Rechercher
Rechercher

Économie - Splendeurs et misères économiques

Faut-il jeter le capitalisme avec la boue des capitalistes ?

Né à Beyrouth, Michel Santi est un macroéconomiste franco-suisse qui conseille des banques centrales et des fonds souverains. Il est notamment l’auteur de « Misère et opulence » et « Pour un capitalisme entre adultes consentants », venant de paraître aux éditions Lignes de repères.

Il faut sauver le capitalisme, car celui-ci est menacé par les capitalistes ! Entreprises échappant à toute régulation et dont les trésoreries se muent en rentes pour les directions générales et pour l'actionnariat. Cartels qui s'arrogent des monopoles faussant la concurrence, pourtant vitale pour assainir l'économie. Il est un fait que les capitalistes n'apprécient guère la compétition en dépit de l'évidence admise de toutes et de tous que le système capitaliste ne prospère que pour et par la compétition.

À cet égard, la globalisation a foncièrement modifié la donne, en faveur des méga-entreprises qui s'y sont engouffrées et faisant usage de toutes les brèches et de toutes les failles du système dans le but de s'acquitter le moins possible de l'impôt. Certes, les États– qui se livrent entre eux à une lutte fiscale acharnée – ont-ils fait preuve de grande clémence vis-à-vis de ces multinationales qui menacent de délocaliser – et donc de licencier – à la moindre « incartade » des pays qui les accueillent. En attendant, ce chantage exercé par ces entreprises à taille de mastodonte ne lèse pas seulement les intérêts du consommateur et bien sûr du contribuable : il nuit fondamentalement à l'image même du capitalisme.

Quand le banquier John Pierpont Morgan affirmait qu'il pourrait traiter d'égal à égal avec le président Roosevelt, le patron d'Apple, Tim Cook, a qualifié – « O tempora O mores » – l'amende tout récemment infligée à sa société par la Commission européenne de « merde politique » (« political crap »)... En dépit de montages et de l'utilisation d'entités échappant à tout contrôle étatique, Cook semble suggérer que sa société évolue dans des sphères qui doivent rester hors de portée de la méprisable politique et des fonctionnaires chargés d'appliquer les réglementations. Les gouvernements seraient effectivement priés de s'effacer face aux produits créés par Apple qui s'est arrogé le droit de mériter un statut spécial, et qui n'a donc pas à payer 13 milliards d'euros d'arriérés d'impôts à l'État irlandais alors même qu'elle détient plus de 200 milliards d'euros sur des comptes offshore échappant à toute taxation.

Pour autant, le fabricant d'iPhone n'est de loin pas le seul dans le collimateur des autorités européennes qui sont sur le point de redresser également Starbucks, Amazon, McDonald's qui se livrent tous à une concurrence déloyale en faisant feu de tous les artifices leur permettant de s'acquitter du plus petit impôt possible et imaginable. Apple ne paie-t-il pas 0,005 % de taxation sur ses revenus ? Par ailleurs, Google – qui jouit d'une domination quasi absolue dans nombre de secteurs d'activité – n'est-il pas lui aussi sous le coup d'une enquête minutieuse pour ses affaires européennes ?

Ne soyons donc pas étonnés ou scandalisés que de plus en plus de nos concitoyens stigmatisent la globalisation, trop souvent synonyme de comportements abusifs, de tricheries fiscales et de dévoiement du capitalisme. Cette perception, de plus en plus répandue, selon laquelle le système est pourri parce que nombre d'entreprises et d'individus semblent au-dessus des lois, ruine l'image du capitalisme.

 

 

Dans la même rubrique

La cigale et l’Allemagne

Ces années 30 qui hantent l'Europe

Apologie des banques centrales

Recherche sécurité désespérément !

Globalisation : R.I.P.

Il faut sauver le capitalisme, car celui-ci est menacé par les capitalistes ! Entreprises échappant à toute régulation et dont les trésoreries se muent en rentes pour les directions générales et pour l'actionnariat. Cartels qui s'arrogent des monopoles faussant la concurrence, pourtant vitale pour assainir l'économie. Il est un fait que les capitalistes n'apprécient guère la...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut