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Moyen Orient et Monde - Analyse

Assad est-il réellement le moindre mal ?

Pourquoi les Occidentaux n'auraient rien à gagner à se rapprocher du régime syrien.

« C’est moi ou le chaos », dit en somme le président syrien Bachar el-Assad à ses interlocuteurs occidentaux. Photo AFP.

« Le moins pire. » C'est en ces termes que Marine Le Pen a qualifié Bachar el-Assad dans un entretien à L'OLJ à l'occasion de sa visite au Liban. Si elle va encore plus loin que les autres – dans le sens où elle reprend la rhétorique du régime consistant à qualifier de « terroriste » tout membre de l'opposition syrienne –, la présidente du Front national n'est toutefois pas la première personnalité politique française à se laisser séduire par la thèse du moindre mal en Syrie. Le candidat du parti Les Républicains, François Fillon, est plus ou moins sur la même ligne, tout comme le candidat de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon.

La thèse du moindre mal a été l'un des arguments les plus utilisés par les puissances occidentales, notamment par Paris, pour justifier leurs soutiens aux régimes autoritaires dans le monde arabe sous prétexte qu'ils constituaient des remparts contre les islamistes. L'émergence des printemps arabes avait démontré que cette thèse était non seulement inopérante mais qu'elle pouvait également être dangereuse, l'autoritarisme et l'islamisme se renforçant l'un l'autre depuis plus de cinquante ans. On pensait la théorie du moindre mal définitivement enterrée. Mais c'était sans compter avec le prolongement et surtout la complexification du conflit syrien, qui lui permet aujourd'hui de vivre une seconde jeunesse.

L'argument est assez simpliste. « Oui, Bachar el-Assad est un dictateur », reconnaissent à l'unisson ceux qui le défendent. « Mais s'il tombe, ce sont les groupes jihadistes, les mêmes qui ont commis des attentats sur notre sol, qui prendront le pouvoir », ajoutent-ils avec assurance. Plus le conflit se prolonge, plus leurs propos sont réalistes et défendables. Les forces de l'opposition sont aujourd'hui beaucoup plus radicalisées qu'elles ne l'étaient il y a 6 ans. Les groupes jihadistes y ont acquis nettement plus d'importance tandis que les « rebelles modérés » ont été largement marginalisés. Mais la faute à qui ? devraient-ils se demander. La radicalisation de l'opposition est essentiellement le produit de la politique de répression, puis d'annihilation menée par les forces du régime à son encontre. Il est plus difficile de rester modéré quand les pires méthodes – allant de la torture au largage de barils d'explosifs ou d'armes chimiques – sont utilisées contre vous. La montée en puissance des groupes jihadistes au détriment des forces rebelles s'explique aussi, en grande partie, par le fait que le régime a largement privilégié le combat contre les seconds à la lutte contre les premiers. La stratégie ne manque ni de cynisme ni d'habileté : il lui est beaucoup plus facile de négocier son maintien au pouvoir si la seule alternative est composée de jihadistes.

 

(Lire aussi : « Pas d’alternative aujourd’hui au régime syrien », estime la présidente du FN)

 

 

Que des miettes
« C'est moi ou le chaos », dit en somme le président syrien à ses interlocuteurs occidentaux. Moscou et Téhéran, les deux parrains du régime, adhèrent complètement à cette représentation du conflit et se chargent de la « vendre » à leurs partenaires occidentaux. Non qu'ils soient attachés à la personne de M. Assad ou qu'ils soient convaincus par sa politique, mais parce qu'ils considèrent, pour différentes raisons, que leurs intérêts en Syrie sont liés à son maintien. Cela peut-être contestable, mais c'est de bonne guerre. Moscou et Téhéran ne s'embarrassent pas de considérations morales et profitent du conflit pour accroître leur influence en Syrie et dans la région.

Une telle approche est nettement plus difficile à justifier pour les Occidentaux. Qu'auraient-ils à gagner à se rapprocher du régime syrien ? Une plus grande influence ?  Les Russes et les Iraniens ne leurs laisseront que les miettes, autrement dit le prix de la reconstruction des villes syriennes. Un allié sur le terrain pour lutter contre les mouvements jihadistes ?
Quand on sait que le régime syrien est passé maître dans l'art d'instrumentaliser les groupes islamistes, qu'il a encouragé les jihadistes à se rendre en Irak après l'intervention américaine de 2003, qu'il a libéré de ses geôles des milliers d'islamistes après le déclenchement de la révolution, qu'il a évité pendant des mois l'affrontement direct avec l'État islamique (EI), il est permis de penser que ce n'est pas le meilleur allié pour combattre cet ennemi. « Il faut parfois s'allier avec le diable. On s'est allié avec Staline pour battre Hitler », rétorquent-ils généralement. Outre le fait qu'elle a coûté presque un demi-siècle de guerre froide à l'Europe, l'alliance avec Staline pouvait au moins se justifier par la puissance de l'armée soviétique.

