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Moyen Orient et Monde - Éclairage

L’Iran et le Yémen : des paroles, mais quels actes ?

Téhéran affiche un soutien apparemment sans faille aux rebelles houthis, mais ne semble pas le concrétiser dans les faits.

Lundi 10 octobre : funérailles du maire de Sanaa, Abdul Qader Helal, tué dans les frappes aériennes samedi dernier, et qui ont fait 140 morts et plus de 500 blessés. Khaled Abdullah/Reuters

En ce dixième jour de mouharram (Achoura), alors que les chiites s'apprêtent à marcher en procession, le Yémen est dans tous les esprits. Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, a ainsi appelé lundi à marcher en soutien aux Yéménites. « Le massacre saoudien nécessite que l'on donne notre soutien aux Yéménites opprimés », a-t-il déclaré dans une allocution diffusée sur la chaîne libanaise al-Manar, en référence aux frappes aériennes menées par la coalition dirigée par l'Arabie saoudite, qui ont fait plus de 140 morts samedi à Sanaa, tenue par les rebelles houthis depuis janvier 2015. De son côté, le parrain iranien a également critiqué avec virulence les raids de la coalition.

Active depuis le 26 mars 2015, la coalition militaire menée par Riyad continue de viser, à la demande du président exilé Abed Rabbo Mansour Hadi, les rebelles chiites houthis. Pour la République islamique, l'intervention saoudienne doit cesser. Tantôt protecteur des chiites, anti-interventionniste, ou négociateur de paix, l'Iran distille régulièrement ses accusations à bon escient. Mais quid de son implication réelle.

Lors des dernières frappes de la coalition arabe, dans la ville de Sanaa, alors que la communauté internationale et plusieurs ONG condamnaient fermement ces bavures, l'Iran dénonçait de son côté « l'inaction de la communauté internationale face aux atrocités que font subir les Saoudiens au peuple yéménite ». La République islamique a ainsi revêtu son habit de protectrice des opprimés, condamnant l'acharnement contre les rebelles, comme un miroir inversé de son action en Syrie aux côtés de Bachar el-Assad.

 

(Lire aussi : À Sanaa, le raid de trop ?)

 

Ces divers appels résonnent d'ailleurs depuis le début du conflit. En mars 2015, son satellite libanais, le Hezbollah, appelait l'Arabie saoudite et ses alliés à « cesser immédiatement et sans conditions cette agression injuste... une aventure ni sage ni justifiée ». Alors que Riyad demandait l'ouverture d'une nouvelle enquête sur un possible armement des milices houthies par l'Iran, l'émissaire iranien à l'Onu Hamid Aboutalebi a déclaré : « L'Iran ne croit pas en une solution militaire au Yémen et a toujours travaillé à faire cesser les hostilités et restaurer le dialogue afin de parvenir à un règlement légal et à une résolution de paix. » Une réponse aux accents particulièrement pacifistes, comme pour mieux stigmatiser son adversaire belliqueux.

Mais si la lecture traditionnelle voudrait faire de l'Iran le parrain chiite naturel de la rébellion, la réalité est plus complexe. Les houthis, des zaïdites, ne se retrouvent pas dans le culte duodécimain pratiqué par les Iraniens : toute volonté de réduire la crise à une querelle confessionnelle ne fait donc que tronquer la lecture du conflit. Thierry Coville, chercheur à Novancia et spécialiste de l'Iran, précise : « Il faut sortir de la dichotomie traditionnelle qui reviendrait à dire que l'Iran ne fait que jouer son rôle de protecteur des chiites. La question n'est pas religieuse, mais infiniment géopolitique. »

 

(Lire aussi : Les espoirs de paix s'éloignent au Yémen, l'Arabie saoudite face à des choix difficiles)

 

Un soutien a minima
Dans un tel contexte, l'implication réelle de l'Iran demeure difficile à mesurer. Les premiers signes en ont été dévoilés en 2015 lorsque l'Arabie Saoudite et l'allié américain se sont penchés sur les déplacements du cargo Shahed, un navire de 3 000 tonnes repéré près des côtes yéménites. Riyad craignait alors que le Shahed ne transporte des armes pour appuyer l'action des rebelles houthis. Dans un rapport confidentiel de l'Onu de mai 2015, on apprenait toutefois que les navettes du Shahed, dont Téhéran affirme qu'elles sont à but notamment humanitaire, se font depuis 2009, bien avant le soulèvement houthi.

En ce qui concerne les formations de rebelles, les informations restent tout aussi floues. Dès 2015, des officiels américains exprimaient leur peur vis-à-vis d'éventuelles missions d'entraînement des gardes révolutionnaires au Yémen, missions qui pourraient permettre aux houthis d'utiliser des armes plus sophistiquées et d'acquérir davantage de bases militaires.

Mais au regard de l'implication de la coalition, force est de constater les limites de cette assistance. Pour Thierry Coville, l'aide reste tellement marginale qu'« on ne peut pas parler d'une réelle stratégie iranienne ». Si l'Iran cherche à créer un moyen de pression face à ses rivaux régionaux, plus particulièrement l'Arabie saoudite et Israël, la création d'une force politique alliée au Yémen reste, selon le chercheur, une illusion. « L'Arabie saoudite a peur que l'Iran ne crée un nouveau Hezbollah au Yémen et l'Iran joue sur cette peur pour déstabiliser les Saoudiens », souligne le chercheur. Aussi, les soutiens militaires sont bien loin de bouleverser le rapport de force local, d'autant plus que les forces houthies restent, comme le souligne le spécialiste, « très indépendantes » et peu enclines à devenir les marionnettes de la République islamique. Le degré de parrainage qu'ils sont prêts à accepter de l'Iran demeure peu clair, et les liens qu'ils entretiennent avec Téhéran ne sauraient être comparés à ceux qui lient le Hezbollah à l'Iran.

En attendant, les avions saoudiens continuent de pilonner les bases des rebelles alors que les violences ont fait plus de 10 000 morts et trois millions de déplacés civils. Et l'Arabie saoudite cherche à dissimuler les divisions qui secouent sa propre coalition. Face au recul persistant de son allié égyptien, qui a limité son intervention à un déploiement naval au niveau de la mer Rouge et qui maintient ses liens avec Téhéran, la coalition n'arrive toujours pas à faire front commun.

 

 

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