« Il y aura un avant et un après Alep. Mais de toute manière l'appareil sécuritaire reviendra, juste sous une autre forme. » Cette phrase du commandant de l'une des factions armées de la rébellion syrienne exprime un sentiment qui semble se généraliser parmi elles.
Il faut préciser que le sentiment de victoire qu'a pu ressentir le régime syrien après la prise d'Alep a dû avoir un goût amer, après avoir de nouveau perdu Palmyre aux mains de l'État islamique. Cela reflète bien la faiblesse des troupes du régime syrien et révèle la fausseté des allégations russes selon lesquelles Moscou combat l'EI. Au contraire, la Russie consacre la majorité de ses effectifs et de ses forces aériennes et navales à combattre l'opposition armée au régime, tout en ignorant trop souvent le danger de l'EI. Cela pourrait pousser la Russie à repenser sa campagne militaire et à privilégier la recherche d'une solution politique, afin d'éviter davantage de pertes matérielles ainsi qu'une lutte d'influence avec son allié iranien.
Après le bain de sang et le déplacement forcé de la population d'Alep-Est, et après avoir donné un vernis de légitimité à un régime en décomposition face à la communauté internationale, la Russie a lancé des négociations pour un cessez-le-feu qui serait suivi d'une solution politique entre les forces de l'opposition et le régime syrien. Comme elles sont parrainées par Moscou, ces tractations ne sont pas pour rassurer l'opposition, qui dénonce régulièrement les violations (du cessez-le-feu en vigueur) par les forces du régime syrien et les milices étrangères qui lui apportent leur appui sur l'ensemble du territoire syrien.
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L'Iran à la traîne
Pour le colonel (de l'Armée syrienne libre) Hassan Omar Loutfi Rajoub, commandant de l'Unité 23 déployée dans la province d'Idleb, et notamment la ville éponyme ainsi que dans le rif d'Alep, une nouvelle configuration alliant la Turquie à la Russie se dessine, laissant l'Iran à la traîne. « L'accord (de cessez-le-feu) a été conclu entre la Russie et la Turquie, qui se portent respectivement garantes du régime syrien et de l'opposition, et de leur respect de la trêve », affirme le colonel Hassan. Ce dernier rappelle que l'engagement en faveur d'un cessez-le-feu concernant tout le territoire, à l'exception des zones sous contrôle de l'État islamique, est censé conduire à un processus politique et à un gouvernement de transition sur la base de l'accord de Genève 1 et la résolution 2 254 des Nations unies.
Fateh el-Cham (ex-Front el-Nosra, branche syrienne d'el-Qaëda), depuis toujours un point de contentieux entre l'opposition et les Russes, représente un prétexte pour le régime et ses alliés pour éliminer l'opposition et détruire toute ville sortie du contrôle du régime de Bachar el-Assad. Pour le colonel Hassan, Fateh el-Cham se doit donc de prendre une décision historique de fusionner avec les différentes factions de l'Armée syrienne libre. « Ainsi la Russie n'aura plus de raison pour chercher à les éliminer », juge-t-il.
Le rapprochement russo-turc a rapidement inversé la donne sur le terrain, comme cela a pu être vu par l'opération turque en Syrie, Bouclier de l'Euphrate, et l'évacuation des habitants d'Alep-Est. Le colonel Hassan n'a donc pas peur que la Turquie retire son soutien à la révolution syrienne. « Politiquement, la Turquie n'a pas changé sa position sur les révolutionnaires et la révolution, et leur apporte son assistance, mais nous trouvons ironique que les ennemis d'hier soient les amis d'aujourd'hui. » Bien entendu, l'aide politique, financière et militaire que le régime syrien reçoit de ses alliés est infiniment supérieure à celle que reçoit l'opposition. « Sans allié fort, l'ASL a aujourd'hui les mains liées », estime le colonel. Pour lui, la solution réside dans l'union des différentes factions sur le terrain. « Si les factions combattantes avaient un seul commandant, cela changerait totalement la donne. »
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Avant et après Alep
Mais le commandant de la Brigade 23 n'est pas optimiste en ce qui concerne l'avenir de la révolution syrienne, alors que le silence de la communauté internationale est assourdissant, notamment après ce qui s'est passé dans les quartiers d'Alep-Est. « Il y aura un avant et un après Alep, mais de toute manière l'appareil sécuritaire reviendra et ressemblera en tous points à celui qui fut mis en place dans les années 1980. »
Face aux forces de l'opposition syrienne, celles de l'opération Bouclier de l'Euphrate mise en place par Ankara dans le nord de la Syrie semblent bien plus optimistes. Fahim Issa, commandant de la division Sultan Mourad, de l'opération Bouclier de l'Euphrate, est quant à lui plein d'espoir en ce qui concerne l'avenir de la révolution, qui a pu résister au régime syrien pendant six ans, et il reste persuadé que la révolution vaincra face à la destruction du pays.
Il affirme également que les forces combattantes de l'opération Bouclier de l'Euphrate respectent le cessez-le-feu. Toutefois, si ce dernier vole en éclats, le commandant Issa estime que la confrontation avec les forces du régime sera inévitable. « Notre rôle ne se limite pas à combattre l'EI uniquement », affirme-t-il. Le Front Fateh el-Cham a plusieurs fois été désigné par la Turquie comme « organisation terroriste », mais Fahim Issa se demande quels critères ont été utilisés pour ce faire. « Pour nous, c'est un groupe qui fait partie de l'opposition syrienne et qui combat aux côtés des révolutionnaires et de tous les groupes armés. Mais je ne pense pas que Sultan Mourad s'unira un jour avec Fateh al-Cham ». Pour le commandant Issa, les différents groupes armés ont chacun des idées différentes sur la manière d'atteindre un objectif pourtant commun à tous, bien que cela ne représente pas un obstacle insurmontable. Il donne l'exemple des différentes factions du Bouclier de l'Euphrate qui opèrent sous un commandement conjoint. Et après la libération de la ville d'al-Bab, conclut-il, il faut absolument chasser l'EI des villes de Deir Hafer et Maskana, dans le Nord syrien.
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commentaires (5)
parfaitement bien dit !!
Bery tus
00 h 10, le 14 janvier 2017