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Lifestyle - La Mode

Au Met Gala 2024, une soirée « Jardin du temps » prépare le « Réveil des belles endormies »

Organisé chaque premier lundi du mois de mai, le Gala de l’Institut du costume du Metropolitan Museum de New York est l’un des événements les plus attendus par la planète du spectacle et de la mode. Le thème 2024 est « Le Jardin du temps » et celui de l’exposition qu’il finance est « Le Réveil des belles endormies ».

Au Met Gala 2024, une soirée « Jardin du temps » prépare le « Réveil des belles endormies »

L'actrice et chanteuse américaine Jennifer Lopez. Andrea Renault/AFP

Toujours démesuré, le Gala du Met, sous la présidence d’Anna Wintour, invite des happy few triés sur le volet parmi les célébrités du moment, à s’habiller selon l’inspiration dictée par un thème. Le ticket d’entrée du dîner, si l’on a le privilège de recevoir le précieux carton, coûte cette année 75 000 dollars, une table entière 350 000. L'édition précédente a rapporté quelque 22 millions de dollars. En même temps est inaugurée la grande exposition annuelle du « Costume Institute » dont le thème est cette année « Réveiller les belles endormies ». Il est à noter que le musée a aussi collaboré avec le spécialiste de l'intelligence artificielle générative OpenAI pour permettre aux visiteurs de converser avec une mondaine new-yorkaise du XXe siècle, Natalie Potter, sur l'impressionnante robe à traîne cathédrale qu'elle portait, le jour de son mariage, le 4 décembre 1930. Dans le prolongement de l’intitulé de l’exposition, « Les belles endormies », est proposé aux invités et invitées de la soirée celui du « Jardin du temps », d’après une nouvelle dystopique de James Graham Ballard.

Le Gala du Met s'est tenu sous la présidence d’Anna Wintour. Andrew Kelly/Reuters

Le Jardin du temps, où les fleurs s’épuisent à éloigner la guerre

Quand James Graham Ballard arrive de Shanghaï, où il a grandi, en Angleterre où il s’établit en 1946, il a dans les yeux les horreurs de l’invasion japonaise et celles de sa détention dans un camp civil. Il découvre un pays en apparence coupé des réalités du monde, un peuple dédié à des activités paisibles, dont notamment le jardinage. « Désespérant des relations humaines (les gens étaient si difficiles), elle allait souvent dans son jardin et tirait de ses fleurs une paix que les hommes et les femmes ne lui donnaient jamais », écrit Virginia Woolf dans Mrs Dalloway. Enchaînant les petits boulots, il publie son premier roman, Le Vent de nulle part, en 1962. Celui-ci sera suivi d’une vingtaine de romans et d'une quinzaine de recueils de nouvelles dont la plus célèbre, Le Jardin du temps, publiée en 1962, prête son inspiration au thème du Met Gala 2024 choisi par Anna Wintour pour cette soirée de levée de fonds annuelle dont médias et spectateurs guettent la démesure.

Le Jardin du temps est un jardin magique qui s’étend devant la propriété d’Axel, un comte vieillissant, et de sa femme. Une armée barbare s’avance vers eux, et chaque fleur coupée a la vertu de la faire reculer un peu, mais les vandales avancent inexorablement jusqu’à la dernière fleur. La propriété est envahie et détruite. Mais les héros demeurent parmi les ruines, transformés en statues, elle tenant une rose.

L’œuvre sombre et désabusée de J.G. Ballard a constamment inspiré la scène créative américaine, notamment l’univers de la musique populaire (on se souvient notamment de Drowned World de Madonna, titre de 1998, littéralement celui d’un roman postapocalyptique de Ballard publié en 1962).

Arrivée remarquée de la rappeuse américaine Cardi B. Marleen Moise/Getty Images/AFP

Un cru avec moins de « trop »

Contrairement aux éditions précédentes, le Met Gala 2024 s’est joué sur une note peu excessive. Si la robe blanche Valentino à étole camélias de Rihanna enceinte, ou la traîne démesurée de Jeremy Pope, en froufrous révélant le portrait de Karl Lagerfeld, icône de l’édition 2023, ont marqué les esprits, et si la robe sadomasochiste Balenciaga portée par Kim Kardashian avec un masque noir zippé, pour l’édition 2021, avait soulevé une vague d’indignation, on n’aura vu dans les interprétations du « Jardin du temps » que… beaucoup de « déjà vu ». Et cette année, Rihanna ne s’est pas montrée. Et le tapis du Met n’était pas rouge mais blanc bordé de vert, avec des haies de fleurs des deux côtés.

