Les clarifications apportées par Baabda sur les récentes positions du président de la République par rapport aux armes du Hezbollah n'ont pas réussi à convaincre les alliés du CPL et de Michel Aoun. Les milieux proches de ce dernier avaient pourtant précisé que les propos du chef de l'État ne portaient pas sur les armes du parti chiite en tant que telles mais étaient une formulation de réponse à une question qui lui avait été posée lors d'une interview télévisée sur une chaîne égyptienne.
À la journaliste qui l'interrogeait, M. Aoun a simplement voulu expliquer la différence entre les armes utilisées pour combattre Israël et qui ne posaient pas problème, et l'emploi de ces armes à l'intérieur qui est source de tourment, précise-t-on. En évoquant les faibles moyens aux mains de l'armée libanaise, le président faisait allusion aux carences de l'institution militaire en équipements de guerre, tels que les avions, les fusées et obus, pour faire face à l'État hébreu. C'est donc sous ce seul angle qu'il faudra interpréter sa déclaration.
Des sources aounistes tiennent à souligner à ce propos que cette position n'a rien de nouveau, puisque le chef de l'État continue de soutenir la même logique depuis l'adoption de l'accord d'entente entre le CPL et le parti chiite. Ces sources tiennent à faire remarquer que l'entente signée entre les deux formations reste solidement ancrée au nouveau de leur base populaire, l'accord étant très clair sur le rôle de la résistance.
Certains observateurs s'interrogent toutefois sur le timing d'une telle déclaration qui semble pour le moins douteux à la lumière de la confrontation corsée actuellement entre la nouvelle administration américaine et la République islamique d'Iran. Celle-ci a eu lieu en concomitance avec les nouvelles mesures décidées par le président des États-Unis, Donald Trump, à l'encontre du Hezbollah et de certains de ses bailleurs de fonds.
Selon des milieux diplomatiques, le gouvernement américain pourrait même prendre des décisions à l'encontre des brigades de la révolution iranienne, ce qui ne devrait pas non plus arranger les choses.
Les propos du chef de l'État sont intervenus dans ce contexte et après la visite de M. Aoun en Arabie saoudite puis au Qatar, une tournée placée sous le signe de la politique d'ouverture à l'égard du Golfe et de la consolidation des relations avec les pays arabes. L'intervention de M. Aoun sur les armes du parti chiite survient également quelques jours après la tournée à Beyrouth du ministre d'État saoudien pour les Affaires du Golfe, Thamer al-Sabha, et son annonce officielle du retour à la normalité des relations entre les deux pays, le responsable saoudien ayant promis pour la circonstance un afflux prochain des touristes et des investissements du Golfe au Liban ainsi que la désignation d'un nouvel ambassadeur.
(Lire aussi : Les propos de Aoun, un glissement vers le Hezbollah)
Fait surprenant, la position affichée par Michel Aoun au sujet des armes du Hezbollah vient contredire de manière patente la teneur de son discours d'investiture au cours duquel il avait clairement proclamé la distanciation du Liban des crises régionales et insisté sur le rôle d'avant-garde de l'armée libanaise pour défendre le territoire.
Des sources informées ont estimé que les déclarations de M. Aoun ont cependant mis au pied du mur ses alliés au sein du courant du Futur et des Forces libanaises qui de leur côté ont préféré garder profil bas et ne pas commenter pour éviter d'être entraînés dans le traquenard tendu par le Hezbollah qui cherche à semer la discorde au sein de la troïka au pouvoir, c'est-à-dire entre le CPL, les FL et le courant du Futur. Les sources relèvent à ce sujet le mécontentement du parti chiite de la prestation du pouvoir en place au lendemain notamment de l'ouverture amorcée en direction des pays arabes et du Golfe, plus particulièrement de l'Arabie saoudite que le chef de l'État a tenu à visiter en premier dès son accès à la présidence. Autant de signes à craindre par le parti chiite de plus en plus mécontent de l'attitude conciliante du nouveau mandat à l'égard de ses adversaires régionaux.
Écarté de surcroît du compromis qui a engendré l'alliance tripartite qui s'est formée autour du pouvoir, le Hezbollah n'a pas trop attendu pour réagir en ripostant localement par le biais d'une contre-position en matière de loi électorale. C'est ainsi qu'il faut comprendre l'annonce de son refus du système mixte avalisé par le chef du CPL, Gebran Bassil, et le reste du quartette, pour revenir à son projet initial, à savoir la proportionnelle pure appliquée à la circonscription unique, et ce sachant pertinemment que cette formule va être rejetée par la quasi-majorité des parties.
Dans certains milieux politiques, l'on considère que les positions de Michel Aoun au sujet des armes illégales du Hezbollah recèlent un message politique clair adressé à ce dernier qui a toutefois coïncidé avec l'escalade amorcée sur le terrain de la loi électorale. Une situation qui pourrait conduire à un blocage des législatives d'autant que le chef de l'État n'acceptera ni un scrutin sur la base de la loi de 1960 ni un renouvellement du mandat du Parlement.
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commentaires (5)
Le Liban est à la merci d'un démembrement et d'une destruction de ses institutions avec ce président
FAKHOURI
18 h 07, le 14 février 2017