La défaite de Nicolas Sarkozy ouvre une période agitée pour l'UMP, mais son score finalement honorable pourrait limiter, au moins dans l'immédiat, les risques d'une implosion à laquelle le Front national rêve ouvertement.
D'un côté, une guerre de succession se profile du fait du retrait du président sortant, avec en première ligne le secrétaire général, Jean-François Copé, le Premier ministre François Fillon et, comme arbitre possible, le ministre des affaires étrangères Alain Juppé.
De l'autre, la tonalité très droitière de la campagne de Nicolas Sarkozy et les réserves qu'elle a suscitées en interne imposent une clarification idéologique qui pourrait alimenter des forces centrifuges, vers la droite ou le centre, selon le sens qu'elle prendra.
Toute la difficulté sera de continuer à faire cohabiter une aile droite organisée autour la Droite populaire, un collectif de 43 députés qui défend des positions sécuritaires dures et dont plusieurs sont en première ligne face au Front national, et des anciens centristes qui revendiquent des valeurs humanistes. L'ancien ministre de l'Ecologie Jean-Louis Borloo a lancé dès dimanche soir un appel du pied à ces derniers.
Mais le véritable rendez-vous sera cet automne, lors du congrès qui sera chargé d'élire un nouveau président pour succéder à Nicolas Sarkozy.
Sauve-qui-peut général évité ?
Dans l'immédiat, la perspective des élections législatives, dans six semaines, devrait suffire à maintenir la cohésion du parti même si la question potentiellement dévastatrice d'alliances avec le FN pourrait se poser dans des triangulaires.
Ancien porte-parole adjoint de l'UMP, Dominique Paillé, qui a pris ses distances avec Nicolas Sarkozy en 2010 en lui reprochant de diviser plutôt que de rassembler les Français, juge que l'ampleur relativement limitée de sa défaite devrait se traduire par un "réflexe de cohésion" au sein de la formation, afin de "sauver les meubles aux législatives". "Avec une défaite plus forte, on assisterait à un sauve-qui-peut et des tentatives d'accords locaux avec le Front national, donc un éclatement", a-t-il dit à Reuters.
De fait, les responsables de l'UMP qui se sont succédé dimanche soir sur les plateaux de télévision ont plaidé dans le même sens, à savoir une mobilisation générale pour éviter que la gauche, majoritaire au Sénat depuis l'automne dernier, ne contrôle tous les pouvoirs.
Pour conforter cette unité, Jean-François Copé a annoncé la constitution d'un comité de pilotage stratégique des législatives regroupant tous les poids lourds de l'UMP, y compris ses adversaires comme Xavier Bertrand et François Fillon. Il avait également indiqué la semaine passée qu'il autoriserait les sensibilités du parti à s'organiser en "mouvements", dans le but manifeste de prévenir le développement de tensions internes dans l'hypothèse d'une défaite de Nicolas Sarkozy, à laquelle il ne croyait officiellement pas.
Tiraillement très forts
Les statuts de la formation née en 2002 de la fusion de l'ancien RPR, de tradition gaulliste, et de l'UDF, pro-européenne, libérale et centriste, prévoyaient cette possibilité, qui n'a pas été appliquée jusqu'à présent.
"Le pire, pour nous tous, serait un retour à une droite divisée comme du temps du RPR et de l'UDF", a dit Jean-François Copé. Deux fondateurs de l'UMP, Alain Juppé et l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, ont exprimé les mêmes craintes.
Mais des accords électoraux avec le FN pourraient servir de catalyseur à ces tensions.
Stéphane Rozès, président du cabinet de conseil CAP, prédit déjà, en fonction de celui qui reprendra les rênes de l'UMP, "un tiraillement très fort entre une Droite populaire espérant des accords avec le Front national et des centristes tentés de reconstituer l'ancienne UDF."
Pour cet analyste, seul le vétéran Alain Juppé a "la légitimité et l'assise pour éviter un éclatement de l'UMP" alors que Jean-François Copé, "parce qu'il regarde le coup d'après, a voulu s'inscrire dans le noyau dur de la droite" en accompagnant la droitisation de la campagne de Nicolas Sarkozy.
Gaël Sliman, de l'institut BVA, juge de même qu'il y a "un vrai risque d'éclatement de la droite, qui a perdu cette élection présidentielle en n'étant plus tout à fait elle-même quant aux valeurs qu'elle a portées."
"Elle a fait monter le FN et suscité de très fortes divisions au sein de l'UMP (...) Sans parler du centre droit qui ne se retrouve pas dans cette droitisation, tandis que la Droite populaire y verra de bonnes raisons de conclure des alliances locales avec le FN", estime-t-il.
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commentaires (7)
Je suis tout à fait d’accord avec vous Madame Sursock. Un duopole ne peut pas prétendre représenter les aspirations de tout un peuple. Le clivage gauche-droite est un peu trop simpliste. Le système Suisse est bien plus équilibré. Les deux partis en France (ou aux Etats-Unis, ou en Allemagne) ont un avantage écrasant sur tous les autres du fait de leur ancienneté et de leur participation successive au pouvoir durant des décennies. Les autres partis n’ont d’autre choix que de s’aligner sur un axe ou l’autre, et la société n’a d’autre choix que de se polariser. Ceci dit, il est évident que la défaite de la droite est due à la personnalité du Président. C’est une défaite personnelle (qu’il a d’ailleurs finalement assumée), bien plus qu’un vote de confiance envers le Parti Socialiste. Sarkozy parti, peut-être que la justice fera enfin la lumière sur l’affaire Merah, l’affaire DSK, les donations de Kadhafi, etc… Il y a des dossiers qui puent comme une paire de chaussettes après un marathon.
Jack Hakim
04 h 54, le 08 mai 2012