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À La Une - Portrait

Donald Trump, la fin justifie les moyens

Le milliardaire a su capter la colère de nombreux Américains contre l'élite de Washington jugée déconnectée du pays.

Donald Trump, après avoir voté à New York, le 8 novembre 2016. AFP / Robyn Beck

Dans une débauche de scandales, de provocations et d'insultes, et avec un art consommé du recours aux médias qui lui avait permis d'accéder à la notoriété comme homme d'affaires, Donald Trump a secoué comme jamais les traditions démocratiques américaines dans l'espoir d'entrer à la Maison Blanche. Espoir qui s'est transformé en réalité à l'issue du vote des Américains, ce 8 novembre.

Depuis qu'il s'est lancé dans la course à la présidentielle sur le parvis de sa Trump Tower, à New York, le 16 juin 2015, le candidat républicain s'est montré autant charismatique que combatif, élitiste que populiste, grivois que pieux. Il a surtout su capter la colère de nombreux Américains contre l'élite de Washington jugée déconnectée du pays.

 

 

Ce 8 novembre, Donald Trump s'exposait pour la première fois de sa vie au verdict des urnes en disputant à la démocrate Hillary Clinton le fauteuil du Bureau ovale.

A l'issue de ce qu'il qualifie de "mouvement", et non de campagne, le magnat de l'immobilier s'affichait ces derniers jours plus sûr de lui que jamais. Il a attiré à chacun de ses meetings une foule de partisans enthousiastes. Ses admirateurs s'émerveillant qu'il "dise ce que tout le monde pense" et l'admirant pour sa dénonciation du "système" et son rejet des convenances.

Les autres voient en lui un misogyne, un démagogue, un raciste ou un prédateur sexuel. Ils le jugent incompétent, instable et incapable d'exercer la fonction présidentielle. Autant d'accusations qu'il balaie d'un revers de la main et qui, malgré quelques remous, n'ont pas enrayé sa marche en avant.

Il ne lui a fallu que dix mois pour tailler en pièces tout ce que le Parti républicain comptait de postulants à la Maison blanche. Et devenir, à 70 ans, le premier candidat sans aucune expérience politique depuis le général Dwight Eisenhower dans les années 1950.

 



 

Polémiques en série
L'ancienne vedette de la télé-réalité a attiré un nombre record d'électeurs pendant les primaires républicaines, mais il a aussi ouvert des brèches béantes au sein du Grand Old Party, au point d'avoir parfois semblé faire campagne contre son propre parti.

Il a choqué de nombreux Américains en déclarant qu'il ne reconnaîtrait pas forcément les résultats de l'élection, et répété à l'envi qu'elle serait de toute façon "truquée" au bénéfice de sa rivale. Et il a promis à Hillary Clinton, qu'il ne cite jamais sans l'affubler du qualificatif "escroc" ou "corrompue", qu'elle finirait en prison s'il était élu.

Sa campagne a parfois tangué, notamment le mois dernier après la diffusion d'une vidéo tournée à son insu en 2005 dans laquelle il racontait de manière crue à un journaliste que sa fortune lui permettait d'agresser sexuellement des femmes en toute impunité.

 

(Pour mémoire : Déluge d'accusations sexuelles contre Donald Trump, qui dénonce un complot)

 

Mais, impassible face à l'avalanche de critiques et d'appels émanant de son propre camp à se retirer de la course, Donald Trump a résumé la question à une simple "conversation de vestiaire". Et a rejeté avec le même aplomb les accusations de harcèlement ou d'agressions sexuels formulées par une douzaine de femmes.

Pendant toute sa campagne, et en particulier lors de son discours devant la convention républicaine qui l'a investi à contrecoeur en juillet, le magnat de l'immobilier a dressé le portrait au vitriol d'une Amérique mise à genoux par la Chine, le Mexique, la Russie ou le groupe Etat islamique. Le rêve américain est mort, a-t-il martelé, assassiné par des affairistes et des politiciens corrompus que lui seul dit pouvoir remettre au pas.

 

Incarnation de la "success story"
Donald Trump n'a de cesse de répéter qu'il "rendra sa grandeur à l'Amérique", grâce à sa personnalité, ses talents de négociateur et son sens des affaires. Il a juré de mettre au pas la Chine sur le plan commercial, d'ériger un mur le long de la frontière mexicaine en le faisant financer par Mexico ou encore d'interdire l'entrée du territoire américain aux musulmans. Il a promis d'enterrer l'Obamacare, la réforme de santé du président sortant, l'accord de Paris sur le climat, et d'être "le plus grand faiseur d'emplois que Dieu ait jamais créé".

Donald Trump se veut l'incarnation de la "success story". Il a fait fortune, épousé trois femmes dont la dernière en date est un ancien mannequin, eu sa propre émission de télévision et érigé des gratte-ciels portant son nom en lettres dorées.

A l'écouter, sa vie n'est que superlatifs. Et qu'importent les banqueroutes, les investissements hasardeux, le fiasco des casinos d'Atlantic City, dans le New Jersey, ou le fait qu'il n'ait apparemment pas payé d'impôts depuis vingt ans.

