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À La Une - Liban

Le salon de beauté pour petites filles, nec plus ultra libanais

Quoi de plus « in » pour une fillette de 4 ans que de se faire faire une manucure, un maquillage ou un chignon.

Tia-Maria, reine de la fête, se fait maquiller par une éducatrice, dans un salon proche de Beyrouth.

Assise bien sagement sur le rebord d’un bassin miniature blanc et rose, devant un fauteuil moelleux rose bonbon, Ella, 4 ans et demi, se fait faire une manucure. Elle observe avec sérieux la jeune esthéticienne de ce salon de beauté pour fillettes, qui lui trempe les mains dans l’eau savonneuse et lui lime les ongles avant de les lui laquer soigneusement en rose fuchsia. La fillette est ravie. Sa mère, Lara, aussi. Pour récompenser sa fille « qui est brave à l’école », elle a cédé à sa demande. Enfin presque. C’est à Jeïta que la petite aurait voulu aller, où un salon de beauté « beaucoup plus grand » accueille les fillettes, avec chaises longues, massage et tout le toutim. Un salon qu’elle avait visité lors d’une sortie scolaire. « Mais c’était trop loin. J’ai préféré l’emmener ici », souligne la mère.


Ici, c’est dans ce nouveau centre d’achat ultramoderne à Dbayé, où l’aire de loisirs pour enfants comporte un salon de beauté pour filles et un salon de coiffure pour garçons. Un salon de beauté en bonne et due forme, qui fait fureur car on y satisfait tous les desiderata de ces petits bouts de bonnes femmes dès l’âge de trois ans et jusqu’à 14 ans : manucure, pédicure, coiffure, chignons, boucles, coloration, maquillage... rien n’est oublié. Pas même les loups, boas, plumes et autres accessoires froufroutants pour faire patienter les petites. Le tout exécuté par une équipe de coiffeurs et de manucures-esthéticiennes. Dans un décor kitch, qui n’a pas grand-chose d’enfantin. Mais les fillettes adorent ! Leurs mères aussi. Ces dernières ne rechignent pas à la dépense pour faire plaisir à leur progéniture.

Comme des champignons
Pour la manucure de la petite Ella qui n’a duré que quelques minutes, sa mère déboursera 10 000 LL, avec le sourire. « C’est la première fois. Mais ce ne sera pas fréquent, dit-elle, à l’intention de sa fille qui fait la moue. Parce qu’à l’école, le vernis à ongles n’est pas autorisé. » Entre coiffure, manucure et maquillage, la facture de ces femmes en devenir peut facilement atteindre 100 000 LL, parfois plus. Et ça marche !


Surtout en week-end et les jours de congé. « Les samedis, c’est de la folie », souligne une jeune manucure qui prend soin des fillettes. Elles envahissent le salon et sont capables de passer des heures à se faire pomponner. Seules ou entre copines. « Les mères, elles, en profitent pour aller faire leurs achats. »


Il faut dire que le concept n’a plus rien d’exceptionnel. Répondant à une demande sans cesse grandissante, des salons de beauté ou spas pour fillettes poussent comme des champignons un peu partout, dans les centres d’achat ou au sein d’aires de jeu pour enfants, à Mansourieh, Verdun, Sodeco, Jeïta ou Dbayé.


Certains tablent uniquement sur le culte de la beauté et prennent l’allure de véritables salons, avec des étalages entiers d’une marque quelconque de produits de beauté pour enfants exposés à la vente. D’autres privilégient l’aspect ludique du concept qu’ils intègrent à une aire de jeu. Le passage au salon de beauté, avec maquillage, déguisement de princesse et autre, fait alors partie d’un tour organisé et bien minuté où les petites touchent à tout. Elles apprennent à cuisiner, pratiquent une activité manuelle, font un peu de sport, avant d’avoir droit à la récompense ultime. Car le salon de beauté est la vedette incontestable. Les fillettes doivent souvent se faire prier pour s’adonner aux autres activités. Elles n’y prêtent d’ailleurs aucun intérêt, les yeux et l’esprit rivés sur l’endroit qui fera d’elles des reines de beauté, l’espace d’un après-midi. Avec la possibilité, bien évidemment, d’emporter avec elles un bout de leur rêve, un kit de produits de beauté aux couleurs tendres, que leurs mères paieront en supplément.

