« Je suis revenu parce qu’il est grand temps que je fasse quelque chose pour le Liban. » Dans un long entretien accordé lundi à la chaîne al-Jadeed, l’ancien vice-Premier ministre Élias Murr a annoncé son retour dans l’arène politique après plus de sept ans à la tête de la Fondation Interpol pour un monde plus sûr. « Le secrétariat général d’Interpol a été informé de la décision d’Élias Murr de quitter ses fonctions avant la fin de son mandat, en 2028 », affirme dans un communiqué le bureau de l’intéressé. Ce dernier ne semble d’ailleurs pas vouloir se contenter d’un « come-back » discret. Lors de son entretien lundi, il a multiplié les prises de position qui le placent clairement au sein du 8 Mars. Il a même annoncé qu’il comptait fonder un parti politique : le mouvement de la République.
Le Metn et plus si affinité
Ancien ministre de l’Intérieur et de la Défense, puis vice-Premier ministre, Élias Murr est l’héritier de l’homme d’affaires et ancien député du Metn, feu Michel Murr. Depuis les années 60, cette famille grecque-orthodoxe fait de cette région une véritable baronnie, nourrissant un vaste réseau de services au bénéfice de sa clientèle politique. Toutefois, Élias Murr s’était progressivement éloigné de la politique après avoir survécu à une tentative d’assassinat en 2005 et a fini par s’envoler pour Genève en 2013. Huit ans plus tard, le patriarche de la famille Michel Murr (senior) décède. C’est le fils d’Élias, Michel, qui prend la relève en se présentant aux législatives de mai 2022, mais c’est tout de même son père qui fait l’annonce. Malgré une faible notoriété et une image de novice souvent moquée sur les réseaux sociaux, le candidat obtient plus de 8 000 voix et est élu à l’un des deux strapontins grecs-orthodoxes du Metn. Le clan Murr n’est pas écarté de la vie politique, mission accomplie pour Junior. N’empêche qu’il va devoir maintenant céder la place à son père, qui semble vouloir se donner une envergure nationale au-delà du seul Metn.
« Dès la fin de la guerre à Gaza et au Liban-Sud, le mouvement de la République sera annoncé officiellement, a-t-il promis lundi. Dans un premier temps, il sera implanté dans le Metn, où nous essayerons de subvenir aux besoins des habitants des différents villages. Plus tard, il se pourrait que nous nous étendions sur l’ensemble du territoire, notamment dans les régions chrétiennes ».
Si Élias Murr n’a pas pris la peine d’annoncer un programme politique – ou de dissimuler sa stratégie clientéliste –, ses déclarations lors de l’entretien ne laissent aucun doute quant à son (re-)positionnement politique. Pendant les années de la tutelle syrienne, les Murr maintiennent de bonnes relations avec Damas, en bons zaïms soucieux de maintenir leur fief. Mais à partir des années 2000, Élias se démarque, allant jusqu’à accuser implicitement les renseignements syriens et le Hezbollah d’être derrière l’attentat qui faillit lui coûter la vie. Dans son interview, l’ancien ministre a cependant clairement fait comprendre que cette ère est révolue. « Le Tribunal international a accusé des membres du Hezbollah d’avoir essayé de m’assassiner... je ne le crois pas », a-t-il lancé. Il a également accusé la contestation populaire d’octobre 2019 d’être « politisée », reprenant la rhétorique du camp du 8 Mars qui voit dans ces manifestations monstres un « complot ». « Ce n’était une véritable révolution que la première semaine », a-t-il estimé. Et de renchérir : « Je ne fais pas confiance au chef des Kataëb Samy Gemayel et je ne recommande pas à mon fils de s’allier au leader des Forces libanaises Samir Geagea. » Dans un autre entretien, accordé quelques jours plus tôt au quotidien ach-Charq, il affirme d’ailleurs se tenir « derrière Sleiman Frangié (candidat du Hezbollah) jusqu’au bout dans le dossier présidentiel ». Métamorphose achevée.
Parti cherche bailleur de fonds orthodoxe ?
Ce soutien affiché à Sleiman Frangié n’empêche pas Élias Murr d’entamer un rapprochement avec le Courant patriotique libre de Gebran Bassil, pourtant opposé à cette candidature (au point d’en arriver presque au divorce avec le Hezbollah, son principal allié depuis 2006). Selon des informations obtenues de sources concordantes, une délégation du CPL s’est récemment entretenue avec l’ancien ministre.
« L’objectif est de s’accorder le plus possible sur les dossiers politiques importants et de préparer le terrain peut-être à une alliance électorale dans deux ans », affirme une source aouniste. Ça tombe bien pour le CPL, qui vient de se séparer d’Élias Bou Saab, qui occupe le second siège grec-orthodoxe du Metn et qui est considéré comme un important bailleur de fonds pour le parti, notamment en période d’élection. Ça tombe bien aussi pour Élias Murr, qui a besoin de développer son réseau d’alliés s’il espère (de nouveau) peser dans la vie politique. Ça tombe surtout bien pour le Hezbollah, qui se réjouit du rapprochement de Gebran Bassil avec d’autres figures – qu’elles soient traditionnelles comme Nabih Berry ou nouvellement adoptée comme Élias Murr – du 8 Mars, tout en lui faisant comprendre qu’il peut très bien lui trouver des remplaçants sur la scène chrétienne.
commentaires (14)
Un nouveau vassal pour les barbus… il rêve de remplacer les oranges … et lui quelle sera sa couleur ? le marron peut être
Zeidan
21 h 26, le 25 avril 2024