien ». De quoi alimenter encore de nombreux casse-têtes diplomatiques...

 

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Ankara n'ira finalement pas plus loin qu'al-Bab. L'annonce, mercredi soir, de la fin de l'opération militaire « Bouclier de l'Euphrate », marque, dans l'immédiat, une révision des ambitions militaires de la Turquie en Syrie, heurtées par un double veto : américain et russe. Dans un entretien à la chaîne de télévision NTV, le Premier ministre turc Binali Yildirim a estimé que...

commentaires (3)

QUAND ON VEUT ÊTRE AU FOUR ET AU MOULIN , EN GÉNÉRAL ON SE FAIT BRÛLER AU FOUR ET ÉVAPORER AU MOULIN. LES TURCS ONT EU UNE POLITIQUE DÉSASTREUSE POUR LA RÉGION MAIS SURTOUT POUR EUX . N'EST PAS HÉROS QUI VEUT.

FRIK-A-FRAK

10 h 33, le 31 mars 2017

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Commentaires (3)

  • QUAND ON VEUT ÊTRE AU FOUR ET AU MOULIN , EN GÉNÉRAL ON SE FAIT BRÛLER AU FOUR ET ÉVAPORER AU MOULIN. LES TURCS ONT EU UNE POLITIQUE DÉSASTREUSE POUR LA RÉGION MAIS SURTOUT POUR EUX . N'EST PAS HÉROS QUI VEUT.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 33, le 31 mars 2017

  • PRIERE LIRE LA QUEUE ENTRE LES JAMBES ETC... MERCI.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 34, le 31 mars 2017

  • ILS SONT REPARTIS LA QUEUE ENTRE LES PIEDS LES TURCS ! LE TOUR D,AUTRES DE PARTIR DE LA MEME SORTE S,APPROCHE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 04, le 31 mars 2017

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