« Israël n’a que deux choix : continuer ou stopper. Dans les deux cas, il a perdu. » Lors de son allocution lundi, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a clamé haut et fort la victoire du Hamas, et avec lui, de « l’axe de la résistance », et cela malgré la destruction massive et le grave bilan humain (plus de 35 000 Palestiniens tués) après sept mois de combats à Gaza. « Certes, le prix est lourd, a-t-il reconnu dans un discours prononcé au cours d’une cérémonie en hommage à Moustapha Badreddine, ancien chef militaire du Hezbollah en Syrie, tué en 2016. Toutefois, la victoire se mesure dans le nombre d’objectifs réalisés par chaque belligérant. Contrairement au Hamas, Israël n’en a réalisé aucun. » Le commandant en chef de l’axe pro-iranien a, dès lors, énuméré les objectifs atteints par le mouvement palestinien après son opération le 7 octobre contre Israël. « Au début de la guerre, la résistance palestinienne a indiqué que l’un de ses buts était de raviver la cause palestinienne, rappelle le dignitaire chiite. Aujourd’hui par la résilience des combattants et de la population, la cause palestinienne est la première dans le monde. » Il a notamment affirmé que, sans le Déluge d’al-Aqsa, des États arabes auraient « signé l’arrêt de mort de la Palestine », en référence à la normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite qui s’annonçait imminente avant le début de la guerre, mais qui est plus que jamais aujourd’hui conditionnée par Riyad à la reconnaissance d’un État palestinien par Tel-Aviv. « La communauté internationale le dit désormais : l’État palestinien est la seule solution pour la région », a ajouté Hassan Nasrallah, à l’heure où, sous l’influence du Hamas, l’axe de Téhéran semble s’ouvrir à la perspective d’une solution à deux États. « Les Israéliens n’en veulent pas, puisqu’ils considèrent l’État palestinien comme un danger existentiel », accuse-t-il.
Yehya Sinouar aux Nations unies
Côté israélien, Nasrallah a affirmé que le gouvernement de Benjamin Netanyahu n’a réalisé aucun des objectifs de sa campagne militaire. « Ils avaient annoncé vouloir annihiler le Hamas, mais il est loin d’être vaincu », a-t-il insisté. « Ils voulaient récupérer les otages israéliens, mais la grande majorité d’entre-eux est toujours aux mains des résistants, a-t-il ajouté. Enfin, ils voulaient que Gaza ne soit plus une menace pour eux, mais les tirs continuent de pleuvoir sur le Sud, y compris sur Ashkelon (grande ville au nord de l’enclave palestinienne, NDLR). » Le secrétaire général du Hezbollah a d’ailleurs estimé qu’Israël n’avait pas réussi à vaincre le Hamas, quand bien même ce dernier ne posséderait que « des capacités militaires modestes, même par rapport aux autres factions de la résistance », comme pour réaffirmer que le Hezbollah reste « le grand frère » du Hamas et surtout, est capable d’infliger des dégâts encore plus importants à Israël en cas de guerre totale. Et d’ajouter : « Concernant les objectifs non déclarés, ils n’ont pas réussi non plus à déplacer par la force les Palestiniens de Gaza vers l’Égypte. » « Vous voulez savoir qui a gagné la guerre ? Regardez les images du représentant d’Israël aux Nations unies qui porte une photo de Yehya Sinouar (chef du Hamas à Gaza, NDLR) », a-t-il ironisé. Le chef du Hezbollah a ensuite – brièvement – évoqué le Liban-Sud, où la guerre contre Israël fait également rage depuis le 8 octobre. « Notre front de soutien continue dans sa mission et développe ses opérations », a-t-il affirmé. Depuis quelques semaines, le Hezbollah a recours à des drones qui semblent plus sophistiqués que lors des premiers mois du conflit, puisqu’ils sont moins souvent interceptés par Israël et causent plus de pertes. « Je ne peux pas ne pas revenir sur les propos du ministre israélien de la Défense Yoav Gallant qui a prétendu que la moitié des combattants du Hezbollah étaient morts et l’autre moitié se cachaient... c’est un imbécile, a-t-il lancé. Ne voit-il pas que nos combattants sont partout et lancent quotidiennement des attaques ? » Il y a quelques semaines, Yoav Gallant avait affirmé qu’Israël a tué la moitié des commandants du Hezbollah. Une statistique que les experts jugent irréaliste. « En tout cas, le lien entre le front libanais et le front à Gaza reste indissociable. Même les Américains et les Français l’ont compris », a-t-il martelé. Ces derniers mois, des émissaires de
Washington et de Paris ont essayé d’obtenir un cessez-le-feu au Liban-Sud indépendamment de Gaza, ce que le Hezbollah a refusé. Aujourd’hui, ces deux pays continuent de s’activer en coulisses pour tenter d’éviter que la guerre ne s’étende encore plus vers le Liban.
