Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Conférence

L’UPM menace-t-elle le rôle de la société civile ?

Michel Tubiana analyse l'impact des modifications apportées par l'Union pour la Méditerranée par rapport au processus de Barcelone.

Michel Tubiana lors de son allocution.

Le 4e Forum civil s'est réuni à un moment particulier de l'histoire des rapports institutionnels euro-méditerranéens, affirme d'emblée Michel Tubiana, avocat, président d'honneur de la Ligue des droits de l'homme (LDH) et secrétaire général de la plateforme Euromed. À un moment où le processus de Barcelone a été officiellement remplacé par l'Union pour la Méditerranée (UPM), alors que l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne a profondément modifié les processus décisionnels européens. À un moment où l'étendue géographique a également bougé, puisque si cette union concerne toujours la Méditerranée, d'autres pays non riverains de notre mer commune sont maintenant pris en compte, à l'instar de la Mauritanie et de la Jordanie, et bien sûr du reste des pays non méditerranéens membres de l'UE.
« C'est donc un bouleversement à la fois institutionnel et géographique. En même temps, les constantes de la situation euro-méditerranéenne n'ont pas changé », estime M. Tubiana. De fait, les principaux conflits demeurent : « Le peuple palestinien continue à souffrir de l'occupation qu'il subit, le Sahara occidental reste un objet de conflit et de litige, Chypre est toujours divisée, sans oublier la question des minorités religieuses et ethniques dans tel ou tel pays, y compris depuis quelques années au sein de l'Union européenne. » Michel Tubiana estime en outre que les processus démocratiques au sud de la Méditerranée sont toujours obérés par des atteintes massives aux libertés fondamentales. « Et l'on voit bien, il suffit d'en constater les à-coups, comment ces questions pèsent sur l'UPM dont on sait qu'elle a subi un certain retard et dont on peut espérer que le prochain sommet se tienne », ajoute-t-il.
En tant que plateforme qui a fait le choix d'être un partenaire à la fois indépendant et critique, mais aussi un partenaire institutionnel, « nous avons pris acte des changements intervenus, mais comment ne pas dire notre interrogation, pour ne pas dire notre inquiétude ? » se demande M. Tubiana.
Selon lui, le processus de Barcelone n'était pas parfait. Il présentait, néanmoins, deux points d'ancrage qui paraissent essentiels. Le premier est de faire référence explicitement à des valeurs communes, un destin partagé et les droits de l'homme. Ces références ont connu un sort plus ou moins effectif. « Et si les différents accords de partenariat conclus, y compris sous l'empire de la politique de voisinage, comprenaient une clause dite » droits de l'homme, « on a bien vu les limites de l'effectivité de cette clause », témoigne l'avocat français.
Le second point est la construction, qui ne fut pas sans difficultés, de rapports devenus riches, avec et entre les sociétés civiles du nord et du sud de la Méditerranée. « La reconnaissance de la participation des sociétés civiles à la construction du partenariat euro-méditerranéen est un acquis, même imparfait, incontestable du processus de Barcelone », estime M. Tubiana qui se demande : « Qu'est il advenu (de la reconnaissance de la participation des sociétés civiles) avec la création de l'UPM dans le contexte de l'application du traité de Lisbonne ? » Selon lui, il est trop tôt pour dresser un bilan de la conjugaison de ces bouleversements institutionnels. « Nous sommes donc obligés de nous en tenir aux actes et aux déclarations officiels. »
Les projets de développement économique, conjoints privés-publics, sont présentés comme des moyens concrets de dépasser les antagonismes politiques pour privilégier les coopérations effectives. « Après tout, pourquoi pas ? affirme Michel Tubiana, l'UE a bien commencé par la communauté du charbon et de l'acier. » Mais au-delà des années passées depuis le début de la construction européenne, M. Tubiana se demande si les deux situations sont comparables.
Il y a cinquante ans, l'Europe alliait un processus commun de développement économique à une volonté politique de dépasser les antagonismes meurtriers pour créer une union. « Sans aller jusqu'à rêver d'une union comparable entre le Nord et le Sud de la Méditerrané, le rejet, dans le cadre de l'UPM, du » Politique « à la marge de cette initiative qui privilégie la dimension économique (y compris l'environnement) laisse alors ouverte la totalité des questions que le processus de Barcelone n'avait pu qu'effleurer », estime-t-il. Ainsi, le conflit israélo-palestinien et la difficulté qu'a l'UE à déterminer sur ce sujet une politique commune, efficace, et respectueuse de la légalité internationale, pèsent de tous leur poids sur les processus en cours au point de modifier les institutions initialement prévues de l'UPM, voire d'en bloquer les initiatives. « À supposer celui-ci réglé, il faudra aussi en régler d'autres... », s'inquiète M. Tubiana.
Or le rejet de la politique aux frontières de l'UPM, c'est aussi la quasi-inexistence de toutes références aux droits de l'homme, à la bonne gouvernance et à la démocratie. « Certes, il s'agit de préoccupations qui existent mais de manière si marginale que l'on peut se demander si la référence faite à ces questions ne s'apparentent pas plus à une révérence obligée qu'à une volonté réelle de les aborder », distingue-t-il. Comment donc gérer les relations avec des régimes qui prolongent indéfiniment l'état d'urgence, qui méprisent la presse, qui emprisonnent les défenseurs des droits de l'Homme, qui empêchent les associations d'exister ?
Le secrétaire général de la Plateforme civile Euromed se demande dès lors si « nos revendications de sociétés civiles autonomes et indépendantes seront prises en compte dans le cadre de ce partenariat rénové ». Dans ce contexte, M. Tubiana s'inquiète de la nouvelle place reconnue de la société civile : « Nous sommes entendus, au sens strict du terme, lors des conférences ministérielles, mais sommes nous écoutés ? »
« Nous avons bien compris quel est l'objectif de l'UPM : donner de la chair économique au partenariat euromed. Reste à savoir ce qu'est advenu de l'âme de ce partenariat, celle qui fait des peuples des acteurs, celle qui permet aux sociétés de dialoguer, de partager un destin commun et de s'approprier des valeurs communes. C'est la question que nous posons », conclut Michel Tubiana.
Le 4e Forum civil s'est réuni à un moment particulier de l'histoire des rapports institutionnels euro-méditerranéens, affirme d'emblée Michel Tubiana, avocat, président d'honneur de la Ligue des droits de l'homme (LDH) et secrétaire général de la plateforme Euromed. À un moment où le processus de Barcelone a...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut