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Liban - Boussole

Confusion et Constitution

Il est une grande confusion dans la République. Elle a trois grandes composantes. La première, la plus importante, provient du blocage institutionnel, qui se traduit principalement dans la vacance à la tête de l'État. La seconde résulte de l'initiative de Walid Joumblatt l'année passée, reprise par Saad Hariri, de mettre en avant la présidence d'un candidat jusque-là anathème, Sleiman Frangié. La troisième complète le mélange des cartes encore plus dramatiquement, avec l'ouverture récente de Saad Hariri sur Michel Aoun, l'homme qui est à l'origine de la vacance présidentielle, et qui tire sa fierté du slogan absurde ouvertement adopté par lui et par ses alliés : «Aoun ou personne.»

L'initiative de Saad Hariri la semaine dernière augmente la confusion qui résulte du blocage. En apparence, elle encourage le chantage anticonstitutionnel de Michel Aoun, qui n'est que la version libanaise des supporters du dictateur syrien. À « Bachar aw mnihruq al-balad » (soit Bachar, soit nous brûlons le pays), répond au Liban « Aoun aw min naattil al-balad » (soit Aoun, soit nous bloquons, laminons, arrêtons, détruisons le pays). M. Assad a littéralement brûlé la Syrie pendant cinq ans plutôt que de céder le pouvoir. M. Aoun a bloqué le Liban pendant trois ans plutôt que de permettre au Parlement d'élire un président. Il n'est pas difficile de constater cette alliance d'hommes soi-disant « forts », autre nom pour les dictateurs les plus cruels. Elle est un calque que partagent Poutine, Assad, Sissi, Duterte, Trump et Aoun version XXIe siècle du fascisme, les deux derniers cités avec ce même profil autoritaire de dictateur avant la lettre.

 

(Lire aussi : Liban humaniste, de nouveau dans la rue, pour un président élu et non pas désigné)

 

Dans la confusion créée par l'initiative de Hariri, la mosaïque libanaise est telle que l'effondrement des axes et alignements classiques ne peuvent que produire encore plus de byzantinisme et d'effondrement. La seule voie de salut est le retour à la Constitution, et aux solutions qu'elle préconise pour résoudre le problème de la vacance présidentielle. M. Hariri se rendra compte assez vite que les artifices politiques ne peuvent jamais se substituer aux principes constitutionnels. Ce n'est pas par une mésalliance que le problème peut être résolu.

Mais si nous ne sommes encore pas au bout de nos peines, en pleine confusion dans un labyrinthe libanais toujours redessiné, il faut noter un net progrès du discours public dans le bon sens, celui de la Constitution, même chez Michel Aoun.

Dimanche à midi, le patriarche Raï a rejeté l'argument colporté dans des milieux autant locaux qu'internationaux sur le « panier » nécessaire à la présidentielle. Rejetant ledit panier comme incompatible avec les pouvoirs du président tels que définis par la Constitution, son exhortation hebdomadaire est maintenant colorée par un accent fortement juridique: «Comment un candidat à la première présidence, qui a de la dignité et une sens des responsabilités, peut-il accepter de se dénuer de ses responsabilités constitutionnelles et se voir imposer des conditions anticonstitutionnelles?» Alentour, le député Michel Aoun reprenait un discours paradoxalement semblable. Autre petite nouvelle le citant comme « engagé de par le texte de la Constitution à ne pas accepter qu'il soit dépassé et enserré par des conditions anticonstitutionnelles et illégales ». Pour quelqu'un qui a raté 45 (quarante-cinq) séances présidentielles, on peut douter de sa sincérité, mais je préfère une autre interprétation, positive.

 

(Lire aussi : Positions de principe)

 

On ne peut pas s'insurger impunément contre la Constitution. Michel Aoun commence à le comprendre, parce que ni lui ni aucun autre député ne peut garder un kopeck de légitimité s'il ignore que sa légitimité provient de ce pacte social fondamental appelé Constitution. Il ne suffit pas de sauter comme un cabri en disant «pacte, pacte» (mithaq, mithaq) pour éluder le devoir ridiculement simple d'élire un président en fonction des dispositions claires du texte constitutionnel. Non plus sortir de sa hotte, comme M. Berri, de nouveaux «lapins» du style «panier» comme condition de l'élection. M. Aoun et les députés de son bloc sont maintenant nommés un par un à se départir de leurs attitudes destructrices. Surtout, une brèche importante a été ouverte par la défection du député Estephan Douayhi, présent à la séance 45.

Le lézardement du bloc anticonstitutionnel se poursuit, et je lis dans la nouvelle convergence du discours public le début du succès de notre action à Liban Humanisme. Aussi poursuivons-nous cet effort pour sortir du « goulot du blocage » (qumqum al-taatil). L'expression n'est pas de nous, elle est du député Estephan Douayhi qui nous promet enfin d'être revenu de l'aberration constitutionnelle où son groupe se trouvait jusque-là.

 

(Lire aussi : L’humanisme n’est ni une utopie ni un intellectualisme)

 

Il nous faut persister sur cette voie, par-delà la dernière pirouette politique qui tente de remplacer des dispositifs constitutionnels par un surplus de confusion. Il n'en est pas d'autre pour sortir de l'ornière où les ambitions dictatoriales de M. Aoun et le diktat absurde du Hezbollah nous ont laissés. La pression pour la Constitution doit se poursuivre, et elle a déjà fait du chemin. Il faut l'augmenter, en encourageant ceux qui la respectent maintenant et en sanctionnant de plus en plus sérieusement les députés qui ne font pas leur devoir constitutionnel le plus important, celui de mettre un terme à la béance à la tête de l'État, au Liban comme ailleurs.

À ce soir au centre de Beyrouth pour sortir de la confusion par la
Constitution.

Note : Liban Humanisme suivra sa rencontre hebdomadaire pour le déblocage constitutionnel par une conférence de presse « Place de la Constitution » en face du « Nahar »/Le Gray, à 18h.

 

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Il est une grande confusion dans la République. Elle a trois grandes composantes. La première, la plus importante, provient du blocage institutionnel, qui se traduit principalement dans la vacance à la tête de l'État. La seconde résulte de l'initiative de Walid Joumblatt l'année passée, reprise par Saad Hariri, de mettre en avant la présidence d'un candidat jusque-là anathème, Sleiman...

commentaires (1)

FORMIDABLEMENT SUPERBE ! LES ULTIMATUMS NE DEVRAIENT POINT PASSER. GRANDE ERREUR SI BKERKE NE SUPPORTE PAS 100PCT LE PATRIARCHE RAI ! PLUS GRANDE ERREUR S,ILS JETTENT DU LEST... LES GOUPILS NE PROLIFERENT QUE QUAND ILS ONT AFFAIRE A DES POULES ! ASSEZ ! S,EN EST ASSEZ !

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 26, le 04 octobre 2016

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Commentaires (1)

  • FORMIDABLEMENT SUPERBE ! LES ULTIMATUMS NE DEVRAIENT POINT PASSER. GRANDE ERREUR SI BKERKE NE SUPPORTE PAS 100PCT LE PATRIARCHE RAI ! PLUS GRANDE ERREUR S,ILS JETTENT DU LEST... LES GOUPILS NE PROLIFERENT QUE QUAND ILS ONT AFFAIRE A DES POULES ! ASSEZ ! S,EN EST ASSEZ !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 26, le 04 octobre 2016

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