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Moyen Orient et Monde - Diplomatie

Désamorcer les tensions : un intérêt mutuel pour Paris et Moscou ?

Si les divergences de fond se sont renforcées dans le contexte géopolitique actuel, la France et la Russie gagneraient à trouver un terrain d'entente sur la crise syrienne.

Les présidents français François Hollande et russe Vladimir Poutine avant une conférence de presse commune, le 26 novembre 2015, au Kremlin, à Moscou. Sergei Chirikov/Reuters

Dans un contexte de tensions aiguës entre la Russie et la France, le président russe Vladimir Poutine a annulé mardi sa visite à Paris en raison des conditions imposées par le gouvernement français. Le 9 octobre, le président François Hollande évoquait « la possibilité de ne pas recevoir » son homologue russe au lendemain du veto de Moscou contre une résolution française au Conseil de sécurité de l'Onu, qui proposait une trêve à Alep.

Les tensions entre Paris et Moscou ne sont pas nouvelles et s'inscrivent dans le contexte plus global de la dynamique de confrontation entre l'Otan et la Russie, qui n'a cessé de s'amplifier depuis 2014. Elle s'est jouée à la fois sur le terrain en Syrie et sur le théâtre européen après le déploiement d'une force multinationale dans les pays baltes, le renforcement du système de défense antimissile et les manœuvres militaires les plus importantes depuis la fin de la guerre froide.

Néanmoins, les relations entre la France et la Russie ont été extrêmement fluctuantes depuis 2015, allant de la volonté de coopération avec Moscou dans la lutte contre le terrorisme, rapidement réfrénée par Washington en novembre 2015, à l'approfondissement des divergences dans l'approche du conflit en Syrie, surtout par rapport à Bachar el-Assad. Les contradictions qui ressurgissent ces derniers jours entre les deux pays relancent naturellement le débat, à la fois sur la rationalité de la diplomatie française dont les principes affichés ne tiennent pas compte du rapport de force global, et la radicalité de la posture russe qui pourrait renforcer son isolement diplomatique.

 

(Lire aussi : Coup de froid diplomatique entre Moscou et Paris)

 

« Étroite » coopération
Jacques Sapir, directeur d'Études à l'EHESS (École des hautes études en sciences sociales de Paris), spécialiste de la Russie contemporaine, estime que « le principal problème de la diplomatie française en Syrie est qu'elle est dominée par une conception restrictive et moralisante du conflit ». « La vision est à la fois manichéenne (les "bons" contre les "méchants") et en partie motivée par des considérations dites humanitaires, affirme-t-il. Les Français ont complètement oublié le mot de Clausewitz : "La guerre est la poursuite de la politique par d'autres moyens". Ils ne font plus de politique, et cela pour une raison simple : la France a abdiqué sa propre souveraineté. » Selon lui, « la gestion du dossier syrien par la France a mis en exergue l'arrimage de la diplomatie française aux États Unis, et la priorité stratégique du départ du président syrien, sur celle de la lutte antiterroriste ».
Or « il est évident que l'on ne peut lutter contre les mouvements jihadistes, qu'il s'agisse du soi-disant État islamique ou des groupes affiliés à el-Qaëda, sans une étroite coopération avec la Russie. Cela impliquerait, en bonne logique, que l'on cherche un compromis avec les Russes, et d'autres forces, sur les objectifs politiques et sur l'avenir du Moyen-Orient », explique l'analyste, qui estime que cette coopération est profondément mise à mal par l'hostilité latente qui surgit dès 2013 entre le gouvernement de François Hollande et la Russie de Vladimir Poutine.

 

(Lire aussi : Alep, la fuite en avant de Vladimir Poutine...)

 

Le cas de l'Ukraine
Mais pour Alain Gresh, spécialiste du Moyen-Orient, s'il existe bien une rhétorique antirusse déployée dans les médias français, la tonalité négative de la presse ne reflète pas la ligne officielle de la diplomatie française. « La France n'est pas dans une position d'inimitié envers la Russie, relève-t-il. Si l'approche française du conflit en Syrie entre en collision avec l'approche russe, cela ne signifie pas que la diplomatie française est irrationnelle. » Selon lui, le choix de miser sur un renversement rapide du régime syrien s'est avéré être « un faux calcul », et aujourd'hui le problème réside, au-delà des motifs idéologiques avancés, dans « la difficulté pour la diplomatie française à définir une ligne politique claire en Syrie ».
Il rappelle qu'en dépit de « l'étiolement assez relatif de ses capacités diplomatiques et militaires, la diplomatie française a tenté de jouer le rôle de médiateur dans la crise ukrainienne ». « La position française à l'égard de la Russie, notamment sur l'Ukraine, a été une position médiane, indique Alain Gresh. La France n'incarne pas la ligne la plus dure en Europe. On se souvient de la rencontre de juin 2015 entre le président russe et son homologue ukrainien, organisée sous l'égide de François Hollande et en présence d'Angela Merkel, le format Normandie pour trouver une solution à la crise ukrainienne. »

 

(Lire aussi : À la télévision russe, la Troisième Guerre mondiale a déjà commencé)

 

Pragmatisme
Si les divergences de fond se sont donc naturellement renforcées dans le contexte géopolitique actuel marqué par le bras de fer entre Washington et Moscou, la France et la Russie auraient aujourd'hui intérêt à trouver un terrain d'entente sur la crise syrienne. Jacques Sapir estime que « les réticences françaises à un rapprochement avec Moscou pourraient entraîner à terme le risque d'une perte d'influence, voire de l'inexistence stratégique de la France au Moyen-Orient ». En revanche, Alain Gresh explique que la Russie n'a aucun intérêt à cultiver l'isolement en se brouillant avec la France et l'Europe, alors même qu'elle mène une confrontation avec les États-Unis. Pour M. Gresh, les victoires militaires relatives de Moscou sur le terrain en Syrie sont contrebalancées par son affaiblissement sur la scène diplomatique. Privée du soutien de la Chine lors du dernier vote au Conseil de sécurité, la Russie est dans une situation économique qui devrait l'encourager à privilégier la diplomatie du pragmatisme.

 

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commentaires (2)

...pourquoi cette photo ..? qui semble mettre Normal 1er à égalité avec Vladimir Poutine...? alors que Normal 1er et son Ayrault ..ne sont même pas convié à la conférence de Lausanne ,sur la Syrie.....!

M.V.

11 h 36, le 15 octobre 2016

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Commentaires (2)

  • ...pourquoi cette photo ..? qui semble mettre Normal 1er à égalité avec Vladimir Poutine...? alors que Normal 1er et son Ayrault ..ne sont même pas convié à la conférence de Lausanne ,sur la Syrie.....!

    M.V.

    11 h 36, le 15 octobre 2016

  • ICI LA GAFFE EST AVANT TOUT HOLLANDAISE... QUAND IL Y A DES CRISES QUI PEUVENT MENER LE MONDE A L,ENFER DE L,INCONNU ON FAIT TOUT POUR SE VOIR ET DIALOGUER ... AUCUNE RAISON OU CAUSE N,EST ACCEPTABLE POUR DYNAMITER UNE RENCONTRE... L,ENFANTILLAGE DANS LA POLITIQUE EST HONNI !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 44, le 15 octobre 2016

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