Donald Trump avait été tenté par le passé par la course à la présidentielle. Lorsqu'il est passé à l'acte cette fois-ci, certains ont d'abord pensé qu'il le faisait par pure vanité, obsédé par son ego et la mise en valeur de la marque "Trump". Ils ont vite déchanté lorsqu'il a battu l'un après l'autre les autres prétendants de la course à l'investiture républicaine, infligeant à certains d'entre eux l'humiliation d'une défaite électorale sur leurs propres terres malgré une campagne tout ce qu'il y a de peu conventionnelle.

Dès lors, la machine était lancée. Après avoir un temps intrigué pour ne pas avoir à l'investir, les dirigeants républicains ont dû se rendre à l'évidence que rien ne l'arrêterait, même si nombre d'entre eux ont gardé leurs distances, ou ne lui ont apporté qu'un soutien de façade.

Si la composition de son équipe de campagne a évolué au gré des scandales et des glissements dans les sondages, elle est restée concentrée autour d'un noyau dur composé de ses trois premiers enfants, Donald Jr, Eric et Ivanka, et du mari de cette dernière, Jared Kushner.

 

(Repère : Une radiographie des électeurs américains)

 

Déchaîné sur Twitter
L'arme absolue de Donald Trump, c'est Twitter. Le milliardaire se déchaîne sur les réseaux sociaux, jour et nuit, insultant grossièrement ou tournant en dérision ceux qui le critiquent, à commencer par "Crooked Hillary", "Hillary la véreuse".

Déterminé à avoir le dernier mot, l'homme d'affaires s'est parfois enferré dans des polémiques inutiles, voire néfastes pour ses intérêts électoraux, comme lorsqu'il a ferraillé avec la famille d'un capitaine musulman de l'US Army tué au combat en Irak. Fin octobre, le New York Times s'était amusé à répertorier les noms des 282 personnes que Donald Trump a insultées sur Twitter depuis le lancement de sa campagne.

Mais l'homme d'affaires se moque des conventions autant que des contradictions. Dans ses meetings, il promet de ramener des emplois en Amérique alors qu'il a fait confectionner sa ligne de vêtements à l'étranger. Il dénonce la corruption et le pouvoir de l'argent en politique dans une phrase, et se réjouit dans la suivante d'avoir obtenu des passe-droits grâce à sa fortune.

 

(Lire aussi : Quand Trump continue de négocier des affaires avec « l'ennemi » chinois)

 

Donald Trump se comporte et s'exprime sur la scène politique comme il le faisait dans "The Apprentice", son émission de télé-réalité où il distribuait avec gourmandise des "Vous êtes viré !" aux candidats malheureux sous les vivats des spectateurs. Ses discours sont souvent décousus, remplis d'improvisations et de digressions sur sa richesse ou son intelligence, ou de remarques fielleuses à l'adresse de ses adversaires.

Quitte à dire ensuite qu'elles ont été "déformées" ou "mal comprises", comme lorsqu'il a suggéré que seul un partisan du port d'arme pourrait empêcher Hillary Clinton de nommer à la Cour suprême un juge susceptible de revenir sur ce droit si elle accède à la Maison blanche. Nombre de commentateurs, à commencer par la candidate démocrate, y ont vu une invitation à peine voilée à l'assassiner, ce dont Donald Trump s'est amusé en assurant avoir seulement invité les porteurs d'arme à voter.

 

 

 

 

Quatre faillites
Pendant toute cette campagne hors norme, le milliardaire a multiplié ce genre de provocations, qui auraient sans doute été fatales à tout autre candidat que lui. Comme la fois où, vantant la loyauté de ses partisans, il a raconté qu'il pourrait assassiner quelqu'un sur la Cinquième Avenue, à New York, sans perdre la moindre voix. Ou lorsqu'en plein débat électoral, il a évoqué la taille de son pénis.

Ce goût immodéré de l'autopromotion et de l'adversité, le candidat républicain le doit en partie à son père, Fred Trump, qui fut l'un des grands promoteurs immobiliers new-yorkais de l'après-guerre.

Donald Trump était un enfant difficile, le quatrième d'une famille de cinq nés dans le Queens, à New York. Au point qu'à son entrée en quatrième, ses parents l'envoyèrent à l'Académie militaire de New York pour qu'il y apprenne la discipline. Il en est ressorti, dit-il, "avec plus d'entraînement militaire que beaucoup de gars qui ont fait l'armée". Mais avec une exemption fort opportune pour la guerre du Vietnam.

Diplômé de l'université de Pennsylvanie, Donald Trump a suivi un chemin tout tracé en faisant plutôt ses armes dans l'entreprise de son père, avant de lancer ses propres affaires à Manhattan grâce à un prêt paternel d'un million de dollars. Ses affaires immobilières ont prospéré et en 1983, il a fait ériger les 58 étages de la Trump Tower aux portes de Central Park, symbole éclatant de sa réussite.

S'ensuivirent une série d'investissements plus ou moins avisés et réussis, dont celui, catastrophique, dans les casinos d'Atlantic City, qui ont fini par mettre à terre son empire.

Le groupe Trump a déposé le bilan à quatre reprises, en 1991, 1992, 2004 et 2009. Donald Trump, qui a toujours échappé à la faillite personnelle, en a abandonné la présidence quatre jours avant que la dernière banqueroute ne soit déclarée, et que les créanciers du groupe ne se retrouvent spoliés.

Il s'était déjà lancé à l'époque un nouveau défi à la télévision avec "The Apprentice". Sans pourtant renoncer à son ultime ambition immobilière : la Maison blanche.

 

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