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Économie - Interview

Salamé : L’ingénierie financière a généré 5 milliards de dollars de revenus pour les banques

Par leur complexité et l'ampleur des fonds en jeu, les échanges de titres de dette cet été par la Banque du Liban avec le ministère des Finances puis le secteur bancaire ont alimenté de nombreux rapports, articles et spéculations. Dans un entretien exclusif avec « L'Orient-Le Jour », le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, lève le voile sur certains détails de ces opérations.

Le gouverneur de la BDL, Riad Salamé. Photo Nasser Trabulsi

Vous avez récemment annoncé la fin des opérations d'ingénierie financière menées cet été par la BDL. Si celle-ci a beaucoup communiqué sur leurs objectifs et leurs retombées, certains détails financiers n'ont pas encore été divulgués. Dans quelle mesure ces opérations étaient-elles nécessaires et quels ont été les montants en jeu ?
Ces opérations ont eu lieu de manière continue entre mai et août, et sont désormais terminées. Elles ont été imposées par le contexte du début de l'année, marqué notamment par : la poursuite de la paralysie institutionnelle et de la crise régionale ; un déficit de la balance des paiements de 1,7 milliard de dollars à fin mai ;
une baisse significative des réserves en devises de la BDL, du fait de ses achats de titres de dette publique en devises ; et un net déclin de la croissance des dépôts bancaires à 0,9 % sur les quatre premiers mois de l'année, dû notamment à la baisse des remises et à la chute des prix de pétrole.

Ce contexte dictait à la BDL de prendre une initiative pour préserver l'économie et la livre libanaise sans avoir à relever les taux d'intérêt, dans un contexte de croissance faible. Nous avons donc mis en place cette ingénierie complexe qui a consisté en trois volets.
En mai, la BDL a échangé avec le ministère des Finances l'équivalent de 2 milliards de dollars de bons du Trésor en livres libanaises contre le même montant en eurobonds.
Pour renflouer ses réserves en devises, elle est ensuite allée voir les banques pour leur céder des titres en devises – les eurobonds échangés en mai, un autre stock d'eurobonds qu'elle détenait déjà et des certificats de dépôts émis en dollars – contre des dollars frais provenant de l'extérieur. Au total, ces opérations ont porté sur un montant supérieur à 12 milliards de dollars, soit plus de 20 % du PIB.

Pour inciter les banques à participer, et afin qu'elles puissent renforcer leur bilan, la BDL leur a parallèlement racheté des bons du Trésor et des certificats de dépôts en livres pour un montant équivalent à leur apport en dollars. Ces titres ont été rachetés avec un taux d'escompte de 0 % (ce qui signifie qu'outre la valeur nominale des obligations, la BDL a payé immédiatement aux banques les intérêts qu'il leur restait à percevoir sur ces titres, NDLR). Mais les banques n'ont reçu que 50 % des intérêts de ces obligations, puisque la BDL en a prélevé l'autre moitié.

Quel a été le montant des profits immédiats générés par les banques lors de ces opérations et quel en a été le coût pour la BDL ?
L'ensemble des banques participantes a eu des revenus immédiats équivalents à 5 milliards de dollars, et la BDL a généré des revenus identiques. Mais il s'agit de revenus et non de bénéfices immédiats. À travers trois circulaires, la BDL a demandé qu'une partie de ces revenus soit consacrée à la recapitalisation des banques et aux provisionnements nécessaires à l'application de la norme comptable internationale IFRS 9 (à partir de 2018, NDLR). Cette part de revenus a représenté environ 2,4 milliards de dollars.

Cela ne veut pas dire pour autant que les banques ont enregistré 2,6 milliards de dollars de gains. Car pour attirer plus de devises, certaines banques ont aussi créé des produits structurés dans lesquels elles partagent une partie des gains avec leurs clients et où la BDL n'est nullement concernée. Il faudra attendre les bilans de fin d'année des banques pour pouvoir évaluer ces coûts et les profits pour les banques, mais ils seront bien moins importants que ce que l'on imagine.

Surtout, dans cette opération, aucune des parties n'a perdu de l'argent, et c'est ce qui a créé l'incompréhension. Car si la BDL a versé immédiatement 5 milliards d'intérêt aux banques, elle a aussi inscrit la même somme sur ses registres et est devenue propriétaire des obligations en livres échangés. Elle encaissera donc aussi (de l'État, NDLR) les intérêts à venir sur ces titres en fonction de leur maturité.

Quels ont été les autres effets de ces opérations ?
Cette ingénierie financière a d'abord permis de renflouer les réserves en devises de la BDL qui ont atteint un record historique, à plus de 40 milliards de dollars fin octobre. Elles ont aussi permis à la balance des paiements de redevenir excédentaire (de 555 millions de dollars fin septembre). Ensuite, elles ont facilité la baisse des coûts d'emprunt de l'État libanais.
Enfin, elles ont permis de faire repartir la croissance des dépôts bancaires à 2,5 % sur la période suivant l'ingénierie. Cette liquidité supplémentaire va permettre aux banques d'augmenter les crédits en livres, renforçant le statut de la monnaie nationale, et de soutenir davantage l'activité des PME.

