L'ambassade de la Confédération helvétique a organisé la semaine dernière une conférence portant sur un thème d'une brûlante actualité pour le Liban : « Défense et société: l'expérience suisse, similitudes avec le Liban? ». L'intervenant – l'attaché de défense près l'ambassade, le colonel Urs Sulser – a relevé que le système de défense suisse est basé sur un service militaire obligatoire de six mois que tout citoyen de plus de 18 ans doit suivre. Le conscrit se transforme ainsi en soldat de réserve autorisé à garder son arme à domicile et appelé à se livrer chaque quelque temps à des exercices d'entraînement. Il se forme de ce fait une vaste « milice » de facto, encadrée toutefois par des militaires professionnels dans une structure étatique centralisée.
Pourrait-il y avoir à cet égard « similitude avec le Liban » ? En clair, le cas suisse pourrait-il servir de modèle pour régler le problème posé par l'armement illégal du Hezbollah ? En théorie, ce précédent pourrait paraître séduisant. Mais en théorie uniquement... Le contexte libanais présent, dans toute sa complexité, porte en effet en lui-même les limites d'une transposition de l'expérience helvétique au pays du Cèdre. Il reste que la comparaison tombe aujourd'hui à point nommé pour illustrer les failles de la position affichée par le président Michel Aoun dans son interview à une télévision égyptienne au sujet des armes du Hezbollah. Le chef de l'État a souligné que « tant que l'armée libanaise ne détient pas la force suffisante pour faire face à Israël, l'armement du Hezbollah est nécessaire car il est complémentaire à celui de l'armée et il n'est pas en porte-à-faux avec cette dernière ». Peut-être... Sauf que l'arsenal du parti chiite échappe totalement au contrôle non seulement de l'État libanais, mais du Hezbollah lui-même car il constitue – avec les pasdaran – le principal élément de la stratégie régionale du pouvoir des mollahs à Téhéran, et son utilisation dépend directement d'une décision du guide suprême de la révolution iranienne. La doctrine du Hezbollah est on ne peut plus claire sur ce plan: la décision de guerre et de paix relève de manière absolue du guide suprême.
Reconnaître, en sa qualité de président de la République, à un instrument militaire iranien un rôle « complémentaire » à celui de l'armée dans la défense du territoire est, certes, en contradiction avec la teneur du discours d'investiture (qui a insisté sur la neutralité du Liban vis-à-vis des conflits régionaux), mais cela est surtout en totale contradiction avec la résolution 1701 du Conseil de sécurité. Ce qui fait la force du système de défense helvétique, c'est précisément la ferme détermination des diverses composantes suisses, à travers l'histoire, à défendre la souveraineté de leur pays et à se tenir à l'écart des convoitises des puissances régionales. Le Hezbollah est très, très loin d'une telle posture, son projet politique étant par essence transnational et aligné inconditionnellement sur Téhéran.
Le président Aoun a axé toute sa campagne pour la présidentielle sur sa stature de président fort, ce qui implique, a fortiori, le rétablissement de l'autorité du pouvoir central et la primauté de la logique de l'État. Tels sont, du moins, tous les espoirs fondés sur le nouveau régime. Déclarer sans détour que l'armée n'est pas suffisamment forte pour assurer sa mission et qu'elle a besoin du soutien d'une milice partisane – qui, de surcroît, relève d'une puissance étrangère – revient à porter un coup sévère au processus de redressement national et de recouvrement du prestige et de l'autorité de la présidence de la République.
Pourquoi le président Aoun a-t-il donc affiché une telle position ? Realpolitik bien réfléchie, ou plutôt reflet télécommandé d'une riposte première du Hezbollah à la politique de fermeté, voire d'hostilité, adoptée par l'administration Trump à l'égard de l'Iran ? Quel que soit le cas de figure, si Baabda poursuit sur cette voie descendante, en négligeant de faire prévaloir la logique de l'État rassembleur attaché à la neutralité régionale, c'est tout le projet de « président fort » qui risque d'être rogné progressivement à la base pour finalement voler en éclats. Et c'est la spécificité même du pluralisme libanais qui serait alors en réel danger.
Force et faiblesse
OLJ / Par Michel TOUMA, le 14 février 2017 à 02h36
commentaires (6)
"Pourquoi Äâoûn a-t-il donc affiché une telle position ? Realpolitik bien (réfléchie!), ou plutôt reflet télécommandé d'une riposte première du héZébbb à la politique d'hostilité adoptée par l'administration Trump à l'égard de l'Iran Per(s)cée ?" ! Évidemment, que ce n'est que "le reflet télécommandé d'une riposte du héZébbb...." !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
18 h 48, le 14 février 2017