La présidente du Front national et candidate à l'élection présidentielle française, Marine Le Pen, en déplacement à Beyrouth depuis dimanche soir, n'a pas rencontré mardi le mufti de la République, cheikh Abdellatif Deriane, après avoir refusé de se voiler.
A l'arrivée de Mme Le Pen pour rencontrer le cheikh Deriane à Dar el-Fatwa à Aïcha Bakkar mardi matin, il lui a été tendu un voile. "La plus haute autorité sunnite du monde n'avait pas eu cette exigence, par conséquent je n'ai aucune raison de... Mais ce n'est pas grave, vous transmettrez au grand mufti ma considération mais je ne me voilerai pas", a dit Mme Le Pen, qui est repartie aussitôt.
Ahmad al-Tayyeb, le cheikh d'al-Azhar, l'une des plus prestigieuses institutions de l'islam sunnite basée en Égypte, avait fait part à la présidente du parti français d'extrême droite de ses "sérieuses réserves" concernant ses "positions hostiles à l'islam", en la recevant au Caire le 28 mai 2015.
"J'ai indiqué hier que je ne me voilerai pas. Ils n'ont pas annulé le rendez-vous. J'ai donc cru qu'ils accepteraient que je ne porte pas le voile. Je ne me voilerai pas. Ils ont cherché à m'imposer cela, à me mettre devant le fait accompli, eh bien on ne me met pas devant le fait accompli", a-t-elle dit aux journalistes.
Dar el-Fatwa, la plus haute autorité sunnite au Liban présidée par le mufti, a indiqué de son côté dans un communiqué que "son bureau de presse avait informé la candidate à la présidentielle, par l'intermédiaire d'un de ses collaborateurs, de la nécessité de se couvrir la tête lors de sa rencontre avec son éminence (le mufti) selon le protocole de Dar el-Fatwa".
L'institution sunnite a ajouté que "les responsables de Dar el-Fatwa ont été surpris par son refus de se conformer à cette règle bien connue". Elle exprime ses regrets "pour ce comportement inconvenant pour des réunions pareilles".
Le geste de Marine Le Pen a été immédiatement salué sur Twitter par son bras droit, l'eurodéputé Florian Philippot: "Un magnifique message de liberté et d'émancipation envoyé aux femmes de France et du monde."
Au Liban, Marine refuse de porter le voile. Un magnifique message de liberté et d'émancipation envoyé aux femmes de France et du monde ! pic.twitter.com/jAvKEfjGEF
— Florian Philippot (@f_philippot) February 21, 2017
Divergences avec Geagea
Mme Le Pen est en visite depuis dimanche et jusqu'à mardi après-midi au Liban. Elle a rencontré ce matin à Bkerké le patriarche maronite Béchara Raï. A l'issue de la réunion, elle a salué la culture libanaise de "modération, créée par les chrétiens et les musulmans".
La présidente du FN s'est par la suite entretenue avec le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, qui est hostile au président syrien Bachar el-Assad. A l'issue de la réunion, elle a reconnu des divergences de point de vue avec le leader maronite. Elle a toutefois affirmé : "Sur le fond, nous finissons toujours par être d'accord pour réfléchir à ce que la France reste préservée des dangers, et le Liban aussi ; des dangers d'aujourd'hui et de demain".
La présidente du FN défend le président Assad, alors que les Libanais sont divisés entre partisans et opposés au régime syrien du fait des trente ans d'occupation et des assassinats politiques pour lesquels Damas est pointé du doigt.
(Lire aussi : "Le bleu du Liban est si peu Marine" : des Libanais manifestent contre la visite de Le Pen (vidéo))
M. Geagea a d'ailleurs fait savoir à son invitée qu'il considérait le président syrien comme "l'un des plus grands terroristes de la Syrie et de la région". Il a rappelé à Mme Le Pen "les opérations militaires du régime Assad au Liban durant des décennies, ainsi que la série d'assassinats qui a visé les personnalités de la Révolution du Cèdre (l'alliance du 14 Mars, ndlr), pointant du doigt ainsi le régime Assad. M. Geagea a dans ce contexte affirmé qu'il ne pouvait accepter le maintien au pouvoir de Bachar el-Assad, refusant toutefois l'équation selon laquelle "l'alternative au président Assad serait les islamistes". "Nous ne voulons ni l'un ni l'autre", a-t-il dit.
M. Geagea a en outre estimé que le conflit au Moyen-Orient "n'oppose pas les chrétiens aux musulmans, mais plutôt les terroristes aux modérés de tout Etat, groupe ou religion".
Un peu plus tôt, le leader libanais druze Walid Joumblatt avait estimé sur son compte Twitter que les propos de Mme Le Pen, au sujet de Bachar el-Assad, sont "une insulte pour le peuple libanais et le peuple syrien". Le chef du parti Kataëb Samy Gemayel n'a pas non plus apprécié sa défense de M. Assad. "On ne lutte pas" contre "l'extrémisme (...) en soutenant les dictatures mais en soutenant les forces modérées et en diffusant les valeurs de tolérance, de diversité et de démocratie", a-t-il dit en la recevant à son siège.
Lors d'une conférence de presse avant de quitter le sol libanais, Mme Le Pen a récusé le terme de soutien au président syrien. "Je ne le connais pas et je ne l'ai jamais rencontré. Ce que je dis, c'est que dans l'intérêt de la France, qui est ma seule grille de lecture, dans l'état actuel de la situation en Syrie, il n'existe pas d'alternative au régime". Face à l'importance du nombre de réfugiés syriens au Liban, elle a souhaité que "la Syrie prenne les dispositions pour accueillir à nouveau ses ressortissants, dans des zones sécurisées, car toute la Syrie n'est pas en guerre", a-t-elle dit.
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commentaires (25)
REVENEZ QUAND VOUS LE VOUDRIEZ MARINE. VOUS ÊTES CHEZ VOUS AU LIBAN.
FRIK-A-FRAK
21 h 39, le 21 février 2017