 

(Lire aussi : L'interventionnisme économique de la BDL a-t-il porté ses fruits ?)

 

Compte tenu de la conjoncture, le secteur privé pourra-t-il absorber autant de liquidités, ou celles-ci seront aussi dédiées à l'achat de titres de dette publique en livres ? Dans une note publiée en octobre sur cette ingénierie, l'agence Moody's s'inquiétait notamment des risques posés par un excès éventuel de leurs liquidités en livres...
Environ la moitié de ces liquidités en livres est placée sous forme de dépôts à long et moyen terme à la BDL. Le reste sera réparti entre une enveloppe de crédits au secteur privé et un compte spécial détenu par les banques, auprès duquel le gouvernement pourra emprunter à 5 % pour une période de 5 ans, soit un taux inférieur de deux points à celui du marché.
Selon nos estimations basées sur le taux de croissance des prêts en 2016, les banques vont prêter environ 5 000 milliards de livres au secteur privé en 2017, et environ 3 000 milliards de livres alimenteront le compte spécial pour financer l'État. Il ne devrait donc pas y avoir d'excès de liquidité pouvant poser des problèmes et Moody's a fait son rapport trop tôt.

La BDL compte-t-elle avoir à nouveau recours à ce type d'opérations non conventionnelles ?
Cette ingénierie financière a permis de maintenir la stabilité de la livre et de renforcer le secteur bancaire et sa capacité à financer l'économie dans le contexte décrit précédemment. Mais elle n'a pas résolu les problèmes fondamentaux du pays. Ils ne peuvent être réglés que par un programme économique visant à mettre en œuvre les réformes nécessaires.
Aujourd'hui, nous espérons avoir un autre contexte avec un retour progressif à la normale suite à l'élection de Michel Aoun à la présidence de la République et la désignation de Saad Hariri au poste de Premier ministre, qui sera suivie par la formation d'un gouvernement. Ce nouvel environnement devrait permettre une relance de l'activité et un maintien de la stabilité monétaire avec les instruments traditionnels.

Votre mandat à la tête de la Banque centrale échoit l'été prochain, souhaitez-vous être reconduit pour un cinquième mandat ?
Il est bien trop tôt pour en parler, d'autant que cette question fait déjà polémique et que le gouvernement n'a pas encore été formé...

 

Pour mémoire
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Vous avez récemment annoncé la fin des opérations d'ingénierie financière menées cet été par la BDL. Si celle-ci a beaucoup communiqué sur leurs objectifs et leurs retombées, certains détails financiers n'ont pas encore été divulgués. Dans quelle mesure ces opérations étaient-elles nécessaires et quels ont été les montants en jeu ?Ces opérations ont eu lieu de manière...

commentaires (4)

Mythomanie quand tu "nous(?!)" tiens....

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

23 h 28, le 03 décembre 2016

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Commentaires (4)

  • Mythomanie quand tu "nous(?!)" tiens....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    23 h 28, le 03 décembre 2016

  • UNE FOIS J,AI SAUVE UNE BANQUE DONT JE NE DONNE PAS LE NOM. J,AVAIS PRIS UN CREDIT DE UN MILLION DE DOLLARS QUAND LA LIVRE ETAIT AU PLUS BAS POUR CINQ ANS. QUAND LA LIVRE AVAIT DEPASSE LES 2500 ET DE LOIN, L,ADMINISTRATION M,AVAIT PRIE DE REMBOURSER SI JE PEUX POUR SAUVER LA BANQUE CONFRONTEE A DES DIFFICULTE ET J,AI REMBOURSE IMMEDIATEMENT 4 ANS AVANT L,ECHEANCE LE MILLION DE DOLLARS. ILS ME DOIVENT UNE CHANDELLE.

    JE SUIS PARTOUT CENSURE POUR AVOIR BLAMER GEAGEA

    15 h 54, le 03 décembre 2016

  • En comptabilité générale, tout cela semble tenir. Il manquerait un compte spécial à ouvrir intitulé " risques de change ". En économie réelle, on serait dans une logique de pure acrobatie financière - et non d'ingéniérie - qu'on appelle populairement " tarkib tarabich ".

    Khlat Zaki

    11 h 14, le 03 décembre 2016

  • DU : MIN JAYBE LA JAYBE... OU DU PROFIT SANS PROFIT...

    JE SUIS PARTOUT CENSURE POUR AVOIR BLAMER GEAGEA

    08 h 51, le 03 décembre 2016

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