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Culture - Festival al-Bustan / Rencontre

Renaud Capuçon et Khatia Buniatishvili, « comme frère et sœur »...

Ils n'en sont pas à leur première visite au Festival d'al-Bustan. Le Français et la Géorgienne, le violoniste et la pianiste, au sommet de leur art, sont au Liban pour deux soirées consécutives à Beit-Méry. Un vrai feu d'artifice. Rencontre entre répétition et temps de repos.

Photo Roland Ragi

Renaud Capuçon et Khatia Buniatishvili. Une amitié, une complicité, une « rencontre d'une évidence musicale », toutes nées depuis plus d'une décade au Festival de Lugano sous l'égide de Martha Argeritch. Les deux musiciens ne tarissent pas d'éloge l'un pour l'autre, et leur présence commune sur scène est un moment de grâce.

Capuçon voit en Khatia Buniatishvili « une musicienne instinctive, qui pense et réfléchit ». Il dit: « Et par-delà glamour et aura sur scène, elle est surtout une pianiste intègre. On est un peu comme frère et sœur: on peut se perdre longtemps de vue et on reprend dès qu'on se retrouve naturellement comme si le temps n'a pas passé. Et cela est une valeur pour des musiciens qui jouent une même partition. » Et Buniatishvili voit en Renaud Capuçon un musicien qui « a du bon goût, car il a une capacité d'écoute des autres, humainement et musicalement. Je l'admire ».

 

« Cela ne respire pas assez »
Les cheveux châtain clair coupés court, le sourire charmant et charmeur, les yeux bleus souriants, blazer bleu marine et jeans moulant, à 41 ans, Renaud Capuçon est un vrai prince de l'archet, avec une désarmante simplicité doublée d'une vaste culture en tout domaine. Son impression du Liban ? « Je ne connais rien à part l'hôtel al-Bustan et la route de l'aéroport, dit-il en toute franchise. Mais je suis conquis par la gentillesse des gens. Et le plaisir que j'ai de jouer avec l'orchestre. Instantanément, je me suis senti ici chez moi. Quant à la gastronomie libanaise, j'attends avec impatience ce soir et demain... »

Renaud Capuçon, qui affectionne l'archet de Stern, Ferras, Milstein, Menuhin et Grumiaux, a interprété hier soir le Concerto n op 61 pour violon et orchestre d'Elgar. Pourquoi ce choix ?
« Parce que le maestro Gianluca Marciano est amoureux de ce concerto, déclare le violoniste. C'est l'un des plus beaux concertos pour le répertoire du violon. Romantique par excellence. S'il est peu joué, c'est sans doute parce qu'il est très long, mais aussi pour la part du violon qui demande beaucoup d'énergie pour émerger du souffle orchestral d'une architecture de plus de 50 minutes. Surtout pour ce final à la cadence complexe où le violon doit tenir tête à l'accompagnement de l'orchestre. Il y a là tant de nostalgie, de noblesse, de tendresse et pas une once de sentimentalisme. »

Pour ce violoniste qui lit aussi bien le dernier livre d'Anne Sinclair que la poésie d'Éluard ou les mots de Sartre et Camus, qui aime les trois B (Bach, Beethoven, Brahms) aussi bien que Mozart, Schubert, Berg, Dusapin, Dutilleux ou Rihm, quel est le plus beau compliment ou la plus virulente critique reçue ? Petit sourire, et la réponse fuse: « Que mon instrument a une voix. Que je chante avec mon instrument. Ça c'est le plus beau compliment. Quant à l'aspect négatif, c'est quand on me dit que cela ne respire pas assez. Et bien sûr quand il n'y a pas de respiration, il n'y a pas de chant. Chaque coup d'archet doit être une respiration ! »

 

S'épanouir dans la paix et l'amour
Toute fraîche et pimpante, même lorsqu'elle quitte la répétition fourbue. Rouge à lèvres, robe moulante et chaussures rouge vif parfaitement assortis pour des cheveux noirs d'ébène et des yeux pétillant de vie et d'intelligence. Pas de bijoux. « Oui, j'en porte rarement», dit Khatia Buniatishvili toujours glamour, même hors scène. Elle commence une phrase en anglais, puis se ravise et parle en français. Ce français délicieusement chantant d'un accent légèrement géorgien sans doute, elle qui lit actuellement Le Procès de Kafka en version française, car l'œuvre du célèbre romancier tchèque n'a pas encore été traduite en géorgien...

Elle a donné hier soir une version magistrale du Concerto n°1 de Tchaïkovski. Et pourtant, les mélomanes se léchaient les babines pour écouter du Rachmaninov. Explications et raisons d'un changement impromptu avant le lever de rideau : « Comme je viens de terminer l'enregistrement de deux concertos de Rachmaninov, je ne voulais pas recommencer. Je me suis offert un break... Je suis très éprise de ce concerto de Tchaïkovski où la musique coule simplement en toute fluidité. Il y a là beaucoup d'amour pour l'humanité. Une passion exprimée en termes pastoraux. Surtout la joie de vivre du troisième mouvement. Rubinstein a déclaré que c'était injouable. Mais le défi a été relevé et ce qui était innovation à l'époque est aujourd'hui rentré dans le plaisir d'écoute des mélomanes. Surtout une fois qu'on a triomphé des difficultés techniques pour l'interpréter. » Rien d'impossible, la musique est source de plaisir...

De quoi rêve cette belle femme aux tenues vestimentaires à la fois extravagantes et élégantes (ses dos nus ont incendié la toile et YouTube), à la taille de mannequin, au sourire merveilleux, férue de Rachmaninov (le pianiste, le compositeur et l'artiste) car, souligne-t-elle, il a une « incroyable polyphonie, tout en restant au plus près du cœur ». À quoi ressemble son rêve ? Sourire enjôleur et petits effets d'épaules. Et elle lâche: « Au bonheur !

Aux petites choses mais liées aux gens. Pour être heureux, il faut ajouter l'inspiration et l'amour. Un état impossible sans les autres. S'il y a la paix au monde, on a davantage de possibilité à s'épanouir... »
Ce jeudi soir, les deux supervedettes de la scène classique interpréteront trois œuvres romantiques. Un joli tir groupé où résonneront des opus et des sonates de Dvorak, Grieg et Franck. Des souvenirs communs pour les deux musiciens sous la flaque de lumière, mais surtout un moment béni pour les auditeurs.

 

Pour mémoire 

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