 

 

 


Juste pour les occasions
Le phénomène de mode est tel qu’il est désormais le concept phare de nombreux anniversaires d’enfants. Seules invitées à ces « parties de beauté », des fillettes bien entendu. Pour ses 8 ans, Tia Maria a réuni quelques amies dans une aire de jeu très fréquentée à Mansourieh, un samedi matin. C’est une première pour elle. Dès leur arrivée, les fillettes se précipitent vers le minisalon de beauté où elles pourront se faire belles et porter des tutus de danse. Mais elles sont aussitôt guidées vers d’autres activités par les éducatrices. « Ce sera pour plus tard », leur dit l’une d’entre elles. Les fillettes sont d’abord installées pour des travaux manuels. Elles feront ensuite un peu de cuisine : une galette au thym qu’elles fabriqueront avant de la manger sans grand enthousiasme.


Il est enfin l’heure ! Elles ne donnent leur joie à personne. Sagement assises sur des petits fauteuils couleur rose bonbon, revêtues de peignoirs roses, elles se laissent manipuler pendant plus d’une demi-heure par les éducatrices. Massage de pieds, pédicure, manucure, maquillage, déguisement, coiffure... Elles auront droit à tous les caprices féminins, à la laque pour cheveux aussi, et bien entendu au vernis rose fuchsia, couleur particulièrement affectionnée par la grande majorité des petites princesses. La séance est entrecoupée de rires, de commentaires timides des fillettes, sous l’œil attentif de Rania, la mère de Tia Maria. « Je voulais faire plaisir à ma fille. Elle est ravie. Et puis j’aime bien cet endroit. Il est destiné aux enfants, et bien plus simple que ce que j’ai vu ailleurs », souligne-t-elle. Quant au choix du concept, elle estime que la beauté est l’atout des filles. « Il est normal qu’elles aiment se faire belles. Mais je cède uniquement aux occasions. Je ne voudrais pas que ça devienne une habitude. Ma fille est trop jeune pour ça », dit-elle.

Mauvaise habitude
Ce lieu accueillant au décor enfantin n’est pas exclusivement réservé aux filles, mais accueille aussi les garçons, qui peuvent y déjeuner après l’école, faire leurs devoirs et profiter des activités. Mais la réputation de l’endroit est faite. Justifiée par son nom... qui n’est autre que la marque de produits de beauté « fabriqués à l’étranger, parfaitement inoffensifs et destinés aux enfants », mis en vente et distribués sur le marché local par l’entreprise que dirige l’initiatrice du projet, Ghada Nehmé. « Il y a tellement d’activités pour garçons », se défend-elle, montrant les vélos et autres jeux, dans un des coins de l’espace. Mais elle sait pertinemment que le salon de beauté est le cheval de bataille de son établissement. « Les fillettes adorent imiter leurs mères et faire tout ce qui est interdit », reconnaît cette mère de famille, avec le sourire. « Mais cela reste une pratique occasionnelle, juste pour le plaisir, car les filles aiment se faire belles, tient-elle à préciser. Mais les enfants doivent jouer et apprendre, pas seulement acquérir de mauvaises habitudes. »


Une mauvaise habitude bien avant l’heure pour certains parents. Qui, loin de trouver le concept amusant, critiquent cette commercialisation à outrance de la beauté enfantine et refusent d’envoyer leurs petites filles dans de tels endroits. Piégés, certains sont perplexes. « Depuis cet anniversaire dans un spa où on lui a mis du vernis sur les ongles, ma fille de trois ans n’arrête pas de me demander d’y retourner », raconte une mère, outrée.
Réussira-t-elle à aller à contre-courant dans un pays où le culte de la beauté de la femme commence dès la petite enfance ? Difficile lorsqu’on se heurte à la détermination des entreprises concernées qui encouragent la tendance. Deux salons sur trois, craignant visiblement la critique, ont opposé une fin de non-recevoir à nos sollicitations.

Assise bien sagement sur le rebord d’un bassin miniature blanc et rose, devant un fauteuil moelleux rose bonbon, Ella, 4 ans et demi, se fait faire une manucure. Elle observe avec sérieux la jeune esthéticienne de ce salon de beauté pour fillettes, qui lui trempe les mains dans l’eau savonneuse et lui lime les ongles avant de les lui laquer soigneusement en rose fuchsia. La fillette est...

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