« 20 milliards, 30... »
Sur un autre registre, le leader chiite a évoqué lors de la dernière partie de son discours le dossier des réfugiés et migrants syriens. « C’est le sujet le plus important actuellement sur la scène nationale », a-t-il affirmé. « Voilà la solution : parlez à la Syrie et à son gouvernement », a fait valoir le chef du Hezbollah, qui s’est félicité du « consensus national au Liban » sur la question. Les puissances occidentales, comme les organisations internationales, affirment que le régime de Bachar el-Assad ne souhaite pas le retour des migrants et réfugiés syriens, du moins pas sans contrepartie. Mais selon Hassan Nasrallah, c’est la communauté internationale qui serait le principal obstacle au retour des Syriens dans leur pays. « Si les sanctions contre la Syrie ne sont pas levées, les réfugiés ne rentreront pas », a-t-il assuré.. ou menacé. Il a d’ailleurs affirmé avoir essayé de rapatrier les Syriens au Liban originaires de la région de Qousseir, où la milice chiite est très influente. « Nous avons garanti aux habitants un retour dans de bonnes conditions. Mais ce sont les associations au Liban qui ont empêché leur retour, celles qui sont financées par les puissances étrangères ! » a-t-il poursuivi.Dans ce cadre, il a appelé le Liban à prendre la « décision courageuse » d’ouvrir l’accès à la mer aux Syriens qui souhaitent se rendre en Europe afin de faire pression sur la communauté internationale. « Nous n’avons jamais dit qu’il fallait obliger les Syriens à monter dans un bateau pour s’en aller ! Mais permettez-leur de quitter légalement, en adoptant une loi nationale qui dirait : « La mer est ouverte ! Partez, vous avez le droit ! » » a plaidé le dirigeant chiite. « Si l’on fait cela, ce n’est plus un milliard que nous donnera l’UE. C’est 20 milliards, 30... » a-t-il lancé. Ses propos interviennent à la veille d’une réunion du Parlement consacrée à l’examen du don européen d’un milliard d’euros à Beyrouth afin de soutenir l’économie du pays, ses forces de sécurité, et de lutter contre l’émigration illégale vers les côtes européennes.La rhétorique de Hassan Nasrallah sur le dossier des réfugiés syriens est clairement alignée sur celle de son allié Bachar el-Assad. D’ailleurs, alors que de nombreux indicateurs font état de divergences entre Assad et son parrain iranien concernant la guerre à Gaza, Nasrallah a clairement voulu noyer le poisson. « Il suffit de voir les discours du président Assad pour savoir qu’il est du camp des résistants », a-t-il assuré, tout en reconnaissant (pour la première fois) que certaines des revendications des opposants à son régime étaient « légitimes ».
C’est bien dommage que le ridicule ne tue pas. On se seraient débarrassés de plus d’un.
12 h 42, le 15 mai 2024