La chanteuse et compositrice trinidadienne Nicki Minaj. Angela Weiss/AFP

Difficile de surprendre à tous les coups un public émoussé par trop de « trop ». Mais la rappeuse américaine Cardi B. a réussi l’exploit d’attirer l’attention avec une robe imitant une rose noire dont les pétales en flots de tulle occupaient une dizaine de marches à mesure qu’elle évoluait devant les caméras. On aura été charmé par la sculpture florale conçue par Marni, sous la direction artistique de Francesco Risso, pour la chanteuse et compositrice trinidadienne Nicki Minaj. La robe en accumulation de fleurs 3D dessinée par Loewe pour l’actrice et scénariste Ayo Edebiri fait également partie des looks remarqués, de même que celui de l’actrice et mannequin britannique Lily James, une robe longue rose pâle ornée de tulipes noires, ou d’Emma Chamberlain, hôtesse de la soirée, habillée par Jean-Paul Gaultier d’un fourreau de dentelle brun avec un long voile de tulle et des gants d’opéra transparents à motifs de ronces en effet tatouage. On a vu Jennifer Lopez avec des ailes, en Schiaparelli, le prince du reggaeton et du rap latino, Bad Bunny, en costume noir Martin Margiela par John Galliano, coutures apparentes, gants noirs et bouquet de fleurs à la main.

Jennifer Lopez en Schiaparelli. Angela Weiss/AFP

Déguisements, montres, jardins secrets et robes lumineuses

Nous avons demandé à des créateurs libanais quelle aurait été leur interprétation du thème. Fidèle à son minimalisme architectural qui ne supporte pas de fioritures, Rabih Kayrouz a répondu : « Ohlala ! Je ne suis pas fan de ces déguisements ! » Le duo Azzi & Osta, connu pour ses créations oniriques, s’est en revanche volontiers prêté à l’exercice, imaginant « une robe inspirée des Bosquets de Versailles ou d’un jardin secret où les amoureux se rencontrent et le temps se fige. Une robe-cage avec des fleurs contrastées faite de couches de tulle bordées de rubans de satin, en rose et vert pastel. Une robe en forme de sablier cintrée à la taille, inspirée des pagodes des Jardins de Versailles, avec un manteau de fleurs de gazar en soie formées à la main ». Eric Ritter, l’un des pionniers de la nouvelle scène de la mode libanaise, non genrée et à base de stocks et produits recyclés, voit tout de suite le temps plutôt que les fleurs, et suggère « Une robe faite entièrement de montres, peut-être ? » Rami Kadi, célèbre pour sa haute couture qui fait appel aux nouvelles technologies, s’est pour sa part laissé aller, entre deux avions, à une rêverie dont résulte ce qui suit : « En explorant cette scène enchanteresse, j'ai entrepris de concevoir une robe couture qui évoque l'attrait des époques passées tout en faisant signe vers un avenir inconnu. Au cœur de cette robe se trouve un corset magnifiquement ouvragé, qui symbolise la grâce aristocratique et façonne le corps avec une finesse royale. Ce corset cristallisé est accompagné d'une jupe taille basse qui s'entrelace avec lui sans effort et s'écoule comme une cascade de couleurs, reflétant les changements du temps. Chaque fil UV de la robe renferme un secret, et à chaque pas, la robe se transforme, éblouissant de nouvelles teintes. Imaginez la robe flottant sur le tapis, les couleurs changeant et dansant. La robe est ornée de fleurs brodées complexes qui semblent s'épanouir dans le tissu et se transforment en papillons délicats, d'une manière surréaliste, offrant un spectacle envoûtant. Cette robe serait la porte d'entrée d'un monde où le temps danse, où les rêves s'envolent et où l'imagination ne connaît pas de limites. C'est un vêtement qui incarne l'esprit d'aventure, nous invitant à embarquer pour un voyage dans le jardin de nos rêves les plus fous, où chaque pas est une célébration des merveilles illimitées de la vie. »

Bad Bunny, en costume noir Martin Margiela par John Galliano. Dia Dipasupil/Getty Images/AFP

Durant la soirée, quelques centaines de manifestants propalestiniens se sont approchés de la célèbre 5e avenue où se dresse le musée, aux cris de « viva Palestina »  La police, qui a arrêté plusieurs personnes, les tenait à distance derrière des barrières. Comme un brusque retour à la réalité, un avertissement posthume de James Graham Ballard : des armées avancent et les fleurs n’y pourront rien.

Toujours démesuré, le Gala du Met, sous la présidence d’Anna Wintour, invite des happy few triés sur le volet parmi les célébrités du moment, à s’habiller selon l’inspiration dictée par un thème. Le ticket d’entrée du dîner, si l’on a le privilège de recevoir le précieux carton, coûte cette année 75 000 dollars, une table entière 350 000. L'édition précédente a...
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