Habib Maalouf a ramené hier le débat sur la crise des déchets à la case départ. Lors d'une conférence organisée à l'Université américaine de Beyrouth (AUB), intitulée « Propositions stratégiques pour la gestion des déchets solides au Liban », le journaliste et professeur en études environnementales a posé la bonne question : pourquoi les Libanais produisent-ils autant de déchets ?
M. Maalouf a entamé sa présentation par une critique acerbe du système de base qui réglemente le secteur de l'industrie, l'importation, l'agriculture, ainsi que le comportement des consommateurs. « Ni le producteur ni le consommateur ne s'interrogent sur le devenir des produits à la suite de leur consommation », a-t-il relevé.
L'expert a donné l'exemple des sacs en nylon utilisés et distribués gratuitement aux acheteurs par les supermarchés et les magasins. « Si les consommateurs payaient le prix de ces sacs, en plus des marchandises achetées, ils renonceraient à sortir avec plusieurs sacs entre les mains », souligne M. Maalouf.
Les sacs en nylon constituent la plus grande partie des déchets solides au Liban, selon l'expert. « Le volume de déchets aurait été réduit de moitié si la diffusion sur le marché des produits était réglementée et taxée », a souligné le conférencier, avant de préciser que le Libanais produit un kilogramme de déchets par jour. « Ce chiffre est inacceptable et des mesures pour le réduire devront être prises avant toute autre chose », estime M. Maalouf.
La proposition essentielle de M. Maalouf serait donc d'œuvrer pour un changement du comportement du consommateur, qui devrait se comporter de manière saine et responsable. « Cela n'est envisageable qu'à travers l'enseignement et la mise en place de la philosophie de l'efficace et du durable », explique-t-il.
« C'est à l'État de s'occuper de ces mesures, d'effectuer une mise à jour de la tarification des produits, accompagnée d'une étude sur leur durée de vie, avant de lancer le débat sur l'incinération ou l'enfouissement des déchets », a indiqué l'expert avant de poursuivre : « Les seuls éléments qui manquent à la gestion de cette crise, et qui s'avèrent pourtant être les plus cruciaux, sont la stratégie et la vision. »
(Lire aussi : Déchets : encore et toujours des palliatifs, en attendant la prochaine crise)
La décentralisation
Pour Habib Maalouf, la décentralisation des déchets aboutira à un plus grand désordre. « La décentralisation ne pourrait être envisagée du jour au lendemain, affirme-t-il. Son entrée en vigueur nécessite des lois qui préciseraient les prérogatives des conseils municipaux, les devoirs et les droits des citoyens, les infractions et les sanctions correspondantes », explique l'expert.
Après avoir souligné que « la décentralisation nécessite avant tout un gouvernement central fort qui fonctionne suffisamment bien pour assurer un contrôle de qualité », M. Maalouf a déclaré que « les solutions temporaires envisagées sont de loin meilleures que l'ancien dépotoir de Nehmé ». Et d'ajouter : « Mis à part ses défauts que j'ai constamment dénoncés, le dépotoir était régi par une entreprise spécialiste en la matière, or ceux qui proposent la gestion de la crise sont des contractants qui, pour la plupart, ne comprennent rien au sujet. »
M. Maalouf a conclu sur une note pessimiste qui a reçu l'aval du public : « La seule stratégie qui ait jamais existé concernant les déchets au Liban est, malheureusement, celle de ne jamais adopter de stratégies. »
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commentaires (3)
Vous devez construire des incinérateurs et tous les problèmes du Liban son finis
Eleni Caridopoulou
19 h 19, le 16 juillet 2017