Rien de tel avec Bachar el-Assad. Si ce dernier est encore au pouvoir, il le doit avant tout à ses parrains russe et iranien, mais aussi aux milices étrangères ou syriennes qui sont venues compenser la déroute générale de l'armée, à l'exception de ses unités d'élite. Le président syrien n'a été capable de reprendre la totalité d'Alep, la deuxième ville de Syrie, qu'avec le soutien intensif de tous ses acteurs contre une opposition pourtant largement affaiblie et coupée de ses soutiens extérieurs.

L'alliance avec le régime aurait donc du mal à trouver justification sur le plan militaire. Mais elle serait surtout contre-productive sur le plan politique. Les jihadistes finiraient de manger les rebelles syriens et leur rhétorique consistant à dire qu'ils sont « seuls contre le reste du monde » s'en trouverait renforcée. Les Occidentaux devraient, pour leur part, assumer de travailler avec tous les amis de Bachar el-Assad, y compris les milliers de miliciens chiites qui combattent pour la survie du régime et qui sont tout aussi islamistes que leurs adversaires.

Préférer les fascistes en cravate, maintenus au pouvoir en grande partie grâce au soutien des islamistes chiites, plutôt que les barbus sunnites : est-ce vraiment cela la définition du moindre mal ?

 

 

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commentaires (17)

Assad est le pere du terrorisme, c'est lui qui les a liberer de prison en 2012 .. pour certain qui se voile encore la face derriere lui

Bery tus

21 h 38, le 26 février 2017

Tous les commentaires

Commentaires (17)

  • Assad est le pere du terrorisme, c'est lui qui les a liberer de prison en 2012 .. pour certain qui se voile encore la face derriere lui

    Bery tus

    21 h 38, le 26 février 2017

  • “Mais si l’on ne peut pardonner, cela ne vaut pas la peine de vaincre.” de Victor Hugo Extrait de Quatre-vingt-treize

    FAKHOURI

    09 h 35, le 26 février 2017

  • Tant que les grandes puissances veulent garder leurs terroristes légaux ou illégaux pas de solution pour la Syrie .

    Antoine Sabbagha

    20 h 18, le 25 février 2017

  • "Sans l'intervention des Russes, n'est-ce pas, imaginons le califat avec pour capitale ; yîîîh ; Kaboûûûl !".... Afghanistaâne, mahééék ?! En effet, qui n'a jamais RIEN compris ne comprendra JAMAIS.... Yâ haSSértéééh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    18 h 08, le 25 février 2017

  • Encore une fois Assad n'est pas l'instigateur des attentas perpétrés en France qui ont fait des centaines de morts et des milliers de blessés. Il n'est pas non plus celui qui contraint les Chrétiens d'Orient à se convertir à l'Islam ou bien à payer une taxe et au pire à être décapités. Il serait temps que que les occidentaux et leurs amis du Quatar et Saoudiens (qui sont des modèles de démocraties) reconnaissent leur grave erreur. La clairevoyance de Poutine a permis d'inverser le processus très dangereux dans lequel les occidentaux s'étaient empêtrés. Et nous voyons aujourd'hui la difficulté à éradiquer ce mal malgré les moyens en hommes et en armes utilisés par les grandes puissances. Sans l'intervention des Russes imaginons le califat avec pour capitale Damas ! L'intervention Russe au moment ou Assad est en difficulté a certainement sauvé d'une mort certaine des dizaines de milliers de civiles. QUE LE PEUPLE SYRIEN S'EXPRIME SUR SON DEVENIR LUI SEUL EN A LE DROIT !! ET NOUS VERRONS ALORS COMBIEN PÈSE DANS URNES LA REBELLION SYRIENNE.

    Rocchesani Marcel

    17 h 45, le 25 février 2017

  • le monde est tellement hypocrite, c'est tellement réducteur du peuple syrien si gentil, si intelligent, si combattif que de prendre pour seul choix la peste ou le cholera !!! Comme s'il n'en avait pas d'autre, a mon avis ou devrait prendre la peste ET le cholera leurs injecter un vaccin (les éjecter les DEUX) faire table rase du corps infecter et redonner des VITAMINES pour reconstruire

    Bery tus

    17 h 02, le 25 février 2017

  • Ignorance totale de ce qui se passe...mieux vaut se taire preferer la peste au cholera ????

