Hier au Biel, où se tient jusqu'à dimanche soir le Salon du livre francophone, résonnaient six voix, six tonalités, six accents... et pourtant, un seul livre, un même mal: le monde déshumanisé. Venus de 11 pays du Moyen-Orient, les étudiants membres du jury lisaient des extraits du livre lauréat du prix Goncourt/Choix de l'Orient 2016, Petit Pays de Gaël Faye.
Après de longues heures de délibérations présidées par la romancière Salma Kojok, 20 jurés des 34, venus de 28 universités, se prononcent enfin en faveur de ce titre faussement enfantin. L'histoire de Gabriel, qu'un étudiant irakien estime être une réminiscence éponyme du prénom de l'auteur, mais surtout le portrait de tout migrant expatrié aux prises avec les misères de la guerre, suscite l'émoi et stimule les imaginations à l'amphithéâtre Gebran. Le Petit Pays serait au vu des uns une allégorie de la famille de Gabriel déchirée par les violences internes. D'autres y voient l'enlisement involontaire dans le tourbillon effréné des guerres, l'aliénation d'un homme et sa mutation en meurtrier, ou encore la dénonciation, en filigrane, des traumatismes subis par les déracinés, les déplacés, les déportés.
Tous insistent sur la symbolique universelle véhiculée par la nostalgie du pays natal, le tourment des malheurs, l'absurdité des guerres. « Ce roman illustre l'actualité aux quatre coins du monde. » « Il reflète la métastase générale qui dévaste le monde. » « Il évoque la quête d'une humanité de plus en plus occultée par la violence et la technologie. » En fait, « l'humanité déshumanisée » et le « monde démantelé » sont une trame commune aux huit romans qui étaient en lice pour la cinquième édition d'un concours qui, au contraire, « représente une somme de pays extraordinaires », selon la représentante de l'Académie Goncourt Paule Constant, et jouit, tel que le souligne le directeur du bureau Moyen-Orient de l'AUF, Hervé Sabourin, « de multiples vertus », notamment « celle du dialogue interculturel tellement nécessaire dans une région et dans un monde en crise ». Avis partagé à l'unanimité par l'ambassadeur de France Emmanuel Bonne, l'ambassadeur d'Égypte Nazih al-Naggari et le ministre de la Culture Rony Arayji.
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