    Soeur Yvette

    16 h 12, le 25 février 2017

  • Surtout que ces islamistes chïïtiques sans cravates, ne portent en sus que des chemises "Col Mao" en Nylon ou en Polyester ! Yâ haSSértéhhh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    12 h 20, le 25 février 2017

  • On peut écrire tout ce qu'on veut face à un dictateur, mais devant Bachar El Assad on ne peut opposer aucun justificatif devant cet homme qui sacrifie son peuple et son pays à ses intérêts. Sa famille et son entourage l'ont beaucoup aidé dans sa descente aux enfers. Il n'a pas eu ni le courage ni le caractère de marquer sa position montrant un trait de caractère responsable du bien être et de la vie de son peuple et de son pays. Il a fait des études universitaires, ce que son père n'a jamais fait. Depuis la mort de son père, c'est la descente aux enfers. Il ne s'est ps aperçu de la fin d'une époque pour la famille Assad. La première marche de cette descente aux enfers c'est de n'avoir pas écouté la rue, la deuxième marche a été de mettre en place une dictature policière, la troisième marche a été une aventure politique particulièrement dangereuse, imposée par l'Iran La lâcheté internationale face à ses crimes le mettent en position de pavoiser grâce à ses puissants protecteurs. Cela n'aura qu'un temps Ces protecteurs n'ont que faire d'un partenaire qui n'a pas les moyens de sa politique autrement qu'une dictature imposée depuis 40 ans et il faut bien noter que cette protection ne sert que l'interêt de la Russie et de l'Iran pour couvrir la région solidement grâce à la lâcheté d'Obama Quant aux pourvoyeurs de finances et de soutien aux rebelles, ils n'ont eu qu'une vue ne dépassant le bout de leur nez

    FAKHOURI

    12 h 07, le 25 février 2017

  • La solution..mettre la syrie sous administration de l ONU..

    HABIBI FRANCAIS

    10 h 50, le 25 février 2017

  • A FORCE DE REPETER DES SLOGANS BIDONS QUE LES AUTRES N,EN TIENNENT PAS COMPTE ON FINIT PAR LES CROIRE ET SE CROIRE SOI-MEME...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 26, le 25 février 2017

  • "Préférer les fascistes en cravate, maintenus au pouvoir en grande partie grâce au soutien des islamistes chiites, plutôt que les barbus sunnites : est-ce vraiment cela la définition du moindre mal ?". Ou, plutôt, préférer la Peste au Choléra ; et vice-versa ; "est-ce vraiment cela la définition du moindre mal ?" !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 55, le 25 février 2017

  • Avoir émis le principe occidental du moindre mal ou du moins pire , devrait honnêtement vous pousser à aller jusqu'au bout de votre logique , et nous dire qu'ils acceptent bien de transiger avec les saoudos " démocratiques " quand on sait qu'ils sont de mèche avec les bactéries wahabites . Un principe est général et ne peut être particulier.

    FRIK-A-FRAK

    09 h 42, le 25 février 2017

  • Vous oubliez un facteur : la montée des groupes islamistes radicaux au sein de l’opposition est moins due à la répression du régime qu’à l’aide financière et matérielle des pays déterminés à le renverser : notamment l’Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie. Et leur motivation n’a rien à voir avec la démocratie.

    Tabet Ibrahim

    09 h 06, le 25 février 2017

  • Cette theorie du moindre mal avancee par certains est abasourdussante d ignorance. Depuis le 30 Juin 2012 a Geneve jusqu a la Resolution 2254 du UNSC jusqu a hier meme a Geneve on parle du meme processus, a savoir une autorite de transition, des elections et une nouvelle constitution. Entretemps on deloge les mechants terroristes, d ailleurs c est bien ce que les turcs et L Asl font et les gentils sont assis a Geneve Dire par consequent je suis pour le maintien de Assad ignore tout ce processus de la diplomatie internationale. Ignorance d autant plus ahurissante qu elle emane de candidats aux elections presidentielles en France membre permanent du CS.

    Jihad Mouracadeh

    09 h 00, le 25 février 2017

  • ON ESSAIE DE LE PRESENTER AINSI ET CEUX QUI EN PARLENT LE FONT UNIQUEMENT DANS LE BUT DE LE CONVAINCRE D,ARRETER LES BARBARIES CONTRE SON PEUPLE DANS L,ESPOIR D,ARRETER L,EMIGRATION CLANDESTINE CHEZ EUX... ILS IGNORENT TOUT DES MENTALITES DE LA REGION ! ARRETER DAESCH PAR DAESCH... MAIS LEQUEL DES DEUX EST LE PLUS NOCIF ? LES TARES QUI ONT EGORGES MILLE/DEUX MILLE/TROIS MILLE OU CEUX QUI ONT EXPEDIE PRESQUE UN DEMI MILLION, BLESSE ET FIRENT DISPAITRE PRESQUE UN MILLION ET ONZE MILLIONS DE REFUGIES ET DE SANS ABRI... A COUPS DE BARILS D,EXPLOSIFS ET DE PRODUITS CHIMIQUES... LES CHIFFRES PARLENT...

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 52, le 25 février 2017

  • Sommes-nous toujours condamnés à choisir entre la peste et le choléra?

    Yves Prevost

    06 h 58, le 25 février 2017

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